Apprendre à coder, un jeu d’enfant

Coder, un jeu d'enfant ? © iStockphoto
Catherine Pleeck

Non, programmer un ordinateur n’est plus réservé aux seuls geeks. Dans un monde ultraconnecté, c’est devenu une nécessité. L’engouement pour cette matière se constate d’ailleurs un peu partout… même sur les listes de Saint-Nicolas.

Il aurait pu se contenter de jouer à des jeux vidéo et traîner sur les réseaux sociaux, comme bon nombre de jeunes de son âge. Pourtant, Adrien, 13 ans, consacre tout son temps libre au codage.  » Je m’intéresse à l’électronique et à l’informatique depuis que je suis tout petit « , confie ce passionné waterlootois qui adore programmer, démonter et remonter tous types d’appareils, quand il ne conçoit pas son robot ou n’expose les différents composants d’un ordinateur à la bibliothèque du coin, pour expliquer à ses condisciples en quoi cela consiste. Après avoir percé les secrets des programmes Scratch, Logo et Python, il s’attelle désormais à HTML.  » Je voudrais essayer de faire mon site, pour pouvoir discuter avec des amis, leur montrer comment faire et leur permettre de télécharger les programmes et les projets sur lesquels j’ai travaillé.  »

Apprendre à coder, un jeu d'enfant
© photos : istock

Comment créer des vocations si les enfants n’ont jamais eu un cours de sciences informatiques valable de leur Vie ?

Cet engouement pour le coding, certes ici en version ultramotivée, se constate un peu partout. Il y a Arthur, 14 ans, qui a demandé à sa mère de lui trouver des cours. Natasha, 12 ans, à qui son père a acheté un livre pour débuter seule, à défaut de voir cela à l’école. Romain, 9 ans, et sa soeur Louise, presque 6 ans, qui suivent des leçons de robotique à l’Institut de l’Angélus, à Woluwe-Saint-Lambert. Initiations également dans quelques autres écoles, comme au collège Saint-Hubert, au lycée Molière ou au Sint-Jozefscollege, à Bruxelles. Et du côté d’Evere et de quartiers peu favorisés de Molenbeek, la société SAP, à l’origine du progiciel du même nom, donne régulièrement des sessions sur le sujet.  » C’est très enrichissant en termes d’échanges avec ces enfants « , raconte Marie-Astrid Dedek, formée pour pouvoir animer ces moments. Cette maman emmène aussi de temps à autre ses deux bambins au CoderDojo. Lancée en 2013 en Belgique, cette initiative met sur pied des ateliers de programmation gratuits pour les 7 à 18 ans. 20 000 jeunes y participent ainsi chaque année dans l’un des 80 lieux qui y sont dédiés à travers la Belgique, grâce à l’aide de bénévoles.  » Nous avons des listes d’attente pour les mômes, mais manquons d’aide de volontaires, qu’ils soient spécialisés en coaching ICT ou pas « , précisent Muriel De Lathouwer et Martine Tempels, deux des responsables de l’association.

Mon robot programmable de Clementoni.
Mon robot programmable de Clementoni.© SDP

Les adultes ne sont pas en reste. En avril dernier, s’est ainsi ouverte à Bruxelles BeCode, une formation au développement Web gratuite, financée par des partenaires privés. 140 apprenants, précédemment en décrochage scolaire, en prospection pour un job ou en réorientation professionnelle, en auront passé les portes d’ici la fin de l’année, alors que quatre fois plus de candidats ont postulé pour ce cursus de six mois. Même philosophie du côté de MolenGeek, destiné, depuis mars 2017, aux chercheurs d’emploi de 18 à 25 ans. Plus ancien, mais s’adressant davantage à un public d’entrepreneurs ou d’universitaires en quête d’un cursus intensif de quelques semaines, Le Wagon, programme lancé dans plusieurs villes du monde, séduit aussi, malgré un prix d’entrée de 5 900 euros. Citons enfin le centre d’autoformation Ecole 19, qui devrait s’installer en février prochain à Uccle, en tant que franchise de la désormais célèbre Ecole 42 parisienne, développée notamment par l’entrepreneur milliardaire français Xavier Niel – et qu’importe si le nombre 42, clin d’oeil geek ultime, a été troqué par 19, en référence au cercle d’affaires B19 de John-Alexander Bogaerts, l’un des deux porteurs de ce projet.

