En images: une maison cubique insolite en pleine campagne flamande

L’implantation de l’étrange volume a été réfléchie pour ne pas gêner la vue des voisins également. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

Une terrasse couverte surdimensionnée, des fenêtres arrondies, un plan en forme de diamant et une exubérante porte d’entrée… Cette maison en brique de DMOA, dans le Brabant flamand, est tout simplement insaisissable.

Connaissez-vous le jeu vidéo Monument Valley? Il y a quelques années, ce puzzle numérique d’Ustwo Games a fait fureur. Surtout auprès des amateurs d’architecture. Tout en voulant aider la princesse Ida désemparée, ils se régalaient des décors faits de monuments surréalistes basés sur des illusions d’optique à la Escher.

Le volume irrégulier a été partiellement enfoui dans le paysage pour préserver la vue des voisins de derrière. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

Quand on découvre la Zanzibar House, réalisée par le bureau DMOA, on ne peut que penser à ce paysage virtuel… Ce qui amuse beaucoup Matthias Mattelaer, associé dans ce cabinet d’architectes basé à Louvain et auteur du projet. «Pour moi, cela m’a tout de suite fait penser à Boucle d’or», plaisante-t-il.

Il désigne la terrasse couverte disproportionnée et les fenêtres qui la jouxtent à droite. «Une pour Papa Ours, une plus petite pour Maman Ours et la plus menue pour Petit Ours!»

Une porte pour se protéger des éléphants

A l’origine de ce projet, il y a dix ans, pas d’ours mais un couple séduit par les réalisations hors normes du studio DMOA. Dans son portfolio, on trouve des maisons enterrées, circulaires ou mêlant pierres anciennes et dalle de béton.

«Nous sommes des conteurs d’architecture, justifie le concepteur. Nous écrivons une histoire avec les clients, en tenant compte de l’environnement et de toutes les conditions préalables qui existent. Celles-ci sont toujours différentes. Et c’est ainsi que quelque chose comme ça finit par émerger.»

La fameuse porte d’entrée avec ces montants ouvragés a été fabriquée à la main à Zanzibar, une île de Tanzanie d’où est originaire la maîtresse de maison.
© LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

Le couple en question cherchait une maison compacte pour sa famille, nous résume Matthias Mattelaer: «Elle devait rester abordable et disposer d’une terrasse couverte pour profiter de la vue même les jours de pluie. Et il souhaitait intégrer une porte traditionnelle, fabriquée à la main à Zanzibar, une île de la Tanzanie. La maîtresse de maison y est née et a grandi. Les chevilles métalliques de cette porte en bois servent à dissuader les éléphants de les enfoncer. C’est une pièce spéciale.»

Pour qu’elle puisse s’ouvrir complètement, il a fallu aménager des cavités sur mesure à l’intérieur.

Une forme en diamant

En termes d’implantation, il fallait tenir compte d’un terrain en forte pente et d’une vue phénoménale sur les vallées arborées. «Les voisins étant aussi attachés à ce paysage, il n’était pas question de créer un volume vertical à la va-vite», nous confie encore l’architecte.

Ce dernier a donc imaginé une habitation en forme de losange, en briques standards. Les chambres et les salles de bains de la famille y ont été aménagées, ainsi qu’un dressing et un coin buanderie. Cette forme revient souvent dans les projets des membres de DMOA. En effet, les boîtes rectangulaires ne sont pas idéales pour eux car elles paraissent visuellement plus lourdes dans leur environnement.

Rosalien Bijnens a pris en charge l’aménagement intérieur. Le plafond y rappelle un ciel légèrement nuageux. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

Ils estiment qu’il est beaucoup plus élégant de travailler avec des angles obtus. «De cette manière, au lieu de devoir composer avec un jardin latéral, un jardin avant ou un jardin arrière, vous érigez un pavillon en pleine nature. Les flux y sont plus agréables. Même pour ceux qui regardent la maison.»

Les divers percements du volume permettent des vues cadrées vers l’espace vert. Il a également fallu gérer les angles obtus de l’habitation. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

En tant que résident, cela implique néanmoins de pouvoir gérer de tels angles à l’intérieur. Et tout le monde n’en est pas capable, Matthias Mattelaer en est conscient. Pour beaucoup, tout ce qui s’écarte du plan orthogonal est à proscrire.

«Pourtant, si vous vous y prenez bien, vous pouvez créer des espaces intéressants, défend-il. Il suffit d’y ajouter une fenêtre ou de s’en servir comme d’un endroit de passage.»

L’enduit sur les murs assure un confort thermique intérieur agréable. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

Le coin salon confortable, relié au séjour et à la terrasse, est l’un de ces endroits. Tout comme le bureau qui pourrait éventuellement devenir une chambre d’amis. On a l’impression d’y être dans une capsule séparée où l’on ressent tous les éléments de la nature, sans pour autant perdre le contact avec le reste du logis.

Une terrasse monumentale

La façon la plus banale de concevoir la terrasse couverte aurait été de prolonger le plafond du séjour. Ce qui aurait permis à l’étage de s’ouvrir sur un grand toit-terrasse. Mais pour le Louvaniste, «les terrasses suspendues peuvent sembler romantiques, mais c’est rarement le cas. Pour la simple raison qu’elles sont à peine utilisées si vous ne les placez pas là où vivent la plupart des gens.»

La terrasse vue du premier étage. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

C’est pourquoi notre homme a préféré imaginer une terrasse monumentale. De ce fait, on ne ressent finalement que très peu la couverture. Ce qui permet d’attirer toute l’attention sur la vallée.

Au sous-sol, les mêmes matériaux et couleurs que ceux de la cuisine sont repris dans la salle de bains séparée de la chambre par un rideau. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

L’aspect rigide des lignes de la construction a par ailleurs été contrecarré, dans la maison et en façade, par des portes, des fenêtres et des murs arrondis. Des matériaux chauds ont été choisis: bois, enduit d’argile et microbéton sur les sols.

Un aménagement plein d’humour

C’est Rosalien Bijnens, aujourd’hui à la tête de son propre studio (Aino-Jane), qui a mené cet aménagement… Et elle a amené aussi quelques idées peu banales. Ainsi, un effet de ciel bleu avec des nuages voilés décore le plafond de la cuisine. Et les carreaux du sol serpentent à divers endroits de la pièce.

Jo Campo a aménagé un coin de jardin attenant à la chambre des parents. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

«A mes yeux, c’est de l’humour à l’état pur, dit-elle. Il y en a beaucoup trop peu dans l’architecture moderne.» L’originalité de ce projet n’a toutefois pas fait l’unanimité, avoue Matthias Mattelaer, même au sein de son équipe. «La première fois que mon associé, Benjamin Denef, a vu les plans, il n’a pas tout de suite su quoi en penser.»

Le sol du séjour étant fragile et les habitants aimant cuisiner, la zone de travail a été équipée d’un carrelage plus robuste. La ligne de démarcation entre les deux matériaux est aléatoire pour casser la rigidité. © LUC ROYMANS PHOTOGRAPHY

L’architecte est bien conscient que l’opinion des passants est mitigée… Mais il insiste. Pour lui, une telle maison ne peut pas être appréhendée d’un simple coup d’œil: «Il faut ressentir le concept. C’est l’expérience des occupants qui compte.»

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