Le touriste, de plus en plus égocentrique

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De plus en plus égocentrique, le touriste du XXIe siècle ? En 2015, il a surtout cherché à se faire du bien, à enrichir son savoir-faire et à partager ses aventures en live avec son réseau.

S’il est un créneau qui a cartonné ces derniers mois, c’est bien celui des trips bien-être. Le secteur connaît en effet la plus forte croissance à l’échelle mondiale. « Il progresse 50 % plus vite que le tourisme en général », selon le président du Global Spa & Wellness Summit, grand-messe annuelle de l’univers du voyage. Et pèserait plus de 500 milliards de dollars par an, soit 15 % des dépenses touristiques sur la planète. Souffler, se ressourcer, se reposer, se soigner la tête et le corps en s’offrant une cure de remise en forme… La tendance est en plein boom, mais elle ne se limite plus aux thermes, spas et autres espaces de massage, devenus la règle dans le moindre hôtel digne de ce nom – l’Europe compte à elle seule 35 000 spas ! De plus en plus d’établissements et de voyagistes vont jusqu’à s’appuyer sur des coachs professionnels pour proposer d’autres activités : yoga, pilates ou tai-chi, randonnée, trail ou VTT, détox, diététique ou fitness, retraite spirituelle, méditation ou pleine conscience…

L’objectif est d’abord de se faire du bien, en vivant des expériences permettant à la fois de s’occuper de soi-même, de manger sain et local, et ce tout en visitant. « Les gens deviennent plus soucieux des habitudes de vie saine et veulent les appliquer quand ils voyagent, voire profiter de l’occasion pour les mettre en pratique », explique à Reuters une consultante du Stanford Research Institute. Pour se refaire une santé ou trouver une façon zen d’affronter le stress quotidien après leur retour, en prolongeant plus longtemps l’effet positif des vacances.

Une étude américaine montre que ce type de tourisme attire majoritairement les personnes d’âge mûr, instruites et aisées financièrement. Une niche très lucrative, dont le développement n’est pas près de s’arrêter : selon les sources et les pays, les touristes « bien-être » dépenseraient 65 à 130 % de plus que les autres…

Escapades créatives

Qui dit bien-être pense aussi développement personnel. Défini comme un voyage qui offre au visiteur l’opportunité de développer son potentiel artistique en suivant des cours, un atelier ou un apprentissage caractéristique de l’endroit où il séjourne, le tourisme créatif a également le vent en poupe. Art, cuisine, danse, artisanat local, poterie, musique traditionnelle, chant, tissage, photo… Il existe une immense palette de domaines qui permettent d’enrichir sa pratique ou sa maîtrise d’une discipline en voyageant.

Cette nouvelle forme de tourisme culturel – il s’agit toujours de partir à la découverte d’autres cultures – séduit par son côté actif et personnalisé. On vit une expérience dont on gardera plus que de simples souvenirs, contrairement à l’aspect plus passif des visites muséales et patrimoniales, de la contemplation de paysages ou du farniente sur les plages. Et l’apprentissage favorise les contacts avec les autochtones, ce qui répond aussi à un souhait croissant des voyageurs friands d’immersion « participative ».

L’OCDE ne s’y trompe pas, écrivant dans un rapport publié fin 2014 que « ce nouveau modèle peut apporter une valeur ajoutée considérable, accroître la demande et diversifier l’offre […] L’innovation qu’il suscite engendre de nouvelles évolutions, dont l’apparition de nouveaux intermédiaires créatifs et d’une économie de partage, et le développement d’un tourisme relationnel ». Certains font le lien avec une autre tendance très en vogue dans nos contrées : celle du do-it-yourself. Sauf que le tourisme créatif sert aussi les intérêts des populations locales. Un réseau international met désormais en valeur les villes et les régions du monde qui s’inscrivent dans la mouvance : le Creative Tourism Network.

Emotions connectées

Tant qu’à multiplier les expériences intenses, autant les partager avec son réseau. On connaît le selfie, mais il a trouvé son successeur : le « braggie ». L’image qui vous met en scène devant un lieu unique ou pendant que vous vivez un moment exceptionnel, histoire de rendre vos amis verts de jalousie (« to brag » signifiant se vanter). Prise avec un smartphone ou une tablette, filmée avec une GoPro, pourvu qu’elle soit mise en ligne en temps (quasi) réel sur les réseaux sociaux. Qui ne s’est pas encore laissé prendre au jeu ?

Connecté en permanence, le voyageur peut aussi se géolocaliser dans les endroits les plus paradisiaques, automatiquement indiqués sur sa page Facebook ou Instagram. Beaucoup de prestataires touristiques offrent aujourd’hui le wi-fi gratuit aux visiteurs de passage, dans l’espoir qu’ils diffusent des instantanés sans exploser leur facture de roaming. Autant de publicité gratuite pour un hôtel, un resto ou une destination identifiée sur le cliché. Certains hauts lieux touristiques vont jusqu’à installer des « bornes à selfie » pour permettre aux touristes de se photographier à leur guise avec leur décor en toile de fond. Dernière nouveauté : des applis (Roadtrippers, Evaway…) permettent aux voyageurs de diffuser en temps réel, sur les réseaux, leur itinéraire émaillé de photos et vidéos in situ. Avec les commentaires appropriés.

Philippe Berkenbaum

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