Tous créateurs

Cet attrait pour la programmation n’est pas anodin.  » Nous sommes entourés d’objets connectés : ordinateur, smartphone, radio, montre, télévision, porte, badge, machine à café, thermostat, caméra… « , énumère sans exhaustivité Cédric Swaelens, COO de BeCode, tandis que le mathématicien et philosophe d’entreprise Luc de Brabandere, auteur du récent ouvrage Homo Informatix (éd. Le Pommier) confirme :  » Il n’y a pas un seul secteur de la vie en société qui ne soit touché par l’essor des technologies numériques. C’est même le cas des avocats, médecins, professeurs…  »

Plutôt que de se contenter de consommer ces articles, il est donc ici question de devenir soi-même créateur de contenu informatique. Programmer un robot, plutôt que ce soit lui qui nous programme, plaisante-t-on à ce sujet, chez CoderDojo.  » C’est une matière aussi importante que la connaissance d’une langue ou des mathématiques « , considère Martine Tempels. Pas question, pour autant, que nous devenions tous des experts.  » Ce n’est pas parce qu’on découvre le codage à 10 ans que l’on va forcément devenir informaticien « , poursuit celle qui a été élue ICT Woman of the Year, en 2012. Au même titre que tout le monde ne doit pas savoir démonter une boîte de vitesse de voiture, tout le monde ne doit pas être un crack du digital.  » Mais comme nous serons tous confrontés de près ou de loin à cette problématique, il est nécessaire de connaître les fondements et les règles de la logique algorithmique, recommande Luc de Brabandere. Autant les sciences mortes, comme la géométrie euclidienne, font partie de notre patrimoine, forment l’esprit mais ne servent à rien, autant l’initiation aux sciences vivantes, en ce compris le numérique, a plus que jamais une raison d’être.  » Et c’est d’autant plus facile que les plates-formes ont évolué. Elles sont devenues plus ludiques, visuelles, moins compliquées et sont désormais disponibles en ligne gratuitement, depuis un ordinateur dont le prix s’est également démocratisé, ces dernières années…

Mais tout n’est pas gagné pour autant.  » Il reste encore énormément de travail, car il y a beaucoup de préjugés autour de cette activité « , constate-t-on chez CoderDojo.  » Par méconnaissance, cette dernière est vue à tort comme quelque chose de compliqué et rébarbatif « , regrette Muriel De Lathouwer, ICT Woman of the Year pour 2017. A l’inverse, nous voulons montrer que le coding est cool. On veut enlever toute connotation nerdy et inspirer l’enfant. Lui souffler qu’il est tout aussi chouette de fabriquer un jeu que d’y jouer.  » Les parents travaillant dans l’ingénierie, l’ICT ou le secteur scientifique ont été les premiers séduits. Reste à s’ouvrir au plus grand nombre, en ce compris les filles et familles socialement vulnérables, beaucoup trop peu représentées actuellement.

Tout le monde est égal face au codage, en tous cas quand on est jeune. Plus les petits s’initient tôt, mieux c’est.

Pourtant, de l’avis des experts, la programmation est clairement à la portée de chacun.  » Tout le monde est égal face à cette discipline, en tout cas quand on est jeunes, affirme Charles Bogaerts, professeur de digital design et responsable de l’école privée Bogaerts International School, où la discipline est enseignée de façon obligatoire de la sixième primaire à la quatrième secondaire. Quand ils sont encore petits, ils ont la compréhension pour ce genre de raisonnement et la capacité à créer sans ambages. Résultat, au plus ils s’initient tôt, au mieux c’est.  »

Apprendre à coder, un jeu d'enfant
© sdp

 » Cet apprentissage est génial car il convient à tous les enfants, découvre Vanessa, maman de Romain et Louise, qui se forment à cette science depuis la rentrée. Ceux qui sont très scolaires s’ouvrent l’esprit. Et ceux qui trouvent l’école rébarbative sont motivés d’appréhender quelque chose d’autre. Et puis, cela fait fonctionner leur cerveau différemment. Et ils sont contents de nous partager leurs connaissances que nous, parents, ne maîtrisons pas.  »

Avantages en pagaille

Car la programmation permet d’acquérir de nombreuses compétences. Apprendre à structurer sa pensée, puisqu’il s’agit principalement d’écrire des arguments logiques et de les traduire dans un langage informatique possédant ses propres règles (lire par ailleurs). Autre atout : si cette activité semble se pratiquer seul, derrière un écran, elle laisse néanmoins une grande place à la collaboration. Les utilisateurs n’hésitent pas à partager généreusement leurs créations, pour qu’elles soient profitables à d’autres. Idem chez CoderDojo.  » Les enfants doivent s’aider et s’expliquer leurs découvertes. C’est la meilleure façon d’assimiler des connaissances, informe Martine Tempels. Nous terminons toutes nos sessions mensuelles par un temps de parole où chacun a la possibilité de raconter aux autres ses avancées. Les mômes adorent, même les plus timides se prêtent au jeu. Tous grandissent énormément. Et certains sont même meilleurs en présentation que les adultes.  »

