La petite musique de l’été de Maxime Maziers, chef épris d’horizons lointains
Il y a un an, il prenait les rênes d’un illustre restaurant bruxellois, Bruneau. Depuis, le jeune chef a revu sa carte et va inaugurer un espace lounge… après des vacances bien méritées que ce mordu d’horizons lointains passera, comme souvent, outre-Atlantique.
Il est 9 heures du matin et déjà quelques casseroles fument en cuisine alors qu’un employé passe l’aspirateur sur la moquette rouge de la salle à manger. Ce midi, les tables seront tirées à quatre épingles et Maxime Maziers enfilera le tablier pour se glisser derrière ce fourneau mythique de la capitale, comme il le fait chaque jour depuis le 1er juin 2018. C’est à cette date, il y a treize mois à peine, que le tout juste trentenaire est devenu propriétaire du restaurant de Jean-Pierre Bruneau, l’une des rares institutions de la ville à avoir décroché étoiles au Michelin, c’était entre 1988 et 2004.
Assis à une table pas encore dressée, celui qui a été désigné par le guide Gault & Millau comme Jeune chef bruxellois 2019 se souvient : » J’officiais à l’époque à L’écailler du Palais Royal mais l’ambiance n’était pas au beau fixe. Monsieur Bruneau cherchait à vendre. J’avais travaillé chez lui plusieurs années, j’étais intéressé mais j’hésitais… On a finalement trouvé un accord et je me suis lancé dans l’aventure. » Une décision audacieuse pour ce cuisinier formé à l’Ecole hôtelière de Namur qui a fait ses armes chez de grands noms tels qu’Alain Senderens (au Spud’s du Sofitel Brussels Europe), Wout Bru (à Eygalières en Provence) ou à la Villa Lorraine. » C’était une belle maison à reprendre, peut-être pas idéalement située mais en fin de compte, c’est très bien car il y a peu de concurrence, poursuit le nouveau maître des lieux. Tout s’est enchaîné en un mois ou presque, et une grande partie de mon équipe d’alors m’a suivi. Ce sont des gens qui me sont fidèles depuis longtemps. »
Si son style décontracté et sa simplicité tranchent avec le décor classique de ce temple gastronomique de Ganshoren, l’homme est désormais déterminé à tracer sa route et, qui sait, voir son savoir-faire à nouveau couronné d’un astre, comme à L’écailler. En attendant le verdict du guide rouge, qui ne tombera qu’à l’automne, il envisage son été avec sérénité et plein de projets en tête, dont un changement de déco – et ensuite de nom – pour son restaurant… et un voyage à Miami. » L’été, c’est le moment de faire descendre la pression « , se réjouit-il.
Cela fait juste un an que vous avez repris la maison Bruneau. Vous méritez des vacances…
Ça n’a pas été évident, en effet ! Ce restaurant avait été pensé de A à Z par monsieur Bruneau, la clientèle était la sienne et pour des raisons de transaction, il habitait au-dessus et y est resté quelque temps. Il a été mon patron pendant six ou sept ans, j’avais toujours beaucoup de respect pour sa personne et au début, j’étais tenté d’agir comme s’il était encore à la tête de cette affaire. Moi et mon équipe percevions toujours son ombre ; c’est comme si nous n’étions pas tout à fait libres, même si en réalité, il était peu présent. C’est vraiment lorsqu’il a quitté le bâtiment, en novembre dernier, que nous nous sommes sentis chez nous.
Avez-vous abordé cette reprise dans la continuité ?
