Après avoir sublimé une certaine idée du mauvais goût avec sa série Spoiler Room, la peintre bruxelloise Bieke Buckinx (37 ans), dont les gigantesques hot-dogs décorent les restaurants (et les intérieurs) les plus branchés du royaume, prépare une exposition au Salon de l’auto.
Depuis son atelier du Sablon, elle s’est confiée sur sa passion du métier et l’étonnant secret de la créativité. Portrait d’une des figures les plus rafraîchissantes de la jeune garde belge, à ajouter sans tarder à votre collection: Bieke Buckinx, retenez bien ce nom. Et découvrez, dans ses mots à elle, comment elle envisage son rôle d’artiste, mais aussi, cette capitale qu’elle habite autant qu’elle l’habite.
Bruxelles dégage une énergie brute
J’adore vivre ici, parce que c’est très multiculturel aussi: chacun peut être qui il veut, et même plusieurs personnes à la fois. En tant qu’artiste, ça m’offre la possibilité d’essayer plus librement des choses.
Bien sûr qu’il y a des endroits où il vaut mieux ne pas se balader seul(e) le soir, mais ça vaut pour toutes les villes.
Il y a à Bruxelles énormément de culture et d’initiatives pour la soutenir, et je trouve ça dommage que ce soit éclipsé par un discours sans cesse négatif.
L’ennui est la meilleure source d’inspiration
J’ai eu la chance de grandir à une époque sans smartphones ni Internet, et quand je sens que je suis en manque d’inspiration, je m’offre une déconnexion totale. Je trouve mes idées de peintures dans le quotidien, dans les détails auxquels les autres ne prêtent peut-être pas attention.
Le plus beau compliment, c’est qu’on reconnaisse mon travail
Je suis toujours très contente quand quelqu’un me dit qu’il a vu une peinture et a su immédiatement qu’elle était de moi. J’aime peindre d’une manière qui montre la technique, qui laisse voir que c’est ma main qui a peint.
Rien ne me fait plus plaisir que quand quelqu’un remarque que j’ai clairement pris plaisir à peindre un tableau.
Moi-même, j’adore quand je le vois. Et c’est aussi une incroyable source de plaisir que des gens veuillent acheter mes toiles, les accrocher chez eux et les voir tous les jours.
Le succès repose sur une grande part de chance
En tant qu’artiste, c’est toujours difficile de trouver l’équilibre entre ce qu’on a envie de faire et ce qui se vend. J’ai choisi ce métier pour la liberté qu’il me procure, et j’ai la chance que les gens achètent mon travail. Si j’avais réalisé au début de ma carrière que mes œuvres ne plaisaient pas, j’aurais probablement décidé de faire de la peinture un hobby et de gagner ma vie autrement plutôt que d’adapter mon style. La manière dont je peins m’appartient, c’est une extension de moi, et je ne pourrais pas la modifier.
J’ai tendance à focaliser toute mon énergie sur un sujet
Quand quelque chose retient mon attention, je veux m’y consacrer entièrement, jusqu’à ce que ce soit «hors de mon système». La nourriture est un thème dans lequel je suis tombée un peu par hasard: tout a commencé avec le célèbre hot-dog d’Ikea, commandé après une visite au magasin.
D’un coup, il m’a semblé magnifique par sa forme et sa couleur, comme s’il me suppliait presque d’être peint.
Peu après, je suis partie à New York, où il y a un stand de hot-dogs à chaque coin de rue, ce qui a encore attisé mon intérêt. De là est née la série NO CARBS, et la nourriture est devenue un motif récurrent de mon travail.
La frontière entre le bon et le mauvais goût est très relative
Ce qui était tendance hier sera jugé kitsch demain, et redeviendra cool après-demain. Il y a donc quelque chose de libérateur dans le fait de lâcher la peur d’avoir «mauvais goût». Surtout aujourd’hui. À cause des réseaux sociaux, on a l’impression que tout le monde veut être encore plus parfait et faire les «bons choix». Alors que c’est justement quand on ose aller à contre-courant qu’il se passe quelque chose d’intéressant.
Être belge est une belle carte de visite
Nous avons tant de talents dans le pays, et je suis curieuse de découvrir les prochaines générations, qui seront certainement prometteuses dans tous les secteurs créatifs. Le fait que nous soyons humbles est, je pense, quelque chose d’apprécié à l’international.
Ce qui ne veut pas dire que nous sommes faussement modestes pour autant.
Personnellement, je ne risque pas de prendre la grosse tête, car je reste toujours émerveillée par le travail d’autres artistes, que j’admire précisément parce qu’ils accomplissent ce que je ne pourrais pas faire moi-même. Ce qui m’attire, c’est le travail plus libre et expressif, tandis que moi, je me perds souvent dans les détails.
Créer, c’est comme jouer
Cela active une partie du cerveau qui nous pousse à penser plus librement, comme quand on se prend à l’un ou l’autre jeu. Et cela ne doit pas forcément se limiter au domaine de l’art. Il peut aussi s’agir de trouver des solutions créatives dans la vie quotidienne, ce qui stimule un esprit ouvert. C’est quelque chose dont nous avons, je crois, bien besoin aujourd’hui: une attitude plus flexible les uns envers les autres, plus d’écoute et moins de jugement.