Comme les technologies évoluent constamment, les apprentis codeurs doivent aussi adopter certains réflexes.  » Nous les incitons à s’adapter aux nouveautés, comment trouver l’information pour pouvoir résoudre leurs problèmes « , résume Cédric Swaelens. L’aspect éthique n’est pas non plus oublié, tant le monde virtuel pose des questions en termes de responsabilité et de liberté de choix.  » Une machine ne fera jamais autre chose que ce pourquoi elle a été programmée, elle n’a pas de notion du bien et du mal « , considère Luc de Brabandere, qui prône la mise en place d’un humanisme numérique, pour que l’anarchie, qui profite aujourd’hui aux plus rapides, violents ou audacieux n’ait plus cours…

Si ces apprentissages et enjeux sont cruciaux, ils ne font pourtant pas l’objet d’une matière à part entière à l’école, contrairement à ce qui se fait en Angleterre et plus récemment en France, où elle figure dans les programmes de primaire et collège, depuis un an.  » Il existe chez nous quelques essais pilotes et initiatives privées, mais pour le reste, la Belgique est un des pays les plus en retard sur ce sujet « , regrette le COO de BeCode. Tout ce qui touche aux nouvelles technologies est pourtant capital pour l’avenir de notre pays. Or, comment voulez-vous créer des vocations si les enfants n’ont jamais eu un seul cours de sciences informatiques valable de leur vie ?  »

La Wallonie en est consciente. Via sa stratégie numérique Digital Wallonia, elle subsidie ainsi l’ASBL Kodo Wallonie, qui prend ces questions à bras-le-corps. Pour la seconde année consécutive, cette dernière vient de coordonner l’opération WallCode, qui sensibilise les établissements scolaires aux sciences informatiques, à la logique algorithmique et aux langages de programmation, le temps d’une semaine. L’Institute of Information and Communication Technologies (ICTEAM) de l’UCL a quant à lui reçu une subvention de 224 000 euros, pour coordonner la mise en place d’une offre de formation continue sur le sujet à destination des enseignants.

Des coups de pouce d’autant plus précieux qu’il manque d’informaticiens et d’experts pour aborder les bouleversements du numérique. Selon Cédric Swaelens, COO de BeCode, 30 000 jobs en développement Web ne seront pas pourvus en Belgique d’ici à 2020 :  » On dit souvent que des milliers d’emploi vont disparaître par la faute des machines informatiques. Mais on oublie souvent de dire que ces dernières vont permettre de soulager certains humains de tâches ingrates ou fatigantes, pour leur permettre de réaliser des métiers un peu plus évolués et intéressants.  » La révolution est décidément bien en marche.

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Quand les célèbres briques rencontrent l’univers de la robotique. Pour passionnés motivés dès 7 et 10 ans.

Lego Mindstorms
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Mon robot programmable de Clementoni

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Emojibot

Découvrir la programmation, en utilisant le langage Emoji pour contrôler le robot.

La programmation facile : Apprendre à coder (Ed. Vigot)

4 livres pour s’initier aux premières techniques de codage avec Scratch et Logo.

QUÈSACO ?

JavaScript, Python, Ruby on Rails, Scratch, PHP, C++, C… Sous ces termes barbares, se cachent des langages informatiques qui servent à faire fonctionner programmes et objets connectés de notre quotidien. Mais en quoi consiste le codage, exactement ?  » Imaginez que vous vouliez vous servir une tasse de café, compare Cédric Swaelens, COO de BeCode. Vous savez que vous devez aller à tel endroit, éviter les personnes que vous croisez, ouvrir la porte, prendre une tasse, allumer la machine, etc. Un ordinateur ne comprend pas cela, rien n’est plus bête que lui. Il n’a pas de conscience, ni d’intelligence. Il faut lui dire ce qu’il doit réaliser, à quel moment et dans quelles conditions, dans un langage compréhensible pour lui, le codage. Il ne pourra rien faire de plus ou de moins.  » Programmer, ce n’est donc rien d’autre que de décomposer des structures complexes, écrire des arguments logiques et traduire ces algorithmes dans un langage ayant ses propres règles, où les balises du type
(retour à la ligne) ou (image) règnent en maître.

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