Sandrine GOEYVAERTS
Des souvenirs et des vins : Mon premier grand vin, un vin d’Alsace grand cru
Les bonnes histoires ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval, mais peut-être bien dans un verre de vin. C’est tout le propos de ces chroniques estivales : jouer de la langue et des souvenirs.
Dès le début, il a, presque, tout faux : notre premier rendez-vous, au restaurant, est un échec cuisant. Il a invité son meilleur ami – pour quelle obscure raison, je ne le saurai jamais – ce qui suffit déjà à installer une drôle d’ambiance. Les incidents se succèdent : je manque d’être éborgnée par un bout de carapace de homard, une dame dans la salle fait un malaise et jette un froid. Bref, soirée ratée. Ce qui m’a poussé à dire oui deux semaines plus tard à son « viens chez moi, on se fera un mezze ? » Aucune idée. Il a une bonne bouille, allez.
Passage préalable chez un caviste de ses potes. Il me défie : « Choisis une bouteille, n’importe quoi qui te fasse plaisir. » Mec, comment veux-tu que je sache : j’ai 18 ans, et ma plus grande expérience du vin se résume à du Mateus glacé, ou du muscat de Patras bon marché. Je farfouille, dégotte une étiquette qui ne me paraît pas trop dégueu. Le copain lâche : « Un petit vin pour les moules, ça ! » Les deux complices rient de concert, se payant visiblement ma tête : j’aurais pu tourner les talons.
Pourtant on arrive chez Lui – dans sa chambre, chez ses parents, soyons exacts – mezze sous plastique dans une main, bouteille mise au frais dans l’autre. Il ouvre la bouteille, me sert un verre : je mets mon nez dedans, tente de faire comme si j’y connaissais quelque chose, fait tournoyer le vin, en renverse, je suis naze. Sauf que mon nez, lui, vit des choses… des choses folles. L’impression d’avoir d’un coup changé d’endroit, et de se retrouver au milieu d’un verger, à croquer des fruits à même l’arbre, les pieds dans l’herbe.
Puis, je goûte, mon coeur s’emballe : je suis sur un grand huit, à prendre ma respiration juste avant la descente la plus vertigineuse. Les organes qui semblent remonter à des endroits bizarres, les jambes tremblantes, dans ma bouche se joue Nothing Else Matters de Metallica : un trip sauvage et somptueux. Les cailloux roulent sur ma langue. J’expérimente mon premier grand vin : Deiss. Alsace. Grand cru. Depuis je ne l’ai plus quitté. Qui ? Devinez.
Domaine Marcel Deiss : 15, route du Vin, à 68750 Bergheim, France. www.marceldeiss.com
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