Polémique autour de la mode islamique: la « mode modeste », un marché à prendre
« On peut être élégante dans des vêtements longs »: Hélène Agesilas et Malika Maza, à la tête d’une marque de « mode pudique », déplorent le débat « stérile » sur les vêtements islamiques qui agite la France depuis une semaine.
Les deux mères de famille musulmanes ont lancé Fringadine en 2014, petite marque proposant des vêtements couvrants à la touche rétro, conformes selon elles aux obligations de leur religion mais aussi à leur goût pour « la qualité » et des pièces « intemporelles ».
Elles partagent leur temps entre un bureau loué à Saint-Denis, en banlieue parisienne, et Londres où leur société a son siège. « On répond au besoin de beaucoup de femmes en Europe. Il y a une demande », disent-elles.
Leurs clientes sont en majorité musulmanes mais pas uniquement, affirment ces deux autodidactes, regrettant la polémique en France autour des enseignes qui développent des collections de vêtements islamiques, comme Uniqlo et Marks&Spencer, ou Dolce&Gabbana.
En France, où le voile est interdit à l’école et la burqa dans la rue, l’apparition de collections incluant le « burkini » (maillot de bain intégral) ou le hijab a fait bondir plusieurs personnalités, à commencer par le Premier Ministre Manuel Valls pour qui « le voile n’est pas un objet de mode, mais un asservissement de la femme ».
« Pour nous, la mode est plurielle, ouverte à tout le monde. Franchement, on ne comprend pas. C’est une discussion stérile », rétorque Hélène. Cette convertie d’origine antillaise s’est sentie « insultée » par les propos de la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, comparant les femmes qui portent ces vêtements aux « nègres » favorables à l’esclavage.
Vêtue d’une robe longue beige ceinturée, un hijab rose pale et une veste en velours, Malika, qui vit à Londres, note que la « modest fashion » (« mode pudique ») s’est développée en Grande-Bretagne avant la France. Et « cela n’a pas été un grand scandale ».
« On ne s’attarde pas sur la richesse de la diversité en France. Or il y a des opportunités extraordinaires », dit-elle, citant une étude selon laquelle les dépenses des musulmans consacrées aux vêtements dans le monde, évaluées à 266 milliards de dollars, pourraient atteindre 484 milliards en 2019.
Et la France compte la plus importante communauté musulmane d’Europe avec environ 5 millions de personnes, un marché de plus en plus courtisé aussi dans le secteur alimentaire.
Robe maxi-longue à col claudine
Alors que la philosophe féministe Elisabeth Badinter a appellé à boycotter les marques occidentales qui vendent ces tenues, les fondatrices de Fringadine s’insurgent contre les « clichés » sur les femmes voilées et « une stigmatisation » des musulmans.
« Moi, j’ai choisi de porter le voile toute seule », affirme Malika. « J’ai fait des études, je me considère comme féministe. Je porte le hijab mais chez moi, c’est moi qui ai la plus grande bouche! »
Les deux quadragénaires, qui revendiquent une démarche « éthique », travaillent avec une modéliste et font réaliser leurs vêtements en France par des couturières. Ce qui fait monter les prix : 150 euros en moyenne.
Les collections sont réduites et les deux amies remboursent tout juste leurs emprunts, sans pouvoir encore se verser de salaire. Dans le vestiaire qu’elles proposent, les cheveux sont recouverts par une volumineuse casquette ou une capeline, à laquelle s’ajoute une cagoule entourant le visage.
Entre vêtement religieux et inspirations vintage, on trouve aussi une robe maxi-longue col claudine, une blouse blanche brodée très victorienne, une veste paletot, une robe salopette, portée avec des chaussures style babies à talons.
Selon le blogueur musulman « orthodoxe » Fateh Kimouche, spécialiste de l’économie islamique, des dizaines de marques de ce type se sont développées ces dernières années en France, comme Misstoura, Inès à Paris, Dabaïa Collection, Al Moultazimoun, Hijab Glam…
Férues de défilés, les cofondatrices de Fringadine, qui avouent un faible pour Valentino, ont voulu « se distinguer par rapport à ce qui se fait ailleurs dans la « modest fashion » », notamment du style du Moyen-Orient, « où on va trouver beaucoup de matières légères, du polyester, du bling bling ».
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