Avec Régis et Jacques Macron, à l’école des champignons
Régis et Jacques Marcon: le père a construit un nom, le fils se fait un prénom. A Saint-Bonnet-le-Froid, juché à 1.100 mètres d’altitude en Haute-Loire, leur restaurant éponyme fait carton plein, hiver comme été. Cueillette et recettes.
On l’appelle régulièrement le pape des champignons. « Cette réputation me colle à la peau. Mais nous cuisinons tout autant au printemps ou en hiver, ce s’entend avec des ingrédients différents », confie Régis Marcon. Certaines variétés ne sont néanmoins jamais absentes des menus du restaurant qu’il tient avec son fils aîné Jacques, à Saint-Bonnet-le-Froid. Ainsi, le gratin de pommes de terre aux cèpes, une des références de la carte, peut être réalisé toute l’année durant, grâce à une portion du stock séchée maison.
Il n’en reste pas moins que l’automne constitue une saison où on apprécie, dans cet établissement, les champignons à profusion. Pour nous le démontrer, Jacques Marcon ouvre les chambres froides où chaque espèce est soigneusement nettoyée, rangée dans des cagettes en bois, elles-mêmes empilées par dizaines. « Au sommet des récoltes, il nous arrive de proposer 22 sortes différentes au cours d’un même repas. Nous pouvons compter sur des cueilleurs qui sont à la fois expérimentés et respectueux de notre patrimoine, bannissant toute surexploitation du milieu naturel. Une partie de ce qui entre ici est consommée fraîche. Le surplus est séché ou mis à conserver pour être utilisé plus tard. » Le fiston a progressivement pris le relais de son paternel et a finalement officiellement endossé la toque de chef de cuisine, pour porter sur ses épaules les trois étoiles que la maison a conquises en 2005.
L’envie de transmettre
C’est que le lieu est avant-tout une histoire de famille. Sportif, ancien moniteur de ski, Régis Marcon est revenu au village pour prendre en main, bien malgré lui, le restaurant de sa maman alors souffrante. Au fil des années, il a créé un petit empire du bien manger dans ce bout du monde, qui emploie plus de 150 personnes! Antithèse des chefs stars, cet homme discret collectionne les titres et les responsabilités. Meilleur Ouvrier de France, ce technicien hors pair est entre autres président du comité international du Bocuse d’Or, la compétition la plus prisée au monde. Depuis quelques mois, il a accepté de diriger l’Institut Joël Robuchon qui verra le jour près de Poitiers. « Il a été choisi pour ses qualités humaines et son expertise dans le domaine de la formation », précise la famille du défunt chef.
Passionné par la transmission du savoir, l’Altiligérien a appliqué cela au sein de son équipe. « C’est un cheminement que j’ai accepté. Aujourd’hui c’est Jacques le chef; il a le mot de la fin. En cuisine, je propose, il dispose », dit-il. Admirant en son fils un travailleur acharné, il ajoute: « Jacques fait partie de cette génération qui ne transige pas. Il se comporte comme un militant de la qualité. Il s’est lancé dans un projet de jardin potager bio dans un lieu hostile mais dont les sols d’origine volcanique nous apportent chaque jour des légumes d’une saveur unique. Il s’est aussi entouré d’un réseau de producteurs et de ramasseurs hors pairs. Ces derniers analysent en détail les cartes météo et sont capables de vous dire qu’il y aura des champignons dans un endroit précis, parce qu’il y a eu là-bas un orage très localisé par exemple. »
D’un bout à l’autre
Une recherche d’excellence absolue que l’on retrouve autant dans la salle de restaurant que dans l’assiette. Best-seller des commandes, le menu « Balade en forêt entre Velay et Vivarais » offre un merveilleux équilibre de saveurs, marqué par la fraîcheur. Les ingrédients sont respectés dans leur identité, même quand des moules côtoient des trompettes de la mort, le tout uni par une sauce teintée des parfums de la cistre, le fenouil des Alpes.
Bien orchestrée, une grande table comme celle-ci séduit souvent de bout en bout, des mises-en-bouche aux mignardises. Ces deux moments sont cruciaux pour les deux générations de cuisiniers. Les premières donnent le ton du repas, des saveurs et des textures qui, en automne, s’appuient sur les champignons. Les secondes, elles, ont toujours été pour Régis un bouquet final digne des plus beaux feux d’artifices. Déposées devant les convives, à raison de deux douzaines environ, elles répondent à un souhait des maîtres de la maison: laisser un souvenir indélébile à celles et ceux qui ont réservé leur place ici depuis parfois six mois. La volonté affichée est de transformer ces quelques heures à table en de purs moments de bonheur.
Même si ce livre n’est pas neuf, il constitue une remarquable bible pour les amateurs de pleurotes et autres bolets. L’ouvrage se découpe en trois grandes parties: la description de 65 champignons, 140 gestes techniques de préparation et de cuisson illustrés, et 100 recettes, de la plus simple à la plus complexe. Parmi les « plus » de ce livre, on notera la manière dont chaque espèce est décrite (saison, comestibilité, spécificité…)
- Avec des champignons crus style carpaccio de cèpes: un vin blanc de la vallée du Rhône Nord (Saint-Péray).
