Le jeu de l’amour et du parfum

Comme les humains qui les portent, les parfums s’attirent ou se repoussent. Etes-vous olfactivement compatibles?

Comme les humains qui les portent, les parfums s’attirent ou se repoussent. Etes-vous olfactivement compatibles?

Le sujet est pointu. Mais essentiel, l’amour tenant de la chimie (ou de l’alchimie). On a tous croisé des couples dont les deux semblaient (par)faits l’un pour l’autre. Seul hiatus, comme un ongle crissant sur une vitre, la disharmonie de leurs parfums: quelque chose cloche que l’on n’identifie pas immédiatement, une impression incommodante, une intuition trouble. En général, ceux-là ne durent pas longtemps. Six mois plus tard, on les recroise différemment accompagnés et, là, miracle! tout est fluide: l’un fondu dans l’autre; le santal qui roucoule sous le cèdre; le géranium mimant la rose; le citron, l’orange.

Les extrêmes se séduisent

Est-ce à dire que l’on doit choisir son partenaire en fonction d’une eau de toilette raccord? Pas nécessairement: il arrive que les extrêmes se séduisent, que les dissonances créent des ressemblances ou que l’affinité jaillisse de l’imprévu. Le jeu est amusant et ne demande qu’un peu de délicatesse.

Ouvrez grandes les narines, décidez pour vous-même: Eau première N° 5, de Chanel, se marie-t-elle mieux à une fougère ou à un oriental? Et pourquoi pas à une cologne? Nous avons choisi deux fragrances féminines accordées chacune à trois eaux masculines. Et, à l’inverse, trois parfums pour homme face à autant de propositions destinées aux femmes. Si certaines alliances sont fusionnelles, d’autres jouent le contraste, quand ce n’est la surprise. Scellez vos pactes, amusez-vous, mariez-vous!

Avec J’adore l’Absolu, de Christian Dior…

Le best-seller de la maison s’offre une version de luxe: les essences y sont, comme on dit dans le métier, absolues, c’est-à-dire dans leur plus haute concentration et de la plus belle qualité. Ilang-ilang, rose turque, jasmin sambac et tubéreuse: le résultat est opulent, mais plus nerveux et aussi plus poudré que celui du premier du nom. 85,30 euros les 50 ml.

Fusion: Allons-y carrément avec l’impressionnant White Patchouli, de Tom Ford, tout à fait bien sur un homme audacieux (donc complémentaire de celles qui portent J’adore). De la bergamote, de la coriandre, de l’encens et pléthore d’un patchouli bien sexuel. Waouh, quel couple! 55 euros les 30 ml.

Contraste: La Nuit de l’homme, d’Yves Saint Laurent, parfum couche-tard accordé au lumineux J’adore, en est comme le reflet en creux, l’opposition idéale. Un boisé herbacé face à un grand floral, le froid se marie au chaud, le soleil joue avec la lune, l’homme rejoint la femme. Bref, tout va bien. 42 euros les 40 ml (à partir du 2 mars).

Inattendu: Associer un parfum de cuir, telle cette Essence de Cerruti aux notes fruitées finales du Dior peut sembler aventureux. Mais les notes animales secrétées par le jasmin et la tubéreuse suffisent à créer l’accord, à faire se rencontrer deux univers pas si éloignés qu’on le pense. 48 euros les 50 ml.

Avec le Mâle, de Jean Paul Gaultier…

Malgré son nom, malgré son flacon, le Mâle (n° 1 des ventes de parfums masculins) emprunte bien des atours au sexe opposé: de la fleur d’oranger, de la lavande, de la vanille à ras bord, et de la bergamote, de la cannelle, du santal… Mais, tels d’autres avant lui (Brut de Fabergé ou Aramis For Men), c’est par cette ambiguïté même qu’il séduit. 62 euros les 125 ml.

Fusion: Organza récolte 2008, de Givenchy, est aussi un concentré de fleur d’oranger de qualité rare, récoltée au Maroc, entre Rabat et Fès, lors de la dernière cueillette. L’embrassade se prolonge par une vanille de pure sensualité. Bergamote, ambre, santal en plus: ces deux-là s’aiment en miroir. 90 euros les 60 ml (à partir du 2 mars, chez Sephora).

Contraste: Avec Essence, de Narciso Rodriguez, deuxième parfum du couturier new-yorkais, l’opposition tient plus à l’impression générale qu’à un antagonisme réel. Très lumineux, rosé à coeur et poudré/musqué à fond, ce délice d’équilibre s’harmonise parfaitement à la fantaisie du masculin. 95 euros les 100 ml (à partir du 9 mars, en exclusivité aux Galeries Lafayette).

Inattendu: Des effluves de jeune fille main dans la main, si l’on ose dire, avec le mâle du siècle? L’Air du Printemps, opus saisonnier de Nina Ricci, tempère par sa légèreté la domination virile. Et la violette s’entend à merveille avec la lavande. 69,50 euros les 100 ml (à partir du 2 mars).

