Le porto n’a plus la cote et c’est toute la vallée du Douro qui trinque

Ringard, le Porto? Dans le Douro, on trouve ça difficile à avaler - Canva
Ringard, le Porto? Dans le Douro, on trouve ça difficile à avaler - Canva

En 2023, les ventes de porto ont reculé de 5%, après une dégringolade de 22% en 2022. Résultat: c’est toute la région du Douro qui trinque, confrontée à un surstock et à des prix qui n’en finissent pas de baisser.

« On se sent abandonnés, c’est révoltant », témoigne l’un des nombreux viticulteurs de la vallée du Douro, le terroir du célèbre vin de Porto dans le nord du Portugal, touchés par une crise sans précédent provoquée par une consommation en berne. « Je vendais mes raisins à une coopérative qui, cette année, me les a refusés », faute de débouchés, explique José Manuel Ferreira, petit viticulteur de 74 ans de la commune de Sao Joao da Pesqueira. Alors qu’il aurait déjà dû commencer les vendanges de sa vigne centenaire, cet homme à lunettes épaisses et moustache blanche cherchait encore début octobre un acheteur pour sa production d’environ une tonne de raisins.

Comme lui, bon nombre des quelque 20.000 vignerons de la région se retrouvent confrontés aux conséquences d’années de surproduction de ce vin liquoreux, obtenu en ajoutant de l’eau de vie en cours de fermentation.

Une situation qui a plongé dans le désarroi cette vallée connue pour ses plus de 24.000 hectares de vignes en terrasse plantées sur les berges pentues du fleuve Douro, qui sillonne le paysage depuis l’Espagne voisine jusqu’à la ville de Porto, où il se jette dans l’océan Atlantique. Ces vignobles appartiennent à une multitude de propriétaires, qui cultivent des petites parcelles de deux hectares en moyenne et qui, pour la plupart, vendent ensuite leur production à des groupes exploitant de grands domaines appelés « quintas ».

Photo par Miguel Riopa/AFP via Getty Images

Le porto confronté à une « chute des ventes »

Créé par les Anglais au XVIIIe siècle, et devenu ensuite l’une des images de marque du Portugal à travers le monde, le vin de Porto est en réalité à une centaine de kilomètres en amont de cette ville portuaire, où sont basées encore aujourd’hui les grandes caves. Les vignobles du Haut Douro, classés patrimoine de l’Unesco depuis 2001, produisent deux appellations d’origine, le Porto, un vin fortifié, et les vins de table du Douro.

Les vins du Douro affichent des ventes en hausse, mais celles du porto, qui rapporte plus, ne cessent de dégringoler ces dernières années, en raison d’un changement des habitudes de consommation au niveau mondial. Au cours des quinze dernières années, les volumes de vin de Porto écoulés ont chuté d’un quart, à près de 65 millions de litres en 2023.

« Les vins du Douro ne permettent pas de compenser la chute des ventes du vin de Porto », analyse Frederico Falcao, qui dirige l’entité chargée de la promotion des vins portugais Viniportugal. Pour certains viticulteurs, « il n’est même plus rentable de vendanger », regrette-t-il. Face au problème de surstock, l’Institut des vins du Douro et de Porto (IVDP), qui régule le secteur, a décidé d’abaisser cette année le quota de production de Porto à 90.000 barriques de 550 litres, soit un total de 49,5 millions de litres, contre 104.000 barriques en 2023.

Une « richesse mal distribuée »

Pour les représentants du secteur, ce niveau de production reste trop élevé en raison des stocks accumulés ces dernières années. Ces réserves permettent aux grandes marques de vin de Porto, qui contrôlent près de 90% du marché, de limiter les pertes. Ce sont donc les petits cultivateurs qui sont touchés le plus sévèrement.

« La région, qui a un produit unique, mondialement connu, génère de la richesse, mais elle n’est pas bien redistribuée », déplore le maire de Sao Joao da Pesqueira, Manuel Cordeiro. Une nouvelle baisse de la production, qui pourrait passer par l’arrachage de vignes, comme cela se fait actuellement dans la région de Bordeaux (sud-ouest de la France), est évoquée par certains, mais la mesure n’est pas consensuelle parmi les petits viticulteurs.

« Si nous ne créons pas un effet de rareté, on ne réussira jamais à maîtriser les prix », argumente Oscar Quevedo, vigneron de 41 ans, qui a repris l’exploitation familiale d’une centaine d’hectares. Produire du vin dans le Douro, un vignoble escarpé et aride, « revient très cher », alors pour survivre, il faut, selon lui, une montée en gamme afin de « commercialiser un vin qui soit rentable ».

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