- Avec des champignons en sauce crémée: un vin blanc du Jura.
- Avec une fricassée de champignons: un pinot noir de Bourgogne, 10 ans d’âge (Volnay).
- Avec les champignons en dessert: un vin blanc moelleux mais présentant de l’acidité, une vendange tardive d’Alsace par exemple.
(*) Selon le sommelier Adrien Chezal.
En fricassée. Déposer les champignons dans une poêle chaude, en couche fine, sans les superposer. Les colorer légèrement pendant 5 à 6 minutes selon la quantité. Remuer la poêle de temps à autre. Saler en fin de cuisson.
En cocotte. Cette cuisson est réservée aux espèces plus fragiles (coprins chevelus, lépiotes, amanites rougissantes). Les disposer dans une cocote à fond épais beurrée, saler et poivrer. Couvrir et enfourner à 180 °C. Après ébullition, les légumes libèrent leur jus, ce qui donnera la sauce.
En papillote. Régis Marcon privilégie cette méthode pour les variétés qui développent beaucoup de parfums (marasmes ou mousserons, girolles, chanterelles modestes…) Le plat est alors à accompagner d’herbes fraîches à l’arôme légèrement moins soutenu (cerfeuil, persil…) et éventuellement… d’un fumet de poisson. Cuisson au four à 180 °C et résultat garanti.
(*) Selon le chef Régis Marcon.
Pour 4 personnes
20 trompettes de la mort, 40 moules moyennes, 250 g de haricots en mélange (beurre, à couper…), 80 g de petit épeautre, 2 c à s de beurre salé, 1 c à c de zeste de citron, sel, poivre du moulin, 1 fine tranche de pain de seigle (2 à 3 mm).
Pour la sauce: 30 g de jus de moule, 30 g de bouillon de légumes, 15 g de fleur de cistre ou de fenouil de jardin, 1/2 c à c de maïzena, 30 g de persil, 85 g de beurre.
Mettre à tremper le petit épeautre pendant 48 heures, au frais. Le cuire façon risotto, refroidir et chauffer minute avec le beurre et les zestes de citron.
Mettre à tremper les moules dans l’eau pour une nuit, au frais. Cuire à la minute dans l’eau et décortiquer.
Cuire les haricots à l’anglaise et les réchauffer à la minute.
Pour les tuiles au pain de seigle, cuire la tranche fine entre deux plaques à four à 180 °C pour 7 minutes. Détailler en 4 tuiles.
Essuyer les trompettes de la mort et les ouvrir pour s’assurer qu’elles n’aient pas d’habitant! Les blanchir ensuite 2 à 3 min dans de l’eau bouillante salée. Egoutter et plonger dans de l’eau glacée. Les éponger sur un linge. Les faire sauter en fricassée.
Pour la sauce, chauffer le liquide et mettre à infuser avec les fleurs de cistre ou de fenouil pour 15 min. Filtrer et lier avec la maïzena.
Dans une moulinette, mixer le persil et ajouter le beurre. Refroidir.
A la minute, réchauffer la base et mixer avec le beurre de persil bien froid.
Autour d’un sabayon aux cèpes60 g de jaunes d’oeufs, 130 g d’oeufs, 250 g de beurre de cèpes, 5 g de vinaigre de xérès, 5 g de sel.
Pour le beurre de cèpes: 250 g de beurre, 25 g de cèpes secs en poudre.
Pour accompagner: concassé de tomates, poêlée de champignons en mélange.
Pour réaliser le beurre de cèpes, mettre le beurre à chauffer dans une casserole jusqu’à coloration noisette. Ajouter alors les cèpes secs. Laisser infuser 24 heures à température ambiante puis filtrer.
Pour le sabayon, mélanger soigneusement tous les ingrédients et remplir le siphon. Ajouter les deux cartouches de gaz. Mettre le siphon au bain marie à 60 °C et laisser chauffer une demi-heure environ.
Ce sabayon accompagnera parfaitement vos champignons de « retour de cueillette ». Pour cela, préparer un concassé de tomates. Poêler les champignons parés séparément au beurre.
Nougat aux cèpes200 g de miel, 44 g de blancs d’oeufs, 240 g de sucre semoule S2, 60 g de glucose, 100 g d’eau, 200 g d’amandes nues, 80 g de noisettes blanchies, 40 g de pistaches non salées, 60 g de cèpes secs.
Torréfier les fruits secs à 160 °C et les cèpes à 150 °C durant 5 minutes. Les broyer de fac?on homogène. Les réserver.
Faire chauffer le sirop (eau, glucose et sucre) à 110 °C. Chauffer le miel à 125 °C, et le verser sur les blancs montés en neige. Bien mélanger.
Réchauffer le premier sirop à 153 °C et verser sur le premier mélange dans le bol d’un robot équipé de la palette. Laisser un peu refroidir, ajouter les fruits secs.
Placer dans un plat entre deux feuilles de papier sulfurisé (environ 1,5 cm d’épaisseur). Couper et réserver.
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