Au départ, j’ai gardé les classiques de monsieur Bruneau pour ne pas déstabiliser les gens. Cette transition a duré cinq à six mois et ensuite, j’ai vraiment compris que les clients, les anciens comme les nouveaux, voulaient davantage voir ma patte. C’est pour cela qu’en janvier dernier, j’ai recomposé complètement ma carte… et entrepris de changer la déco ! On a décidé de rénover les deux salles du bas et de créer, à l’étage, un espace lounge qui est pratiquement terminé. L’idée est de transformer ce long et beau volume en bar, avec un vrai barman. Ce sera un endroit pour prendre l’apéritif et le digestif mais aussi un cocktail dès 16 heures, ce qui manque dans le nord de Bruxelles. On s’en est rendu compte en cherchant un endroit pour aller boire un verre avec le personnel. On espère boucler les travaux cet été, durant nos congés d’août, même si nous ne disposons pas encore d’un timing précis.
Jean-Pierre Bruneau est-il déjà revenu manger chez vous ?
Non, mais il pourrait bien sûr…
A L’écailler du Palais Royal, vous aviez décroché une étoile. Espérez-vous en regagner une rapidement ?
Une étoile appartient à un restaurant avec son chef. Donc, L’écailler l’a perdue et nous, comme nous avons ouvert seulement trois mois avant le passage du guide, ses responsables nous ont dit qu’il fallait attendre un an avant d’être évalués. C’est assez logique. Cela nous permet aussi de dépasser cette période de transition et de ne pas se mettre trop vite un poids sur les épaules. On aura donc le verdict fin 2019 et on ne sait rien dire à l’avance car il y a de nombreux facteurs qui entrent en jeu. Etre retenu par Michelin, cela a en tous cas beaucoup de sens pour moi. C’est une reconnaissance et un gage de qualité, à l’échelle internationale. Je ne suis pas stressé par cette course aux étoiles, mais cela implique de la constance et une régularité irréprochable.
En fin de compte, quand on est un chef, peut-on véritablement prendre des congés ?
Oui et c’est très important ! J’ai deux garçons de 3 et 5 ans, et je tiens à en profiter. Par ailleurs, dans un tel métier, il est indispensable de se reposer. On travaille beaucoup, on accumule les heures supplémentaires et quand on est fatigué, il n’y a rien à faire, on n’est plus efficace. On ferme donc le restaurant, au total un mois et demi à deux mois par an ; c’est crucial pour que le personnel soit en pleine forme. Et moi, je fais mes valises presque à chaque fois… Durant les fêtes de fin d’année, nous sommes allés en Champagne car j’ai un ami qui travaille au Royal Champagne, à Champillon. C’est un très bel établissement et je voulais le découvrir. Mais généralement, je préfère quitter l’Europe pour l’Amérique. L’an dernier, nous avons visité le Brésil, tous les trois. Et cet été, on sera aux Etats-Unis quinze jours : à New York, d’abord ; puis à Miami, une ville très facile avec les enfants car il y a l’hôtel, la piscine, la plage, une belle ambiance…
Comment choisissez-vous vos destinations ?
Au coup de coeur. Mais pour moi, le plus important, c’est d’être dépaysé. Même si j’ai déjà parcouru les grandes capitales d’Europe – avec une petite préférence pour Rome -, cela ne m’intéresse pas de rester sur ce continent, car on est toujours dans le même environnement. J’ai besoin de déconnecter complètement. En général, je choisis des grandes villes où on retrouve la mer, mais aussi de l’animation, des restaurants, un shopping… On fait aussi quelques musées, comme le Wolfsonian Museum, à Miami, qui est plein d’objets design incroyables. Je ne suis pas du genre à faire la crêpe dans un site paumé pendant deux semaines.
Votre plus beau voyage…
Une année, j’ai enchaîné New York puis la Colombie. C’était incroyable de passer d’une mégalopole à ce pays où, à l’époque, personne n’allait. La plupart des gens me mettaient en garde. Pourtant, là-bas, tout est basé sur la confiance, ce qu’on ne retrouve pas chez nous. Pour vous dire, il n’y avait même pas de compteur dans les taxis.
Et votre pire galère ?
