L’étonnant couvent de La Tourette, un temple signé Le Corbusier
Dernière grande œuvre de Charles-Edouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier, en France, le couvent de La Tourette accueille pèlerins, étudiants en architecture et touristes en harmonie avec les frères dominicains. Découverte en images.
Par Wendy Huygebaert
Situé à Eveux, au milieu des collines qui entourent Lyon, le couvent de La Tourette se mérite et exige de la persévérance pour qui veut y accéder à pied: l’arrêt de bus le plus proche se trouve en effet à plusieurs kilomètres. Le chemin serpente vers le haut, virage après virage ; la destination paraît tour à tour si proche et si lointaine. Nous voici face à un joyau architectural qui n’est pas caché dans le paysage, mais qui en fait partie intégrante.
Avant d’élaborer le projet – soit l’un de ses trois édifices religieux –, Le Corbusier a étudié le site pendant trois ans, en suivant la course du soleil et en observant le paysage. Une retraite silencieuse des plus fructueuses. A l’intérieur, il n’est pas un seul espace qui ne soit baigné par la lumière du jour. Une particularité qui ne fait que renforcer le caractère sacré de La Tourette.
«Une œuvre d’amour»
L’implantation du couvent dans le no man’s land lyonnais était une nécessité. L’ordre dominicain était à la recherche d’un nouveau site pour son centre de formation. Un «studium» où prier et étudier dans la paix et le calme. Les frères étaient d’abord initiés à la philosophie et à la théologie pendant sept ans afin de pouvoir faire honneur à l’essence de leur vocation: convertir d’autres âmes.
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Cependant, dix ans après son inauguration, l’endroit se voit délaissé au profit d’un emplacement au centre-ville. Les économies réalisées sur l’acoustique et le double vitrage, à la suite de la première crise pétrolière – la construction a commencé en 1956, les premiers frères ont emménagé en 1959 –, se sont avérées trop importantes.
L’ordre dominicain n’a toutefois pas quitté entièrement les lieux, soutenu par des collaborateurs enthousiastes dont fait partie Florence Damey, qui accueille avec le sourire tous ceux qui frappent aux portes du couvent et leur fait visiter leur résidence temporaire. En effet, grâce au génie de l’architecte français, le bâtiment s’est offert une nouvelle vie. Il abrite les pèlerins en quête de paix et de tranquillité, les étudiants en art de bâtir et les passionnés à la recherche d’une expérience unique.
«Ce couvent de rude béton est une œuvre d’amour. Il ne se parle pas. C’est de l’intérieur qu’il se vit. C’est à l’intérieur que se passe l’essentiel», a écrit un jour Le Corbusier. Il suffit de se promener entre les murs du couvent pour comprendre toute la force de ces mots. Les lieux comptent 100 cellules sobres, qui n’ont jamais été occupées à l’époque.
Mesurant 1,83 mètre de largeur et 5,92 mètres de longueur, elles restaient vides, quand bien même elles auraient pu être des chambres d’hôtel en haute saison. Elles offrent toutes des vues imprenables sur la lumière et le paysage à l’horizon. Les couleurs vives qui habitent le bâtiment, jaune, vert et rouge, donnent vie aux espaces.
Les dimensions de la cellule n’ont d’ailleurs pas été choisies par hasard. On raconte que quiconque étendait ses bras dans la pièce pouvait caresser les deux murs du bout des doigts. La taille moyenne de l’être humain a cependant évolué depuis.
Minimalisme absolu
Outre leur propre cellule, les hôtes ont également accès au reste du monastère. Ici encore, Le Corbusier a combiné des couleurs de base, mais également des formes fondamentales, en alternant les cubes et les pyramides. Le clou du spectacle? La lucarne qui domine le paysage tel un phare.
Seul le dernier étage, où les frères résident toujours, est fermé au public. Plusieurs fois par jour, les visiteurs peuvent se joindre aux prières. L’église, qui baigne dans le silence pour le reste de la journée à l’exception de quelques murmures d’étudiants en architecture, résonne alors.
La sobriété se reflète également dans les repas que les frères servent trois fois par jour. Le végétarisme leur est encore inconnu. Ici, le minimalisme absolu de l’architecte se marie à la perfection avec les principes de l’ordre. Les jeux d’ombre et de lumière sur les murs en béton ne cessent de surprendre les visiteurs. L’envie nous prend d’ailleurs de prolonger notre séjour d’une nuit pour profiter encore un peu plus de ce calme apaisant.
A partir de 56 euros la nuit. couventdelatourette.fr
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L’église de pélerinage de Neviges, Mariendom, Allemagne
Cet édifice attire lui aussi de nombreux amateurs d’architecture. Le bâtiment en béton armé en forme de tente signé Gottfried Böhm a été construit entre 1963 et 1972. Le concepteur s’est inspiré des travaux de Mies van der Rohe et de Walter Gropius. Les influences de l’expressionnisme et du post-Bauhaus sont évidentes.
Pour 30 euros, il est possible de séjourner dans la maison des pèlerins, qui dispose de chambres pour deux ou quatre personnes. mariendom.de
L’abbaye de Tautra Maria, Tautra, Norvège
Cette construction récente se situe sur l’île norvégienne de Tautra. L’épicéa lamellé-collé est le principal matériau de construction. L’une des caractéristiques uniques de cette abbaye est le toit en bois qui donne vie à des motifs lumineux tout au long de la journée. Les architectes Jensen & Skodvin ont construit ce bâtiment pour 18 sœurs cisterciennes, qui y accueillent tous les visiteurs, religieux ou non.
La durée recommandée pour une retraite est de trois jours. On peut y faire du bénévolat pour une période d’un mois à un an. Le coût par nuit est de 70,50 euros, plus 57,50 euros pour trois repas végétariens. Les étudiants paient moitié prix. tautra.org
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