2019, l’année où architectes et designeuses ont fait de l’ombre à leurs homologues masculins
La plupart du temps dans l’ombre de leurs homologues masculins, celles qui ont fait du design et de l’architecture leur métier ont, ces derniers mois, été un peu mieux mises en valeur. Et ça vaut le coup.
Il aura fallu attendre sa mort, en janvier, pour que l’on (re)parle de façon plus large de l’Américaine Florence Knoll (1917-2019). C’est qu’on a tendance à oublier que derrière ce patronyme qui représente l’un des fleurons du design planétaire, se cachent Hans Knoll mais aussi son épouse, qui reprit seule l’entreprise au décès de son mari, en 1955. Formée en art de bâtir par l’avant-garde du XXe siècle, Florence fut une visionnaire qui inventa le concept d’architecture d’intérieur, à l’opposé de celui de décoration, l’idée étant de rassembler construction et aménagement des espaces dans une même étude pour dessiner des ensembles plus cohérents. Elle convainquit aussi Mies van der Rohe, son mentor, de lui donner les droits de la fabrication de sa chaise Barcelona, et Eero Saarinen d’éditer chez elle la Tulip Chair. Aujourd’hui encore, son navire est l’un des plus colossaux du secteur.
Un parcours de vie qui n’est pas sans rappeler celui de Charlotte Perriand (1903-1999), qui est jusque fin février 2020 sous les projecteurs grâce à une expo de la Fondation Louis Vuitton, à Paris. Malgré sa vision novatrice en phase avec les évolutions sociales et politiques de son temps, la jeune femme resta longtemps derrière Le Corbusier, celui-ci s’attribuant des mérites qui ne lui revenaient pas. Elle signera néanmoins de nombreux projets et sera la tête pensante de la station de ski des Arcs. « Ce qui la distingue des hommes, c’est qu’elle a toujours fait preuve de souplesse. Là où ses homologues masculins cherchaient la formule applicable en tout lieu et à tout moment, Charlotte s’accommodait des circonstances », analysait pour nous, en octobre, Jacques Barsac, biographe de la conceptrice et compagnon de sa fille.
Deux personnalités bien trempées donc, et presque oubliées, mais qui sont loin d’être des cas isolés comme en témoignait encore cette année l’ouvrage Je ne suis pas une femme architecte, je suis architecte, sorti chez Phaidon et où l’on découvrait le boulot d’autres grandes bâtisseuses à l’instar de Lilly Reich, qui imagina avec Mies Van der Rohe, et on l’ignore, le fauteuil Barcelona. De quoi confirmer que la création d’espaces et d’objets n’est décidément pas un métier d’homme… Et ce n’est pas la Française Anne Lacaton, lauréate avec Jean-Philippe Vassal du Prix européen d’architecture 2019 pour sa réflexion sur le logement social et durable menée à Bordeaux, qui nous contredira.
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