Prière de se taire: 7 lieux où trouver la sérénité
L’architecture sacrée contemporaine bouscule les clichés. Exit les minarets classiques et les clochers somptueux. Les concepteurs misent avant tout sur la quiétude et les espaces où le silence est d’or.
N°1: Eglise de l’Anastasis (Alvaro Siza Vieira)
Le lieu. Une église chrétienne située à Saint-Jacques-de-la-Lande, une commune bretonne limitrophe de Rennes.
L’architecte. Alvaro Siza Vieira, le plus célèbre architecte portugais. Il a notamment remporté le prix Pritzker et le prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine Mies van der Rohe. Sa réalisation la plus connue est le musée d’art contemporain de Serralves, à Porto.
Le projet. L’édifice mesure douze mètres de hauteur et est entièrement réalisé en béton architectonique blanc. Des volumes à angles droits abritent un cylindre central. Pour construire sa propre interprétation de l’architecture en béton, Alvaro Siza s’est inspiré des immeubles à appartements du quartier. Aussi a-t-il opté pour une hauteur « modeste ». En effet, l’ouvrage ne dépasse pas les bâtiments environnants. L’édifice attire l’attention sans être pompeux. Il ne comporte aucun tableau ni retable car avec Alvaro Siza, l’architecture parle d’elle-même.
La dimension spirituelle. Les murs sont couverts d’un enduit acoustique en sable de marbre, qui crée une sonorité sacrée.
Bon à savoir. Cette église est accessible au public.
N°2: La maison de la méditation (Kengo Kuma)
Le lieu. Un espace de méditation à Krün, au coeur de la forêt bavaroise de Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne.
L’architecte. Le Japonais Kengo Kuma, surtout connu pour la conception du nouveau stade olympique national de Tokyo, qui aurait dû accueillir les J.O., l’été dernier.
Le projet. Ce pavillon de 141 m2 est érigé avec des essences indigènes de sapin et met en avant des techniques de menuiserie expérimentales. Les panneaux se croisent en oblique, à la façon de branches sous-tendant une cabane dans les bois.
La dimension spirituelle. Des faisceaux lumineux s’échappant des parois et du plafond. Pour ce faire, le créateur s’est inspiré du terme japonais « komorebi », qui décrit les rais de soleil à travers les arbres.
Bon à savoir. A visiter en réservant une nuit à l’hôtel Das Kranzbach de la station thermale au pied du Zugspitze, la plus haute montagne d’Allemagne, dont le sommet culmine à 2 962 mètres. Les promoteurs du projet tenaient à confier la réalisation de cet endroit dédié à l’introspection à un architecte nippon.
N°3: La chapelle Sacromonte Landscape (MAPA)
Le lieu. Une chapelle d’hôtel en plein milieu d’un vignoble à Maldonado, dans le sud de l’Uruguay.
L’architecte. Le bureau sud-américain MAPA, principalement connu pour ses « Minimods », cabines préfabriquées en bois situées dans des lieux retirés.
Le projet. A quoi ressemble un lieu « sacré » au XXIe siècle? La Sacromonte Landscape Chapel n’est pas fermée. Les architectes souhaitaient offrir de l' »espace » à la nature par le biais du toit ouvert à tout vent. Deux panneaux de bois, non joints, de neuf mètres par six, attirent le regard. La construction a été préfabriquée au Portugal et montée en à peine une journée sur place. Au centre, la symétrie est brisée par un caisson métallique qui abrite une statue de la vierge de la Carrodilla, patronne des vignobles.
La dimension spirituelle. Une chapelle à ciel ouvert qui protège tout en laissant entrer les forces de la nature.
Bon à savoir. Cette chapelle fait partie du Sacromonte Landscape Hotel, également conçu par MAPA. Le domaine comporte plusieurs « amplificateurs de paysage », comme les architectes les appellent si joliment.
N°4: Le temple Bahá’í Hariri (Pontarini Architects)
Le lieu. Ce temple de méditation et de prière est érigé au pied de la cordillère des Andes, au Chili. Les jardins avoisinants donnent sur la capitale Santiago. Quant au nom Bahá’í, il fait référence à une croyance qui date du XIXe siècle. Il symbolise l’unité entre toutes les religions du monde.
L’architecte. Le bureau canadien Hariri Pontarini Architects, fondé par Siamak Hariri et David Pontarini. Ils ont notamment conçu l’hôtel Shangri-La, à Toronto.
