Marc Jacobs: « A moitié nu? Totalement »

Le styliste américain fait très fort avec le lancement de Bang, son premier parfum masculin depuis presque dix ans.

Le styliste américain fait très fort avec le lancement de Bang, son premier parfum masculin depuis presque dix ans. Campagne choc, fragrance séductrice, flacon surprenant: il nous a tout raconté de ses choix olfactifs et de ses audaces visuelles.
Le magazine Time l’a classé parmi les 100 personnes les plus influentes au monde. En plus d’être le directeur artistique de l’ensemble des collections Louis Vuitton, homme et femme, ce créateur, qui partage son temps entre Paris et New York, dessine aussi une ligne à son nom, et une autre plus décontractée et accessible, Marc by Marc Jacobs. Ses sacs en toile colorée font un malheur auprès des adolescentes, tandis que ses amies people, de Sofia Coppola à Victoria Beckham, portent ses modèles couture ; et cela résume bien le large spectre de ce touche-à-tout. Preuve supplémentaire de sa créativité, en quelques années, Marc Jacobs est devenu, avec l’appui du groupe Coty, l’un des acteurs incontournables du monde des parfums.

Après l’énorme succès de son féminin Daisy – nom duquel il a aussi baptisé l’un de ces deux bull-terriers -, puis celui de Lola, c’est aujourd’hui dans l’une de ses boutiques parisiennes, place du Marché-Saint-Honoré, qu’il nous a donné rendez-vous pour la présentation de sa dernière fragrance, Bang. Quelle est la tenue, ce jour-là, de celui que l’Etat français a élevé au grade de chevalier des Arts et des Lettres? Chemise blanche, chandail noir ajusté, et l’un de ses kilts qui sont un peu sa carte d’identité vestimentaire. A chaque oreille de ce presque quinquagénaire brillent des diamants et, si la barbe est poivre et sel, la silhouette, forgée par des heures de gym, est celle d’un sportif. Affûtée. Tout comme son propos.

On a plus l’habitude de vous entendre parler mode que parfums? Pourquoi?

Demandez-le à vos confrères journalistes ! Pour moi, les deux univers du style et de la beauté sont étroitement liés. Cela fait maintenant exactement une décennie que je signe des parfums et c’est une chose essentielle, à mon sens, parce que ce sont des produits accessibles à tous et qui peuvent avoir une vraie personnalité, un style bien à eux, autant pour ce qui est du jus que du flacon.

Quels sont vos souvenirs d’enfance en matière de parfums?

Mon souvenir le plus ancien, c’est celui de ce que portait ma grand-mère paternelle, Joy de Patou. C’est sans doute à cause de lui qu’aujourd’hui encore le jasmin reste mon odeur préférée à toute autre. Que ce soit son essence dans un parfum ou l’odeur de la fleur elle-même.

Et pour vous-même, depuis votre adolescence, êtes-vous resté l’homme d’un seul parfum ou avez-vous beaucoup changé?

J’ai été passablement infidèle! [Rires.] Mais je crois qu’on évolue et que le parfum peut correspondre non seulement à un coup de foudre olfactif, mais aussi à un moment précis de votre existence. Laissez-moi me souvenir… Très tôt, j’ai porté Kouros, d’Yves Saint Laurent, puis Grey Flannel, du couturier américain Geoffrey Beene. J’ai eu aussi ma période Polo, de Ralph Lauren, et Terre, d’Hermès. Enfin, il y a une odeur qui m’a littéralement enchanté quand je l’ai découverte, c’est celle de l’huile essentielle de concombre de Kiehl’s.

Justement, n’aviez-vous pas lancé à une époque une eau de Cologne dénommée Cucumber (concombre)?

Tout à fait! Elle faisait partie de cette collection de grands flacons rectangulaires, les Splash, que nous sortons chaque année autour d’une matière première ou d’un thème olfactif volontairement très minimaliste: la figue, le gingembre, le lierre, le basilic, l’orange… Pour ce qui est du concombre, qui est aujourd’hui épuisé mais que nous referons peut-être, j’avoue que je l’aimais tellement que j’en ai commandé un stock incroyable. C’est encore celui que j’embarque avec moi quand je vais à la gym.

Votre nouveau parfum masculin, lancé l’été dernier aux Etats-Unis mais qui arrive seulement en Europe, s’intitule Bang. Drôle de nom, non?

Et cela me réjouit! Contrairement à d’autres marques américaines, c’est la preuve que nous ne fonctionnons pas au marketing mais à l’impulsion. Ça marche ou pas, mais, au moins, nous osons. Le verbe to bang en anglais, c’est frapper, claquer, mais, en argot, cela a aussi une connotation sexuelle que je vais éviter de vous traduire… Bref, c’est plutôt irrévérencieux et cela me plaît.

Le flacon aussi est percutant.Au sens propre! Bien qu’il soit en verre, on dirait un impact sur une plaque de métal. La bouteille paraît comme enfoncée en son centre. C’est quelque chose qui sort de l’ordinaire, et, comme je vous l’ai dit, je milite pour que mes parfums aient une forte identité.

A ce propos, Bang a d’étonnantes notes poivrées qui titillent les narines à l’attaque…

Je ne suis pas du tout un adepte des sempiternelles notes citronnées en tête des parfums. Je voulais une note épicée sans être férocement exotique, et on a fait pour cela un assemblage de trois poivres; mais, sur le fond, ce masculin est plutôt boisé: vétiver, patchouli, mousse…

On parle beaucoup de la campagne publicitaire de ce parfum. Vous y apparaissez à moitié nu…

Comment cela, à moitié nu? Totalement! Cette photo a été prise par Juergen Teller dans une chambre de l’hôtel Mercer à New York. Pour tout vous dire, on avait commencé la séance avec un jean et un tee-shirt, mais on a bien vu que cela ne marchait pas. Je fais totalement confiance à Juergen avec qui je travaille depuis dix ans, aussi, quand il m’a proposé de poser nu, avec juste cet énorme flacon de parfum posé sur moi, je n’ai pas hésité à me lancer.

La nudité ne vous pose donc pas de problème?

Aujourd’hui que j’ai reforgé mon corps avec le sport, encore moins qu’auparavant. Mais je n’ai jamais été très frileux à l’idée d’enlever mes vêtements… surtout si c’est pour une bonne cause. Je l’avais fait notamment pour une campagne de lutte contre le cancer de la peau. Et puis dans le cas précis de Bang, je vous avouerai que c’est surtout à Yves Saint Laurent que j’ai pensé. Pour le lancement de son premier parfum masculin, il avait demandé à Jeanloup Sieff de le photographier nu, et le résultat est sans doute l’une des plus émouvantes et authentiques photos que j’aie jamais vues.

En dehors de votre griffe, vous êtes aussi le directeur artistique de Louis Vuitton. Savez-vous pourquoi ils ne lancent toujours pas de parfum à leur nom?

C’était leur volonté jusqu’à maintenant. Mais je ne suis pas sûr qu’ils ne pourraient pas changer d’avis. En tout cas, je leur ai dit combien ce challenge m’intéressait…

Entre vos différentes collections, vous vivez pour moitié à New York et à Paris. Y a-t-il une odeur qui vous évoque particulièrement la France ?

Ah oui! Celles des boulangeries!

L’express Styles

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