Les nouvelles folies du vernis

Il a remplacé le rouge à lèvres dans le coeur des femmes et sur les étagères des rayons des parfumeries. Éditions limitées, innovations à la minute, les marchands de vernis ont transformé nos ongles en accessoires de mode. Explications.

Si les ventes s’envolent, c’est aussi parce que le vernis est petit à petit devenu une fantaisie bien plus facile à porter au quotidien. Un pourpre – tout ardent soit-il – sera moins provocateur sur les ongles que sur les lèvres. Au bout des doigts, la fantaisie est portable : un vernis fluo se fait plus discret qu’un sourire bordeaux. Le succès du petit pot de couleur est avant tout dû à son accessibilité : c’est souvent le produit premier prix chez les marques de cosmétiques. Même le mascara est plus cher ! Un moyen de capter une clientèle plus jeune, quitte à réduire la contenance des flacons. « Je peux acheter jusqu’à 20 vernis par mois. En tout, j’en ai plus de 500 ! » confie Camille Elisa, nailista avertie, qui a ouvert un blog, pshiiit.com, exclusivement consacré au vernis à ongles, en août 2011, et qui cumule jusqu’à 10 000 visites de fans par jour. « Pour moi, la folie est née grâce au vernis 505 de Chanel, teinte Particulière, sorti début 2010, continue-t-elle. Il s’est épuisé très vite, on le cherchait partout, il était presque sur liste d’attente. C’est devenu un objet désirable. La teinte du moment est née, au même titre que le sac de la saison. » En un mot : le vernis avait enfin atteint le statut d’accessoire.

Chez Chanel, on affirme aussi que certains coloris deviennent, comme des it bags, des phénomènes de mode. « Le succès de Particulière était inattendu. Après coup, il s’explique, parce que c’était une teinte taupe, plutôt originale à l’époque. Ce genre de phénomène s’était déjà produit en 1996, avec le Rouge noir porté sur un défilé. Les couleurs originales suscitent régulièrement des pics d’attention. »

Depuis quelques années, les nailistas suivent donc les éditions limitées, largement médiatisées, à la trace. Tirées à quelques milliers d’exemplaires au maximum, les précieuses teintes ne sont trouvables que dans certaines boutiques, par exemple. La griffe O.P.I. a surfé sur la vague de ces séries limitées ces trois dernières années, à raison de quatre mini collections par an. En tout, elle crée entre 60 et 85 teintes chaque année. Résultat, les clientes ont en permanence accès à une gigantesque palette d’environ 240 couleurs ! De son côté, Essie, marque américaine, est arrivée en Belgique en 2011, après des mois de buzz sur Internet, avec 90 teintes à son catalogue, auquel elle ajoute quatre nouvelles couleurs chaque saison.

Ces griffes, uniquement consacrées au vernis, ont changé la donne. Les formules sont nettement plus performantes qu’il y a cinq ans, en termes de couvrance, de tenue et de brillance. Elles ont été travaillées pour ne plus être allergènes, tandis que certaines maisons commencent à faire la guerre contre les parabens, produits toxiques. Et ce n’est pas près de s’arrêter : Sally Hansen, leader du soin et de la coloration des ongles en Amérique, a rejoint le réseau français Sephora. Cette course à la performance a aussi poussé les maisons de cosmétiques à s’adapter aux besoins des femmes : les pinceaux se font plus ergonomiques, biseautés ou plats, pour déposer le vernis au centre de l’ongle, sans le faire déborder. Le temps de séchage a été raccourci, tandis que la tenue s’allonge : O.P.I signe un nouveau produit qui dure quinze jours, GelColor, à se faire poser en institut. La manucure de stars Jenna Hipp a même inventé le fond de teint pour ongles, vernis protecteur de couleur sable. Les top coats spécialisés envahissent le marché, accélérant le séchage ou donnant un rendu mat.

Dernière tendance en vue : le renouveau du nail art, ou l’art de décorer ses ongles. Traditionnellement imperméable aux tendances, mais pas au mauvais goût, il devient fashion depuis que les grandes maisons s’en emparent. Yves Saint Laurent propose les ongles craquelés et les duos colorés depuis plusieurs saisons, tandis que Lancôme orne ses croquis de motifs géométriques bicolores. Agnès b. lance une collection de « mini b. » destinée au nail art, et conseille d’adopter un vernis différent sur l’annulaire gauche. L’actrice américaine Zooey Deschanel a même arboré des ongles façon smoking, ornés de petits boutons peints, aux Golden Globe Awards ! La créativité se trouve également du côté des blogs où la communauté des « vernistas » mène la danse. Sur ongles courts et carrés, elles déclinent chaque jour des motifs graphiques et sophistiqués, rendant la fantaisie chic. La folie vernis n’est pas près de s’éteindre.

V.P.

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