Il semble qu’une nouvelle tendance autour du matcha voie le jour chaque semaine. Alors que la popularité de ce thé vert japonais déborde de ses frontières et provoque même des pénuries, le hojicha, au brun orangé, s’impose peu à peu comme prétendant au trône. Mais de quoi s’agit-il exactement et offre-t-il les mêmes bienfaits pour la santé que son cousin vert vif ?
Commencer la journée avec un matcha latte vert herbe dans un café branché: en quelques années, le monde des tendances culinaires a été envahi par cette variante de thé vert ancestrale. Mais le succès du matcha s’est retourné contre lui. Début 2023, on rapportait déjà que la production japonaise de ce thé en poudre ne suivait plus la demande mondiale. Qu’à cela ne tienne: un autre thé vert bénéfique à la santé s’avance pour prendre le relais et se frayer un chemin sur les cartes aux côtés du roi matcha. Voici le hojicha.
Hojicha, késako ?
Le hojicha – à prononcer « ho-tchi-tha » – n’a peut-être rien d’évident à l’oreille, mais c’est un pilier de la culture japonaise du thé depuis près d’un siècle. « Vers 1920, un marchand de Kyoto aurait eu l’idée de torréfier des restes et invendus de feuilles de thé vert – tiges et feuilles abîmées – pour améliorer le goût et éviter le gaspillage », explique Danièle Mathot, qui vend ce thé depuis dix ans dans sa boutique The Antwerp Tea Party.
Contrairement aux autres thés verts, le hojicha présente une couleur brun café. « Les feuilles sont d’abord étuvées, puis torréfiées à haute température », détaille Jef Jansen, fondateur de la tea lounge Biochi et de la boutique 65Tea&co. « Les sucres naturels contenus dans la feuille caramélisent, d’où cette couleur brune. C’est comparable au processus de torréfaction du café : plus la chaleur est intense et prolongée, plus la teinte fonce. »
Matcha contre hojicha
Cette caramélisation ne change pas seulement l’apparence mais aussi le goût. C’est d’ailleurs ce profil aromatique qui explique sans doute la montée en popularité du hojicha. « Ce thé dégage une chaleur douce, avec une note fumée évoquant le bois ou les céréales grillées. Sa saveur épicée, arrondie, avec des touches de noisette, cacao et caramel, le rend plus accessible que le matcha, souvent amer et herbacé », précise Mathot. « Pas étonnant qu’au Japon, où son goût doux séduit aussi bien les enfants que les personnes âgées, il ait une place de choix. »
Outre sa saveur, le hojicha répond à deux autres attentes: pallier la pénurie mondiale de matcha et offrir une option à faible teneur en caféine. « Une tasse de café contient environ 80 mg de caféine ; une portion de matcha entre 20 et 30 mg ; le hojicha, lui, n’en apporte qu’une dizaine », souligne Michaël Sels, nutritionniste et chef diététicien à l’UZ Antwerpen. « La torréfaction dégrade en grande partie la caféine, et les feuilles utilisées, plus âgées, en contiennent moins que celles destinées au matcha. Résultat : on peut boire ce thé à tout moment de la journée. »
Faut-il en conclure que le hojicha est plus sain que le matcha ? « Pas sur base du taux de caféine », nuance Sels. « La caféine n’est pas mauvaise en soi. Elle peut même favoriser la concentration et donner un coup de fouet. Mais le hojicha constitue une excellente alternative pour ceux qui veulent en limiter la consommation. »
Produit santé miracle ou marketing?
Une étude récente promet qu’une consommation quotidienne de hojicha pourrait améliorer productivité et concentration, tout en réduisant stress et fatigue. Prudence, tempère Sels : « Tout comme le matcha, le hojicha est riche en flavonoïdes, catéchines et antioxydants. Et parce que les deux peuvent se boire en poudre, on absorbe plus de nutriments que dans une infusion classique. Mais les affirmations spectaculaires sur les bienfaits du hojicha relèvent souvent du marketing: il ne s’agit pas de preuves scientifiques solides. »
Le hojicha est sain, mais pas miraculeux : « On entend parfois qu’il ferait perdre du poids, guérirait l’arthrite ou préviendrait les maladies cardiovasculaires. C’est exagéré. Le thé s’intègre dans un régime global: ce que l’on mange et boit à côté détermine réellement les effets sur la santé », insiste-t-il.
Un point, toutefois, peut jouer en faveur du hojicha: « Le matcha, trop amer pour beaucoup, est souvent mélangé à du lait ou des sirops sucrés. Le hojicha, grâce à sa saveur douce, se boit plus facilement pur, simplement avec de l’eau. Cela améliore automatiquement son profil nutritionnel. »
Comment le préparer?
Contrairement au matcha, le hojicha peut se déguster de deux façons: par infusion ou en poudre.
- En infusion: laissez infuser une cuillère à café de feuilles 30 à 60 secondes dans de l’eau à 90 °C.
- En poudre: versez un peu d’eau à 80 °C sur 1 à 2 cuillères de poudre et fouettez au bambou jusqu’à obtenir une pâte. Ajoutez ensuite 80 ml d’eau et battez jusqu’à ce qu’une mousse légère apparaisse. Avec du lait, cela donne un hojicha latte.
La vague post-matcha se traduit par une profusion de recettes en ligne: hojicha latte, limonade, pâtisseries… Une popularité que Jansen constate aussi dans sa tea lounge: « De plus en plus de clients demandent spécifiquement ce thé torréfié. Ils le découvrent sur les réseaux sociaux, viennent goûter une latte par curiosité, ou repartent avec le poivre pour l’essayer à la maison. »
Moins instagrammable?
La douceur du hojicha pourrait-elle détrôner l’éclat du matcha? Jansen en doute : « Cela tient à une raison simple : la couleur. Les gens préfèrent se promener avec un breuvage vert vif, synonyme de style de vie sain et accessoire tendance, plutôt qu’avec une boisson brunâtre qui rappelle le café filtre. Même s’ils trouvent le hojicha meilleur. »