Bruxelles en BD: l’Art nouveau à l’épreuve de la « Bruxellisation » des années 60

art moderne bruxellisation
De gauche à droite: la tour Sablon, parfait exemple de la bruxellisation, la tour Rogier, la tour Iris et le clocher de l'église Saints-Jean-et-Etienne-aux-Minimes, visibles depuis la place Poelaert, à Bruxelles. © Getty images

La transformation de Bruxelles en capitale de l’UE a bouleversé la ville dans les années 1960 et entraîné quantité de démolitions, y compris celle d’un bâtiment de Victor Horta emblématique de l’architecture Art nouveau.

Cet épisode historique est retracé dans une bande dessinée, « Maison du peuple 65 », qui sort vendredi. L’album raconte sous la forme d’une intrigue policière comment le majestueux siège du Parti ouvrier belge (ancêtre du PS), construit par Horta entre 1896 et 1898, a été victime de la spéculation immobilière en plein boom économique des Trente glorieuses.

Remplacé par une gratte-ciel

« Mollement défendu » par le parti qui l’occupe, objet d’aménagements critiqués par l’architecte lui-même, l’édifice Art nouveau avec ses structures métalliques et ses formes ondoyantes typiques du style semble, dès les années 60, appartenir au passé. Et une motion de sauvegarde votée lors d’un congrès international d’architectes en Italie en 1964 – la « Charte de Venise » – ne permet pas d’inverser le destin de la « Maison du peuple ».

Le bâtiment est démoli en 1965 et ne sera jamais reconstruit, alors qu’il était question initialement d’un « remontage » dans un autre lieu, grâce la numérotation des principales pierres et pièces de ferronnerie. Il a été remplacé quelques années plus tard par un gratte-ciel en béton de 26 étages, dans ce quartier historique du Sablon.

Une BD comme écho aux regrets des Belges

Avec une intrigue fictive dans des décors et un contexte bien réels, la BD, signée par l’historien Patrick Weber et le dessinateur Baudouin Deville, fait écho aux regrets que peuvent exprimer les Belges face à la « Bruxellisation », terme décrivant le bouleversement du paysage urbain à cette époque. Avec en toile de fond l’inertie du pouvoir politique, qui « n’était pas conscient de la valeur » de la Maison du peuple, souligne Baudouin Deville. « Personne n’a empêché de mettre par terre une réalisation architecturale incroyable », renchérit Nicolas Anspach, patron de la maison d’édition éponyme.

Aujourd’hui, l’œuvre de Victor Horta, dont quatre habitations majeures situées à Bruxelles sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco, est un des grands atouts touristiques de la capitale belge.

L’album est le sixième d’une série initiée en 2018 chez Anspach et qui se veut une fresque en images de l’histoire de la Belgique s’arrêtant sur quelques lieux et dates clés. Le titre est toujours accompagné des deux derniers chiffres d’une année, depuis le premier numéro, « Sourire 58 », qui célébrait l’Expo universelle et l’Atomium, autre symbole de Bruxelles, sur fond d’affaire d’espionnage. Point commun à chaque épisode: une héroïne à la chevelure rousse, Kathleen, reconvertie en journaliste enquêtrice après avoir été hôtesse à l’Expo de 1958, et qui, comme Tintin, ne vieillit jamais. « Prendre l’histoire comme terreau fertile pour inventer, ce n’est pas nouveau », relève Patrick Weber. « L’idée est de revisiter la mémoire commune, de ressusciter des pans de Bruxelles qui ont peut-être disparu du paysage mais sont encore présents dans les esprits ».

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