Nous étions en route vers l’Albanie, avec mon aîné, alors tout petit, et nous faisions escale à Istanbul. Sa valise est restée bloquée là et ils n’ont jamais pu me l’expédier. J’ai débarqué dans ce pays méconnu avec un bébé de 8 mois, sans ses affaires… Au retour, j’ai dû fouiller moi-même dans les objets perdus pour la retrouver. Ils s’en fichaient complètement ! Bref, je ne change plus jamais d’avion à Istanbul…
Plus jeune, vous parcouriez aussi le monde en famille ?
Oui, on a fait de nombreux Club Med. Je me souviens de celui de Marbella, en Espagne, avec mes frères, mon cousin et notre papa. C’était en 1997, j’avais 9 ans. Je pense que ce sont les premiers souvenirs en vadrouille de mon enfance : piscine, plage, activités sportives au mini-club… et les nombreux buffets internationaux, le soir, au bord de l’eau. Ces séjours m’ont permis, l’air de rien, de découvrir plein de cuisines différentes car on y mange franchement bien. Par contre, nous ne faisions pas souvent de grands restaurants gastronomiques en famille à l’époque. Quand nous étions ailleurs, nous préférions les petites adresses du coin.
Et aujourd’hui, profitez-vous de vos escapades pour expérimenter de bonnes tables ?
J’essaye, à chaque fois, de rendre visite à un chef international réputé. A Rio, on a été chez Claude Troisgros, le fils du fameux chef français Pierre Troisgros. Il se développe très bien là-bas. Il a plusieurs brasseries et un restaurant gastro. On les a tous faits ! A New York, on a testé Chef’s Club qui est tenu par Didier Elena, un ancien second d’Alain Ducasse, et Jean-Georges, dans la Trump Tower. Probablement mon meilleur souvenir de restaurant à l’étranger : des mets simples, efficaces, sans chichis et un service vraiment parfait. Dans chaque ville, nous faisons du tourisme gastronomique et les enfants apprécient, ils sont baignés dedans depuis tout petits.
Lorsque vous êtes en mode off, vous cuisinez ?
Jamais ! On va presque tout le temps ailleurs, mais parfois ce sont des établissements très simples, ce que j’adore. Soit on vise le top, soit on mise sur une brasserie conviviale.
Ramenez-vous des idées de là-bas ?
Oui, cela m’inspire pour utiliser de nouveaux produits locaux, des mélanges d’épices par exemple. En Colombie, nous étions sur une petite île et les habitants servaient le poisson de la pêche avec des ananas et du riz préparé dans du lait de coco frais. J’ai repris ce mode de cuisson, dans mon menu, pour un dessert… Loin de Bruxelles, c’est l’occasion de ne pas voir le restaurant, mes fourneaux, les ingrédients que je vois tous les jours. Ces pauses permettent de me dégager l’esprit et d’être plus réceptif aux idées nouvelles, que je note immédiatement sur mon téléphone.
Y a-t-il un pays que vous rêvez de découvrir ?
Peut-être en fin d’année le Costa Rica, mais plutôt sans les garçons. De temps en temps, j’aime prévoir un séjour seul ou avec des amis, en mode » adulte « .
Un trek ou une destination aventure, ça ne vous tente pas ?
Non, pas du tout. Généralement, je ne cherche pas longtemps où je vais aller. Je choisis un pays et j’opte souvent pour les mêmes chaînes d’hôtels. Mon métier, c’est déjà une aventure au quotidien, c’est assez physique. Alors les vacances, c’est le repos et zéro tracas.
Bruneau by Maxime Maziers, 73-75, avenue Broustin, à 1083 Bruxelles. www.bruneau.be
Rabiosa Shakira
» La musique de mes vacances se résume aux tubes du moment écoutés au bar de la piscine, plutôt des airs hispaniques venus d’Amérique du Sud… Là-bas, ils sont souvent en avance sur nous et ces morceaux arrivent généralement en Belgique quelques mois plus tard. Je me souviens en particulier de ce titre de Shakira. C’était il y a une dizaine d’années, j’étais avec mon frère à Miami, on n’en pouvait plus de l’entendre… Quand nous sommes rentrés, la chanson nous avait suivis ! »
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