Bêtes de concours: ils s’affrontent derrière les fourneaux
Ouvrir des huîtres en un temps record, servir une paëlla de compet’ ou faire lever le meilleur pain nutritionnel du monde. Ces trois compétiteurs nés se sont illustrés dans des concours plus fous les uns que les autres.
Cornelis van der Zande, l’as de l’ouverture d’huîtres
A Louvain, Cornelis et Freek Albregt tiennent une poissonnerie, De Walvis. Leur particularité: les deux hommes détiennent depuis longtemps le titre de champions de Belgique de l’ouverture d’huîtres. Freek, lauréat 2023, a représenté notre pays le 23 septembre au concours irlandais.
«Lorsque j’ai ouvert ma première huître, à 13 ans, je ne pensais pas que cela me mènerait jusqu’en Suède et en Irlande. C’est là que se déroulent les championnats d’Europe et du monde de la discipline, et en tant que champion de Belgique, j’y ai participé plusieurs fois avec mon collègue Freek. A Galway, ils organisent une compétition mondiale depuis près de septante ans et là, les Suédois participants ont décidé d’organiser une version européenne chez eux.
Le concours irlandais est sympa, c’est une vraie fête. Le suédois est, lui, organisé à la perfection. C’est à la fois sérieux et théâtral, avec une musique de circonstance et des juges stricts. Ce qui manque à l’Irlande en termes d’organisation est compensé par l’ambiance. Là-bas, c’est un peu comme un match de boxe… Pendant des années, il n’y a pas eu de championnat chez nous et le Français Xavier Caille a donc déjà remporté trois fois le mondial pour la Belgique. Je suis devenu le premier champion belge officiel en 2017, Freek était deuxième et nous nous sommes depuis rendus deux fois en Irlande et plusieurs fois en Suède. Lors de mes dernières participations, j’ai été respectivement 11e et 9e.
L’épreuve consiste à ouvrir 30 huîtres plates en un temps record, mais aussi à les présenter. L’une des règles est la suivante: pas de sang dans les huîtres, même si l’on se coupe. De même, la présence de gravillons ou un mollusque non intact entraînent des pénalités. Nous avons beaucoup appris des autres participants, car tout le monde est généreux en conseils, mais aussi de YouTube. Pour nous entraîner, Freek et moi sommes allés sur des marchés de Noël et d’autres événements pendant un certain temps. Nous avons ouvert des milliers de coquillages.
Je ne suis pas vraiment superstitieux, mais j’utilise toujours le même couteau, que j’aiguise pour chaque concours. Bien sûr, nous aimerions terminer le plus haut possible, mais ce qui compte vraiment, c’est le réseau qu’on se crée. C’est un petit monde international, et au bout de 20 minutes, vous parlez déjà à l’homme qui cultive les huîtres pour Gillardeau, le producteur le plus célèbre de France.»
Stijn van Kerckhoven, un boulanger de classe mondiale
Avec son ancien élève Berre Ceuppens, le professeur Stijn van Kerckhoven a participé à la finale du Mondial du Pain au Japon en février dernier.
«J’enseigne à l’école de boulangerie de Sint-Jozef à Geel, et j’ai coaché mon élève Berre Ceupens lors des championnats belges des aspirants boulangers. Il a gagné et ainsi obtenu un ticket pour le Mondial du Pain à Nantes en 2019, un championnat du monde pour des équipes composées d’un jeune et d’un boulanger expérimenté. Nous nous sommes entraînés pendant des mois sous la houlette du coach Guido Devillé, avons terminé 5e, ce qui nous a ouvert les portes de la finale, l’année suivante, au Pérou.
Mais le Covid est arrivé et cela a été reporté à mars 2023, au Japon. En plus de nos emplois à temps plein, nous avons donc repris l’entraînement. Il fallait fabriquer une baguette, un pain belge typique et nutritionnel, une série de gâteaux au café et des pains fantaisie. Deux semaines avant le concours, nous nous sommes envolés pour Tokyo, afin de nous entraîner. Différentes machines, différentes farines, chaque détail influe sur le résultat.