Avec Terre d’Hermès…

Succès formidable et mérité, Terre d’Hermès est un vrai parfum d’homme, dense et souple à fois, construit de paradoxes. Amertume des agrumes, odeur sèche du silex, éclats de poivre, résonance du cèdre de l’Atlas. Raffiné et, en même temps, direct, il s’habille aujourd’hui d’un nouveau flacon à effets d’optique pour dessiner un H strié en surbrillance cinétique. 75 euros les 100 ml.

Fusion: Une goutte de nuage, d’Issey Miyake. C’est le ciel qui les réunit. Car, par-dessus la terre, forcément, les nuages. Au touche à touche d’un horizon épuré, les émotions sont jumelles, qui tiennent au détail, à l’abstraction, à la simplicité. Un peu de thé blanc, de la rose, des bois flottés répondent au géranium et au vétiver. 86 euros les 86 ml.

Contraste: KenzoAmour, tout en rondeur et orientalisme, est loin du prisme froid d’Hermès. Les deux, pourtant, sont conjoints par la couleur orange, boisée, peu fleurie, voire argileuse, de leurs sillages. L’Inde ici évoquée, disons le Rajasthan, est un pays de poussières et de vents safranés, la Terre d’Hermès est un désert humecté d’une rosée d’odeurs. 53 euros les 30 ml.

Inattendu: Caprice Amarena, de Lolita Lempicka. La fragrance la plus romantique de la galaxie fille pacsée avec le jus masculin le plus janséniste? Pourquoi pas? Elle suce un bâton de réglisse, il grave son nom dans le bois de rose; elle accroche des cerises à ses oreilles, il lui offre une orange. 46 euros les 30 ml.

Avec Cologne, de Thierry Mugler…

On sait, chez Mugler, créer des intemporels, des classiques inusables, des ovnis magnifiques. Cette Cologne ne faut pas à l’usage: lancée en 2001, elle trace son sillage de savon propre, de sève verte, de fleurs blanches, de muscs sages. Un parfum masculin, vraiment? Disons mixte. Superbe sur un rugbyman, il sera sensationnel sur une diva. 47,70 euros les 100 ml.

Fusion: Sweet Lime & Cedar, de Jo Malone, est de la même eau. Hespéridé, bien entendu, mais tendance verte, acidulé, savoureux. En promettant la même longueur sur peau, le cèdre y prend la place des muscs, les arômes de citron et de feuilles aromatiques se mélangent à ceux des pétales jasminés. 42 euros les 30 ml.

Contraste: Eau de toilette Magnifique, de Lancôme. Vous avez dit bizarre ? Nous, on dit différent. Ici, ce qui prime, c’est la rose et le fond, très boisé (donc raccord). Plus une goutte de jasmin et pas mal d’agrumes. 42 euros les 30 ml.

Inattendu: Guess, de Marciano. Les contraires s’attirent. Et un parangon du jean à l’américaine peut rejoindre la théâtralité muglérienne. Comment? Par les agrumes encore (pamplemousse et curaçao) et les muscs surabondants. Quant aux notes de confiture de lait, elles résonnent comme un lointain écho de l’accord charnel qui signe la Cologne… 39 euros les 30 ml (en exclusivité chez Sephora)

Avec l’Eau première N° 5, de Chanel…

Une version éclairée du célébrissime N° 5. Tout y est: des aldéhydes aux fleurs de coeur (jasmin, rose, ilang-ilang), mais plus matinales que dans l’original. La lumière coule à flots. Traité du classicisme à l’usage des jeunes générations, l’exercice est parfait, qui renouvelle un chef-d’oeuvre sans l’abîmer ni l’amoindrir. 88 euros les 75 ml.

Fusion: Grey Flannel, de Geoffrey Beene. On le croyait disparu, il renaît, aussi vert qu’au premier jour. Et quand on dit vert… Saturé de galbanum (cette résine agreste qui sent la cosse de petit pois), il s’arrondit de violette et de fève tonka. C’est par sa structure chyprée qu’il rejoint le Chanel et par son élégance, les notes vertes s’accordant au bouquet floral. 33 euros les 30 ml.

Contraste: Habit rouge sport, de Guerlain? Mais oui, ses notes de bambou légèrement aqueuses et son citron vert n’ont rien de commun avec l’envolée abstraite du féminin. Mais voilà, la vanille est là, qui crée le lien, et le jasmin aussi, évitant l’effet chien et chat, et le musc termine le tout en une douceur conciliante. 75 euros les 100 ml.

Inattendu: CK One, de Calvin Klein. La première eau hespéridée à avoir conquis le marché américain trouve ici, via la transparence, une alliance réussie. Sans compter que le jasmin, la rose et la mousse de chêne forment un socle commun des plus solides.30,90 euros les 50 ml.


Maïté Turonnet – Lexpress Styles

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content