Femme et architecture: 5 choses à savoir sur Francine Houben et son parcours hors-normes

La Llotja Theatre and Conference Centre, à Lleida en Espagne. Copyright : Christian Richters
La Llotja Theatre and Conference Centre, à Lleida en Espagne. Copyright : Christian Richters
Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

L’art de bâtir reste un milieu masculin. Mais à la tête de Mecanoo, la Néerlandaise Francine Houben bâtit de par le monde avec audace depuis quarante ans. En décembre, elle publie un ouvrage et sera à Bruxelles pour un Lunch with an Architect exceptionnel. Cinq choses à savoir sur elle.

1. Elle est devenue architecte, à une époque où les femmes étaient complètement invisibilisées dans le métier

Si aujourd’hui, on commence doucement à mettre en avant, à coup de publications notamment, la place des femmes dans l’architecture, lorsque Francine Houben (1955) a entamé sa carrière, dans les années 80, c’était loin d’être le cas.

Francine Houben Mecanoo
Francine Houben, à la tête de Mecanoo © Mark Uyl

Alors qu’elle était encore étudiante à l’université de technologie de Delft, dans son kot, Francine Houben réalisait ses premiers projets et concours avec des amis. En 1984, elle a cofondé, avec ses camarades, le bureau Mecanoo Architecten, un groupe multidisciplaire qui compte aujourd’hui des collaborateurs de 25 pays. Elle est maintenant le seul membre de l’équipe originelle.

Musée Kaap Skil sur Texel Island. Copyright :

Mais si elle a été précurseur, avec d’autres, celle qui a eu trois enfants et mené sa carrière de front ne veut pas non plus que cette étiquette de ‘femme architecte’ lui colle trop à la peau. « Je fais partie d’une génération qui était encore largement dominée par les hommes mais je ne vois pas le monde de l’architecture comme une bataille de genres. Sans aucun doute, les femmes ont plus de mal, car elles doivent jongler entre être mère, élever leurs enfants et conserver une position active en architecture. J’ai pu expérimenter tout cela par moi-même et cela n’a pas toujours été facile. Cependant, je n’ai jamais voulu me positionner en tant que femme architecte. Je veux être bonne en tant qu’architecte, peu importe mon genre », confiait-elle en 2020 au site floornature.eu

Lire aussi: Hilde Daem, architecte: « La position des femmes dans l’architecture ne s’améliore pas »

2. Elle se distingue par une approche architecturale que d’aucuns qualifient de ‘féminine

Pour les organisatrices du Lunch with an architect, une conférence qui aura lieu le 15 décembre à Bruxelles avec Francine Houben, le secret de sa longévité s’explique par sa passion pour le métier, mais pas que.  « La curiosité, l’enthousiasme, un travail acharné et une approche qui pourrait être qualifiée de « féminine », pointent-elles aussi. Cette manière pas du tout conquérante d’appréhender l’architecture mais au contraire très humaine, basée sur la rencontre avec les gens pour comprendre leurs modes de fonctionnement, leurs envies, leurs habitudes et les considérer. »

Palais de Justice de Cordoue. Copyright : Fernando Alda

3. Elle a réalisé des bâtiments avant-gardistes autour de la planète

Son bureau est considéré comme le meilleur bureau des Pays Bas par le site Web Architizer. Il conçoit aussi bien des résidences privées – peu mais des projets à chaque fois très particuliers – que des gratte-ciel, des écoles, des théâtres… A l’actif de ce studio, entre mille autres bâtiments, on retrouve notamment la gare de Delft, la plus grande bibliothèque d’u monde d’Europe, à Birmingham, la tour Montevideo à Rotterdam ou encore le musée d’histoire naturel d’Abu Dhabi et le Palais de Justice de Cordoue. 

«  Je ne vois pas le monde de l’architecture comme une bataille de genres. e veux être bonne en tant qu’architecte, peu importe mon genre.»

Et au fil de tous ces projets, ce qui ressort avant tout est l’approche globale de chaque programme. La forme est en effet loin d’être l’objectif principal. Le processus, la consultation des parties présentes sur le terrain, le contexte, la place dans la ville ou encore les stratégies liées au développement durable prennent le lead de la réflexion. Ce qui permet d’obtenir des réalisations complètement uniques. « Il faut bien comprendre le contexte, car en fin de compte, un bâtiment est destiné à la population locale. Il s’adresse à eux, déclarait-elle récemment à nos confrères du Standaard. Nous nous inspirons du local, mais il ne doit pas s’agir d’une traduction banale. Le Centre national des arts de Kaohsiung, à Taïwan, s’inspire du banian. Nous n’allons vraiment pas construire de faux temples chinois à Taïwan. »

Chapelle St. Mary of the Angels, à Rotterdam. Copyright : Christian Richters

4. Elle a réalisé de très nombreuses bibliothèques

Dans le portfolio de Mecanoo, les bibliothèques occupent une place de choix. Le groupe pluridisciplinaire a en effet à son actif une quinzaine de ces bâtiments à travers le monde. « Les bibliothèques sont les édifices publics les plus importants comme l’étaient auparavant les cathédrales. En plus d’accueillir les livres, ce sont des lieux s’adressant à tous, sans distinction de cultures ou de classes sociales », se plait à dire Francine Houben.

« Les bibliothèques sont les édifices publics les plus importants comme l’étaient auparavant les cathédrales. »

Parmi les édifices les plus emblématiques, on citera la Stavros Niarchos Foundation Library à New York, la rénovation de la bibliothèque Martin Luther King Jr. Memorial conçue initialement par l’avant-gardiste moderniste Mies Van Der Rohe à Washington, ou la bibliothèque publique de Birmingham LoB. Cette dernière évoque par son architecture la tradition du travail des métaux dans cette ville post-industrielle avec une façade miroitante faite de cercles métalliques qui s’entrecroisent et forment une trame jouant avec les rayons du soleil.

La bibliothèque de Birmingham. Copyright : SDP

5. Elle a des pouvoirs magiques.

Sur son site, la maison d’éditions nai010, qui édite un livre sur Mecanoo en décembre 2023, explique que ce studio a le « pouvoir de transformer des choses ordinaires en une expérience extraordinaire ». Et d’ajouter que les projets de Francine Houben et son équipe sont « des morceaux de poèmes spatiaux car comme la poésie, ils peuvent résonner au plus profond de notre esprit, générer des émotions, évoquer la magie et la mémoire, qu’elle soit personnelle ou collective ». Autant de mots qui justifient le titre du nouveau livre, People Place Purpose Poetry.

La Llotja Theatre and Conference Centre, à Lleida en Espagne. Copyright : Christian Richters

A voir : conférence dans le cadre du cycle Lunch With an Architect, le 15 décembre à Bruxelles (Flagey). lunchwithanarchitect.be

A lire : Mecanoo, People Place Purpose Poetry, par Herbert Wright, éditions nai010, 528 pages, en anglaise uniquement, sortie le 8 décembre. mecanoo.nl

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