Nous avons pu nous échauffer dans la cuisine de Puratos, une boulangerie belge ayant une succursale là-bas. Pour nos croissants, nous avions toujours utilisé le beurre ardennais de Corman, mais il était introuvable sur place. Pendant nos journées d’entraînement, un colis réfrigéré est arrivé à l’improviste de Belgique: 10 kilos de beurre! Un tel soutien donne la chair de poule. Le concours a duré deux jours. Berre s’est concentré sur nos produits, et moi sur la pièce décorative sur le thème de la Formule 1. Il y a quatre jurys pour évaluer l’hygiène et l’ordre, l’aspect, le goût et la catégorie spéciale «pain nutritionnel».
Le stress est immense car non seulement il faut que ce soit bon et beau, mais tout doit avoir un certain poids. Il faut donc aussi s’exercer à la précision. Notre pain belge à la bière noire et au chocolat et notre viennoiserie garnie d’un brownie et de framboises étaient à notre goût, mais les concurrents asiatiques étaient imbattables. Ils ont raflé tous les prix sauf celui du pain nutritionnel: à notre grande surprise, nous sommes devenus champions du monde.
A la cérémonie générale de remise des prix, lorsque la Belgique a finalement remporté la médaille d’argent, nous n’y croyions pas. Cette expérience a été incroyable. Notre profession est tellement créative que l’on apprend énormément en voyant les autres équipes à l’œuvre. Cela m’inspire encore aujourd’hui pour mes cours. Je suis donc ravi d’entraîner à nouveau deux de mes élèves pour le championnat de Belgique. Qui sait, je pourrai peut-être participer à nouveau au Mondial.»
Sam Giansante, le roi de la paella
Il a ouvert son restaurant Samëlla en 2016 à Visé et a participé en 2021 et 2022 à la World Paella Day Cup, à Valence. Lors de sa deuxième tentative, le Belge a remporté le premier prix en duo avec le chef français Eric Gil.
«Je suis espagnol d’origine, c’est pourquoi cette culture me tient à cœur et me passionne. Mon objectif est de la partager avec les gens. Dans mon restaurant, l’idée est de représenter la tradition de ce pays: on sert des tapas et le dimanche, c’est flamenco et paella! J’adore ce plat, ma mère la préparait quand j’étais petit. En 2021, je représentais la Belgique à Valence mais nous avons échoué dans le top 10. Heureusement, l’année d’après, Eric Gil m’a proposé de participer à nouveau, sous les couleurs de la France cette fois.
Après avoir été présélectionnés, nous devions présenter deux itérations du fameux mets de Valence. La première assiette que nous avons servie lors de la finale a provoqué un choc, son visuel était hors du commun. Nous avions cuisiné une rascasse et son squelette ornait notre préparation. Une fois le jury conquis, nous avons enfoncé le clou avec une seconde version, unique, à base de confit de canard et de foie gras. Cela nous a valu la première place. Cette victoire, c’est une fierté pour moi, une consécration.
Je suis passionné par la cuisine espagnole, alors être considéré comme le meilleur cuisinier du monde de paella, c’est incroyable. Cette réussite m’a en plus permis de gagner en notoriété et d’avoir des propositions inédites. Je suis joueur, alors lorsqu’on me soumet un défi, je ne refuse jamais. La ville de Visé m’a contacté pour organiser «la plus grande table de paella» de Belgique. Celle-ci faisait plus de 200 mètres de long et nous avons servi 780 couverts!
J’ai également participé à une paella pour 4 500 personnes, en Uruguay. Nous avons utilisé 500 kilos de riz, c’est énorme. Depuis, on m’a même invité pour en cuisiner une dans une piscine à Marrakech et évidemment je l’ai fait. J’ai un projet prochainement. Je veux réitérer l’expérience dans la nacelle d’une montgolfière au Maroc afin d’être le premier à en préparer une depuis les airs.»
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