Ambiance asiatique pour les dernières heures du restaurant triplement étoilé Hertog Jan
Dans le cadre de la Warmste Week, Gert de Mangeleer et Joachim Boudens ont mis sur pied un dîner de charité hors normes, un menu de sept services dans lequel sont intervenus 6 chefs venus d’Asie. Vingt mille euros ont ainsi été récoltés pour cette oeuvre caritative.
Pour comprendre le repas qui s’est déroulé ce 19 décembre au restaurant Hertog Jan, il faut le placer dans le contexte tel que le décrit Gert de Mangeleer « Nous sommes habituellement fermés de mercredi. Ce qui signifie aussi qu’il nous reste à ce jour 4 services, 2 lunchs et 2 dîners de l’histoire du Hertog Jan dans sa version 3 étoiles au Michelin. Les chefs qui sont ici souhaitaient passer quelques jours avec nous avant la fermeture que nous avons annoncée voici près d’une année, tout simplement pour vivre à nos côtés ces dernières heures. »
Paraphrasant une des célèbres chansons de Charles Aznavour « Ils sont venus ils sont tous là », on peut dire que le line-up de cuisiniers est assez éloquent, tant pour la réputation des chefs que la diversité des restaurants. Jugez-en plutôt Hiroyasu Kawate du restaurant Florilège à Tokyo compte deux étoiles et est classé troisième au 50 Best Asia, Yusuke Takada de La Cime à Osaka compte également deux étoiles et se trouve à la seizième place du même 50Best, tandis que Richie Lin du restaurant étoilé Mume à Taipei se trouve à la dix-septième.
Shintaru Katayama du restaurant étoilé Rakushin à Osaka et Komei Seiki du restaurant Gion Ichido à Kyoto représentent deux approches de la cuisine japonaise.
Le premier propose l’excellence de la cuisine traditionnelle de saison, enracinée dans son terroir, la cuisine Kaiseki de Hyoto, le second propose une interprétation de la cuisine Teppan-Yaki autour d’un comptoir de 8 places. Quant à Jordy Navarra de Toyo Eatery à Manille, il est incontestablement le chef de file de la cuisine philippine réinventée.
En grand voyageur passionné d’Asie et particulièrement du Japon, Gert de Mangeleer les connaît tous, pour avoir déjà cuisiné avec eux. Une amitié s’est liée. « Pour ne donner qu’un exemple, j’ai connu Jordy à Manille lorsque j’ai été invité par les organisateurs du congrès Madrid Fusion pour y faire une masterclass. Ce qui est fascinant avec tous ses chefs c’est qu’ils ont à coeur de vous faire partager leur culture. Ils vous emmènent sur les marchés, vous font découvrir leurs restaurants préférés, la meilleure street food là où il y en a. Je reviens toujours avec des saveurs et des idées en pagaille. »
L’intérêt d’un tel repas à 14 mains (Gert se chargeant du dessert) se trouve bien entendu dans l’assiette qui offre plat après plat, une exploration de parfums et de textures. Dans la salle, une longue et unique table a été dressée. Mais la véritable fascination du foodie se trouve en cuisine. Elle commence par la découverte des ingrédients et des techniques singulières. Puis vers 17h, vient le rite de la dégustation et de l’explication des 6 entrées et des 6 plats, ce qui permet à Joachim Boudens d’étudier le mariage des vins.
Premiers intéressés, les cuisiniers s’enquièrent du comment et du pourquoi, font goûter, qui son bouillon (fondamental dans nombre de cuisines asiatiques, dont la japonaise avec son fameux dashi), qui sa sauce réalisée à base de potiron intensément rôti au four. Les téléphones portables sont de précieux outils pour traduire ce qui semble intraduisible ou pour expliquer ce poivre natif de Taiwan (le magao ou poivre de montagne) qui, infusé dans de l’huile, confère à celle-ci un profond parfum d’agrumes.
Un repas, quel qu’il soit, est avant tout un acte de partage. Dans ce genre de prestation à plusieurs chefs, celui-ci se produit aussi en cuisine. Chaque chef devenant un instant le commis de l’autre, pour faire en sorte que la performance soit inoubliable pour les convives.
Cerise sur le gâteau, en vrai gourmand qu’il est, Gert de Mangeleer a préparé un de ses plats fétiches, une fideua cuisinée dans une immense poêle typique des paellas valenciennes, dans laquelle les pâtes à l’encre de seiche remplacent le riz.
Le service s’achève. On fête son accomplissement avec quelques bières belges. La Chimay et la Duvel rencontrent toutes les préférences… Joachim Boudens a lui aussi rempli sa mission du jour, une des dernières de la première vie du Hertog Jan. « Nous en parlons beaucoup avec Gert.
Bien entendu nous sommes portés par nos nouveaux projets comme le transfert de L.E.S.S. au centre de Bruges et l’ouverture d’un nouveau restaurant de cuisine de grands classiques à Sint-Michiels. Hertog Jan deviendra notre laboratoire. On y préparera aussi pain et pâtisseries. Et nous organiserons ici cinq repas par mois pour un maximum de 14 couverts. Il n’en reste pas moins que nous ne savons pas comment nous allons vivre cette rupture. Devrons-nous vivre une période de deuil ? Une chose est certaine, depuis près de 15 ans, nous avions nos habitudes, nos rituels. Et ils vont changer. Comment ? On le saura à notre reprise début janvier ! »
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici