Léon Stynen, la figure incontournable (et pas assez connue) du modernisme belge
Les Belges connaissent nombre de ses bâtiments, mais pas son nom! Un livre retrace la carrière prolifique de Léon Stynen, qui érigea entre autres les casinos d’Ostende et Chaudfontaine, mais aussi la tour des Finances à Bruxelles et le célèbre bâtiment BP à Anvers.
En matière d’architecture, très souvent, les bâtiments font de l’ombre à leur créateur. Et cette observation est d’autant plus vraie pour le Belge Léon Stynen, dont le travail a marqué un demi-siècle d’art de bâtir dans notre petit pays. Et ce de la fin de ses études aux beaux-arts à Anvers en 1922 à la clôture de sa carrière en 1977.
Formé de façon assez classique, à l’académie, le concepteur anversois a eu une révélation en visitant l’Expo international des arts décoratifs et industriels modernes, à Paris, en 1925. Accompagné de son ami, l’artiste René Guiette, il a découvert là le travail de Le Corbusier et son Pavillon de l’Esprit Nouveau.
De retour en Belgique, Guiette a commandé une maison et un atelier au maître français et Stynen a peu à peu fait évoluer son style, s’imprégnant des grands ténors du modernisme. Il entretiendra même longtemps une correspondance avec Le Corbusier…
La première grande commande
1928 marque un tournant dans l’oeuvre de Léon Stynen lorsque la famille Nellens, rencontrée lors de séjours balnéaires, lui confie le projet du casino de Knokke. Pour cette tâche, le maître d’ouvrage, peut-être pas tout à fait rassuré par la jeunesse de son architecte, engage deux confrères pour l’encadrer. L’architecture proposée est encore un peu hybride, avec de grandes vitres modernes mais un style qui reste tout de même classique sous certains aspects.
Cette première réussite donne un coup d’accélérateur à la carrière de Léon Stynen qui se voit confier encore les casinos de Chaudfontaine et Blankenberge. Dans la foulée, l’homme dessine aussi sa propre maison et son atelier, à Anvers, où l’on retrouve les gimmicks de l’époque: bandeaux de fenêtres, formes élémentaires, brique unitaire…
Les grands projets de l’après-guerre
Si la période du conflit mondial n’est pas évidente à vivre pour un bâtisseur passionné comme Léon Stynen, l’homme reprend néanmoins en force après 1945. Il signe alors, dans les années 50 et 60, plusieurs bâtiments qui marquent encore aujourd’hui le paysage architectural belge… Des immeubles que la plupart d’entre nous connaissent mais que peu de gens attribuent à une seule et même personne.
Parmi ces projets, on peut citer le Centre culturel anversois DeSingel, le casino d’Ostende qui impose sa silhouette sur la digue, l’église Sainte-Rita à Harelbek ou encore la Tour des Finances, à Bruxelles, qu’il cosigne avec Hugo Van Kuyck et Marcel Lambrichs. Un gratte-ciel qui a depuis été rénové par Jaspers-Eyers mais domine toujours la petite ceinture et la Cité administrative.
Sans oublier évidemment le bâtiment BP, à Anvers. La prouesse technique accomplie pour cet immeuble est remarquable : les dalles de plancher et la grille de façade sont soutenues par des câbles en acier suspendus à des poutres rendues visibles.
« Son enfant chéri »
Dans le livre que les éditions Snoeck consacre à Léon Stynen (*), sa fille Anne raconte son paternel. Avec sensibilité, elle relate ce que son père était vraiment – tant dans ses faces éclatantes que dans ses recoins autoritaires plus sombres. Elle rappelle également qu’il fut passionné jusqu’à son dernier souffle et n’avait de cesse de partager et transmettre cet amour de l’art de bâtir. C’est pour cela qu’il devint directeur de l’école d’architecture de La Cambre – appelée un temps « le Bauhaus belge » -, de 1950 à 1965.
« La Cambre, c’était son enfant chéri », explique Anne Stynen. Et de raconter le désir de son papa d’intégrer les arts plastiques à l’architecture, raison pour laquelle il invitait nombre d’artistes dans les ateliers qu’il mettait sur pied pour ses étudiants. Pour lui, « l’architecture devait prévoir des espace pour l’intégration de l’art ». Il s’opposait donc « à l’habillage des murs »…
Un constructeur avant tout
Si aujourd’hui, son nom n’est pas aussi connu que d’autres, c’est avant tout parce que « chez Stynen, le désir de construire l’a toujours emporté sur celui de mettre par écrit ses considérations littéraires et sociales », comme le rappelle l’architecte Marc Dubois dans l’ouvrage rétrospectif sorti récemment.
Ce bouquin est donc l’occasion rêvée de se plonger dans cette carrière prolifique – qui a également emprunté la voie du design – et de découvrir qui fut l’homme derrière ces volumes de béton et de briques : un amoureux de l’Italie et du Lac de Garde, un grand-père attentif, un architecte qui inspira bien des concepteurs à sa suite.
(*) Léon Stynen Architecte, par Tania Wolski et Luc Vincent, éditions Snoeck.
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