A Bruxelles, visite d’une maison moderniste de Monique De Koninck, fille du célèbre architecte
Avec son profil horizontal et ses nuances rose pâle, cette villa des années 50 rappelle la Californie, tout en étant imprégnée de modernisme belge. Construite par et pour un couple d’architectes, elle fait aujourd’hui peau neuve.
Il est loin le temps où les champs et pâturages couvraient le quartier Fort Jaco à Uccle. Les premières villas sont apparues dans les années 20 et 30, et davantage encore après 1945, au moment où l’on urbanisait ses terrains vierges. Aujourd’hui, le quartier conserve une nature foisonnante, qui en fait l’un de ses principaux attraits.
C’est ici que le couple d’architectes Ernest Wiesen et Monique De Koninck s’est établi au milieu des années 50. Mais au sujet de leur maison, nous ne connaissons que peu de choses.
Seul un article paru dans la revue La Maison en 1957 présente quelques photos en noir et blanc et nous apprend qu’elle a failli remporter le prix d’architecture Van de Ven de l’époque.
De père en fille
Le garde-corps du portail nous est familier. Son profil en tubes métalliques blancs nous rappelle en effet les transatlantiques et… celui d’une maison du quartier. Car c’est la copie conforme du portail de la Maison Berteaux construite par le moderniste Louis-Herman De Koninck vingt ans plus tôt, en 1936.
Et pour cause, Monique De Koninck est la fille de Louis-Herman. Elle semble avoir été très influencée par son père, qui a sûrement lui-même participé à la construction de sa maison. Des clins d’œil, il y en a dès lors plusieurs dans cette villa, que nous découvrons au fil de la visite.
Tout d’abord en façade, enduite par un cimorné, en partie haute. Le cimorné, contraction de ciment orné, est un matériau belge des années 30, que l’on retrouve surtout en milieu rural, dû à son prix démocratique. Il s’agit d’un enduit de ciment dans lequel sont projetées, alors qu’il est encore frais, des grenailles de verre de couleurs.
Ici, elles sont roses et blanches, apportant un côté «sweet candy» au bâtiment. Les facettes des grenailles captent la lumière et scintillent au soleil, en faisant un joyeux élément décoratif. D’ailleurs le cimorné est aussi un attribut de la Maison Berteaux, qui est là de couleur jaune et beige.
«La restauration du cimorné est toujours compliquée, car on ne retrouve plus ce type de grenailles aujourd’hui, explique Alain Delogne, l’architecte qui a restauré ces deux lieux. Nous avons récupéré toutes celles tombées au sol pour réparer les défauts.»
Il faut dire que Delogne n’en est pas à son coup d’essai en termes de lifting des maisons De Koninck. Au total, il en a restauré trois: Berteaux et Wiesen-De Koninck à Uccle, et la Villa Paquebot à Knokke, construite sur un ancien bunker.
Une rénovation respectueuse
C’est en 2022 que la villa a été restaurée par son propriétaire, qui raconte: «Mes parents ont acheté ce bien après le départ du couple Wiesen-De Koninck, dans les années 70. J’ai habité ici de mes 16 à 27 ans, puis je l’ai acquise en 2020, au départ de mes parents.»
Durant leur occupation, ils apportèrent quelques modifications à ce qu’ils trouvaient passé de mode.
«J’ai eu envie de retrouver les dispositions d’origine, c’est une époque que j’aime», poursuit l’actuel habitant. Ainsi, la cuisine a été certes agrandie, mais elle a retrouvé son mobilier Cubex rééditée. «C’était indispensable», sourit-il. Car cette cuisine à rangements standardisés de 60 cm de largeur a été créée par Louis-Herman De Koninck en 1930.
Si le maître des lieux a souhaité préserver et revenir aux aménagements originels, comme le mobilier fixe – étagères, cheminée –, il a meublé les lieux avec des objets et éléments de l’époque moderne, qu’il aime collectionner, de grands noms du design belge et international: Jules Wabbes, Jacques Moeschal, Alfred Hendrickx, Charles Eames, Gio Ponti…
Du style paquebot aux fifties
La maison est donc un subtil mélange entre le style paquebot des années 30 et le modernisme lyrique des années 50. Les teintes acidulées de la façade lui confèrent un côté ludique.
Le soubassement, restauré, est couvert de briques vernissées de couleur gris-bleu qui reflètent la lumière, tout comme le cimorné. Sur les portes de garage, deux hublots semblent nous fixer. «Nous les avons ajoutés pour renforcer le côté paquebot», évoque Alain Delogne.
Des codes empruntés à l’esthétique des bateaux, en vogue dans les années 30.
Du côté droit, une grande serre tropicale se déploie, elle, dans le prolongement de la salle à manger. A l’origine, elle était remplie de plantes exotiques, que le couple d’architectes semblaient apprécier.
Aujourd’hui, si la majorité des plantes a disparu, le bassin et ses nénuphars sont toujours présents, avec quelques carpes koï qui s’y baignent. Un étonnant havre de paix tropical, qui communique directement avec la salle à manger. Une maison bain de soleil avec un soupçon d’exotisme au cœur de Bruxelles.
Ernest Wiesen & Monique De Koninck
Du couple d’architectes, on ne connaît quasiment rien, seul un article paru dans la revue La Maison en 1957 qui présente leur villa.
Monique est la fille de l’architecte moderniste belge Louis-Herman De Koninck (1896-1984), qui a inventé la cuisine Cubex.
Ernest et Monique ont tous les deux étudié l’architecture à La Cambre, et se sont probablement rencontrés là-bas.
Ils ont notamment eu Louis-Herman De Koninck et Victor Bourgeois comme professeurs.
Monique a été l’assistante de Bourgeois durant six ans, avant de donner cours d’esthétique de la forme.
Monique De Koninck est décédée il y a quelques années, en Suisse.
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