Edgar Kosma

Le monde de Michel: « Seule perspective qui s’offre à nous: nous réfugier dans un univers parallèle »

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Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.

Je suis né à Namur le 15 janvier 1979. Jusqu’ici, rien de bien folichon… sauf peut-être pour les Millennials – « Mais t’es aussi vieux qu’mon daron toi! » – ou les boomers – « Ho mais quel petit jeunot celui-là! » Les esprits les plus vifs auront capté qu’en l’an de grâce 2021 qui nous a quittés sans feu d’artifice, chenille ou grande fanfaronnade, je vivais une expérience qui n’arrive pas à tout le monde ici-bas et qui ne m’arrivera plus jamais: vivre pile à cheval entre deux siècles. Pour les moins vifs, j’ai vécu 21 ans au XXe et 21 ans au XXIe, c’est tout.

Aujourd’hui, la balance s’est déséquilibrée. Je suis dorénavant et à jamais un être humain qui, quoi qu’il arrive, aura vécu la plus grande partie de son existence au XXIe siècle. Mais en cette année de basculement, tournons le dos au passé et regardons vers l’avenir, car force est de constater que le présent ne semble pas être notre fort en ce moment. Que nous réserve-t-il? La prédiction est un sport où l’on se casse souvent les dents. Houellebecq, par exemple, imaginait dans Soumission, en 2015, une France gouvernée par un parti islamiste en 2022. Sept ans plus tard, deux candidats d’extrême droite se battent pour la deuxième place qualificative au second tour. Que ceux qui voient un visionnaire en Michel se calment donc un peu avant de lire son nouveau roman qui se déroule durant la campagne présidentielle de 2027 et voit Macron terminer son deuxième mandat.

Pour ma part, je fais le pari que dans les années à venir, nous passerons moins de temps sur les écrans. « LOL », ricanent les Millennials. Il n’est pourtant pas si fou d’imaginer cela, mais certainement pas dans un sens de déconnexion ni de retour à la vie préconnectée. Je m’explique: si l’on en croit Mark Zuckerberg, qui a quand même développé une certaine capacité à conditionner nos comportements futurs, l’avenir serait dans le Metaverse. Nouvelle interruption des boomers: « Le Meta quoi? » Pour faire simple, le Metaverse désigne un monde virtuel auquel on peut accéder non plus à l’aide d’un écran mais via des outils de réalité virtuelle (VR) et de réalité augmentée (AR). « Un casque quoi! »

‘Quitte u0026#xE0; fuir, autant aller lu0026#xE0; ou0026#xF9; c’est le plus proche: dans notre salon.’

Un univers parallèle, super, mais pour quoi faire? Nous pourrons tous y avoir notre avatar, lequel pourrait ensuite faire tout ou presque ce que nous faisions précédemment dans notre monde réel: nous faire des amis, communiquer, visiter de nouveaux lieux, faire du shopping pour que notre avatar soit mieux que les autres, assister à toutes sortes d’événements et spectacles d’avatars d’artistes (l’avatar de Justin Bieber vient par exemple d’y donner un concert devant une foule d’avatars prépubères)… Bref, dépenser notre argent réel qu’on ne dépensera plus dans le monde physique puisque toute heure passée dans la Metaverse sera une heure qu’on ne passera plus dans les rues commerçantes.

Jusqu’où cela ira-t-il? Y aurons-nous un travail, une maison, une famille? Y passerons-nous un jour l’intégralité de notre temps? Les deux mondes s’inverseront-ils, jusqu’à ce que notre monde ne devienne plus qu’un vague souvenir archivé dans une Metabibliothèque? Je n’ai pas de réponse à ces questions, mais je trouve cependant ironique qu’au moment où l’humanité aurait le plus besoin de ses ressources humaines pour affronter les multiples crises qui nous frappent, la perspective qui s’offre à nous soit de nous réfugier dans un univers parallèle. Puisque l’humanité a compris qu’il ne sera pas possible de coloniser une nouvelle planète dans les décennies à venir, autant créer de toutes pièces la destination de notre fuite. Et quitte à fuir, autant aller là où c’est plus proche: dans notre salon.

Finalement, Houellebecq a peut-être été un visionnaire, mais plutôt dans La Possibilité d’une île, où il imaginait des néo-humains déconnectés les uns des autres et qui ne communiquent plus qu’à travers un écran interposé. En cet an de grâce 2022, il ne reste plus qu’à espérer que l’histoire ne soit pas écrite d’avance.

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