Le projet. Le défi architectural était de taille puisque ce temple se devait de n’exclure aucune croyance. Il convenait donc de mettre de côté toutes les caractéristiques typiques d’une mosquée, d’une synagogue ou d’une église et de repartir de zéro, sur une feuille vierge. Le lieu a pour vocation de rassembler des religions d’hier, d’aujourd’hui et de demain. La coupole elliptique comporte neuf ailes vitrées qui ondulent le long du bâtiment. Soit autant d’entrées pour les visiteurs, venant des quatre coins du monde. Les panneaux se composent de plus de 30 000 m2 de verre borosilicaté et sont supportés par des cadres en acier qui, telles des veines, s’étirent sous les surfaces. Le verre semble cassé, prêt à être recollé. Un symbole d’unité retrouvée.
La dimension spirituelle. Lorsque le soleil se couche, l’intérieur s’illumine, et l’édifice fait office de guide, à l’instar d’un phare. Lors d’une interview accordée à la presse, Siamak Hariri, l’un des architectes, a qualifié cet effet de « rideau de lumière qui drape les abords ».
Bon à savoir. Le temple est accessible au public.
N°5: La salle arc-en-ciel (tc plus)
Le lieu. Un « espace de communion » implanté sur le domaine Menas, dans la forêt de Sint-Maria-Aalter, à la frontière entre Flandre-Orientale et Flandre-Occidentale. Pendant des années, Menas a fait office de monastère où les Frères de la Charité novices recevaient leur formation. Aujourd’hui, l’ensemble du domaine, le parc paysager et plusieurs espaces de silence sont ouverts au public.
L’architecte. Tom Callebaut de tc plus, un bureau d’architectes spécialisé dans les espaces sacrés, les salles silencieuses et la réaffectation d’églises.
Le projet. Les représentants du domaine ont demandé à Tom Callebaut de concevoir un « espace spirituel contemporain ». La conception était un processus architectural auquel tant les frères que les habitants du quartier ont contribué. Cet espace est, au sens propre comme au figuré, « ouvert » à diverses religions. A l’aide de lattes en bois, le concepteur a dessiné un cercle intérieur et extérieur et peint les couleurs de l’arc-en-ciel sur les piliers, en guise de drapeaux de bienvenue pour tous.
La dimension spirituelle. Les visiteurs peuvent afficher une photo ou un symbole de la religion ou des forces spirituelles auxquelles ils croient.
Bon à savoir. Cet espace peut accueillir des moments de prière, mais aussi des ateliers et des séances de méditation. Il est libre d’accès.
N°6: La mosquée Vali-e-Asr (Fluid Motion Architects)
Le lieu. Une mosquée atypique, dans la capitale iranienne, Téhéran.
L’architecte. Le duo iranien Reza Daneshmir et Catherine Spiridonoff de Fluid Motion Architects.
Le projet. Contre toute attente, la mosquée Vali-e-Asr n’a pas de minaret et ne toise pas les constructions environnantes. Au contraire, les architectes ont réalisé un projet qui s’intègre dans la typologie des lieux. En Iran, la discrétion et la simplicité en art de bâtir sont considérées comme audacieuses et controversées. Ce bâtiment a été taxé de « projet insultant, postmoderne ». L’architecte Catherine Spiridonoff a réfuté cette critique en invoquant les mosquées qui, anciennement, ne comportaient pas de minaret.
La dimension spirituelle. La toiture « fluide » crée une forme naturelle assurant la ventilation et une connexion constante entre les visiteurs et l’extérieur.
N°7: Le sanctuaire du silence (Studio Corkinho)
Le lieu. Cet espace dépourvu de bruit est situé dans la Noorderpershuis, une ancienne centrale hydraulique anversoise datant du XIXe siècle.
L’architecte. En 2019, Cédric Etienne de Studio Corkinho, basé à Anvers, a voyagé autour du monde, en quête de quiétude. Il a notamment visité des oeuvres du Corbusier, de Carlo Scarpa et de Peter Zumthor et étudié la manière dont l’endroit peut inciter au silence. Il ne s’agit pas d’absence de bruit au sens propre, mais au sens figuré. Pour le concepteur, silence rime avec paix intérieure. En 2020, il a construit sa propre « Still Room », jouxtant son bureau et son atelier. Le célèbre magazine Wallpaper lui a consacré un article.
Le projet. A l’aide de pierre, de textile et de liège, il a créé une « patine de silence » dans une ancienne salle des turbines. Il a injecté la force énergétique de la pièce dans une réalisation contemporaine qui invite au repos. L’aménagement du mobilier est sobre. Il se compose notamment d’un bureau en liège brûlé réalisé par Studio Corkinho.
La dimension spirituelle. Quiconque pénètre dans cette pièce éprouve une sensation de déconnexion du monde. Comme si, avec son mélange de lignes, matériaux et couleurs neutres, l’architecte avait dessiné un bouton pause invisible.
Bon à savoir. Du yoga méditatif hakudo y est proposé. La salle peut également être visitée en privé sur demande.
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