Jean Imbert, chef sans étoile dans les cuisines du Plaza Athénée
Entre critiques, moqueries et curiosité, le chef Jean Imbert sans étoiles, mais ami des stars et issu de la téléréalité, dévoile ce mercredi ses « premiers moments de cuisine » au palace parisien Plaza Athénée, qui a provoqué un séisme dans la haute gastronomie avec cette nomination.
Le cuisinier de 40 ans qui y succède à Alain Ducasse, chef le plus étoilé au monde, assure son premier service à la brasserie de l’hôtel Relais Plaza, tandis que le restaurant gastronomique n’ouvrira qu’en 2022.
Gagnant de l’émission populaire Top Chef en 2012 et très à l’aise sur Instagram où il s’affiche aux côtés de Kylian Mbappé, Marion Cotillard ou Dua Lipa, il est resté discret sur sa vision pour le Plaza. Sollicité par l’AFP, il n’a pas donné suite aux demandes d’interview.
Plusieurs chefs triplement étoilés interrogés par l’AFP l’apprécient, mais les critiques virulentes ne manquent pas, qui l’accusent de manquer d’expérience et de servir une cuisine lourde, chère et « passe-partout ».
« Décomplexé »
Hélène Darroze a confié cet été à l’AFP avoir été « surprise » par ce « changement de cap à 180 degrés » au Plaza qui s’inscrit pour elle dans la mouvance d’une cuisine « plus décomplexée ».
« Ces chefs se posent beaucoup moins de questions, sont plus intuitifs. Cela ne me choque pas. Les assiettes sont plus décomplexées, moins travaillées, mais le goût est là ».
« L’expérience peut être très belle même sans étoile. C’est assez osé, assez culotté et peut attirer une clientèle plus jeune qui cherche autre chose. Je suis sûr qu’il va y arriver avec succès », soutient Glenn Viel, le plus jeune chef français triplement étoilé.
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« C’est un homme qui a beaucoup de goût, un bon palais et qui connaît bien les matières premières », déclare Christian Le Squer, chef d’un autre palace, le George V, qui l’avait formé pour la finale de Top Chef.
Pour Arnaud Donckele, 3 étoiles à Saint-Tropez qui vient d’ouvrir un restaurant intégré dans l’hôtel de luxe Cheval Blanc à la Samaritaine, « il est très talentueux, bien épaulé. On sera surpris de voir qu’il va aller très loin dans le classique français tout tendance qu’il est ».
– « Ni le CV, ni l’expérience » –
Mais l’ascension d’un chef « issu de la téléréalité » fait grincer des dents.
« C’est un séisme, il a cassé d’un coup tous les codes. Pour la première fois, on fait rentrer dans un palace un chef qui n’est pas étoilé, qui n’a pas fait ses preuves avec d’autres grands chefs. Au mieux cela surprend, au pire inquiète », résume Franck Pinay-Rabaroust, fondateur du média spécialisé en gastronomie Atabula.
« Bling-bling », il n’a « ni le CV ni l’expérience nécessaire pour une telle place », martèle François-Régis Gaudry, critique gastronomique respecté qui ironise sur ses talents « extra-culinaires » de se prendre en photo avec des célébrités ou monter des partenariats avec des marques.
Jocelyn Herland, ex-chef d’Alain Ducasse au Dorchester à Londres (3 étoiles) et au Meurice à Paris (2 étoiles), a rejoint l’équipe de Jean Imbert.
« Ils ont déjà fait une première correction », commente à l’AFP Georges Blanc, 3 étoiles dans l’Ain (centre-est). « L’un apporte de l’image et à côté un technicien pour exprimer une sensibilité proche des étoilés ».
Une situation « pas digne de la haute hôtellerie », s’insurge le critique du Figaro Emmanuel Rubin qui dénonce un chef « qu’on ne voit jamais en cuisine et qui pose déguisé en tablier pour l’occasion ».
– « »Désétoilisation » des palaces » –
« Ce serait intéressant de voir ce qu’ils peuvent faire dans cet écrin. Je préfère être curieuse avant de juger », souligne Hélène Pietrini, directrice générale du classement gastronomique la Liste, ex-responsable du 50 Best, interrogée par l’AFP.
Pour le chef triplement étoilé Guy Savoy, la décision du Plaza « rentre dans la démarche de « désétoilisation » des palaces » parisiens après que le Prince de Galles et le Shangri-La ont fermé leurs restaurants étoilés, et le Ritz « qui a pratiquement arrêté la course aux étoiles ».
Face à des établissements étoilés « très personnalisés » où le chef vient discuter avec les convives à la fin du repas, « c’est difficile » d’apporter cette valeur ajoutée dans un palace, souligne Georges Blanc.
D’autant plus que le Covid a poussé la direction des palaces à « réfléchir pour réduire la voilure », conclut-il.
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