Carte blanche au make up artist belge Peter Philips
Sa passion pour l’image l’a conduit vers la mode, de l’Académie d’Anvers aux coulisses des plus beaux défilés. A l’occasion des 35 ans du Mode c’est belge, Le Vif Weekend a donné carte blanche à Peter Philips, aujourd’hui directeur de la création et de l’image du maquillage Dior. Trois bonnes raisons de s’émerveiller.
Appelez cela le privilège de l’expérience, celui qui consiste à oser se faire confiance. Ce matin-là, lorsqu’il pousse la porte du studio 254Forest, à Bruxelles, Peter Philips se sent un peu comme un soliste face à son instrument, l’envie de jouer le démange même si la partition de cette carte blanche reste encore à écrire. C’est là d’ailleurs que réside tout le plaisir de l’aventure, de l’improvisation naissent souvent les plus belles fulgurances. Les tables qui l’entourent rutilent de fonds de teint, de rouges à lèvres, de laques et autres mascaras multicolores fraîchement sortis de leurs packs, de quoi faire perdre la tête à toutes les beautystas. C’est qu’il faudra des mois encore pour que tout cela se retrouve sur comptoir. Même s’il les a pensés, voulus, conçus, Peter Philips a dû lui aussi faire preuve de patience avant de mettre la main sur ces nouveaux » outils « . A lui maintenant de les expérimenter pour son plus grand bonheur, c’est l’un des privilèges d’être le grand manitou du make-up dans une maison comme Dior. Des journées comme celles-là, c’est ce qu’il appelle sa récréation, sa bulle d’air. » Les shootings d’éditoriaux, c’est ma passion, lâche le directeur créatif. Je peux me laisser aller, c’est la forme d’expression la plus libre de mon boulot. »
Une erreur de jugement peut mener à quelque chose de magnifique.
Le langage de l’excellence
Comme tout, sur un set, est question d’alchimie, savoir bien s’entourer n’a pas de prix. Pendant que le premier look, inspiré par la collection Niki de Saint Phalle de la griffe, se dessine sur le visage de madone de Maya, Pierre Debusschere réinvente la lumière à la manière des maîtres primitifs flamands pour lesquels il ne cache pas son admiration. Les oeuvres du photographe et réalisateur bruxellois ont fait le tour du monde – c’est à lui que l’on doit Beyoncé en pietà. Pas de quoi pour autant lui faire oublier que le mot » zen » clôture l’abécédaire qui, sur son site Web, cerne l’âme du studio 254Forest. Aux cotés de » friends » et » fashion » à la lettre F, » fluidité » pourrait en être un autre, on sent dans leurs échanges que le tandem – ajoutez-leur Pierre Daras au stylisme – n’en est pas à son coup d’essai. Toute suggestion de l’un à l’autre est bonne à prendre, ces deux-là parlent le même langage, celui de l’excellence.
» J’ai toujours adoré l’image, se souvient Peter Philips. Adolescent déjà, je feuilletais des magazines, je regardais des films mettant en scène des actrices iconiques. C’est ce qui, je pense, m’a amené vers la mode. A l’époque, dans la Belgique des années 80, rien ne me paraissait plus utopique et plus fou que d’entrer à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers ! Je n’imaginais même pas que l’on pouvait gagner sa vie en maquillant. » C’est en travaillant en backstage comme étudiant pour les créateurs belges, lors des shows à Paris, qu’il découvre un univers qui d’un seul coup le séduit. Très vite, sa décision est prise, maquilleur il sera donc, même s’il ne voit pas immédiatement comment annoncer la chose à ses parents. » Quand j’y pense a posteriori, c’est sans doute le choix le plus audacieux que j’ai fait dans ma vie, reconnaît-il. Même si sur le moment cela me semblait aller de soi, une fois que j’ai eu mon diplôme en poche. »
Une formation qu’il ne regrette certainement pas, lui qui, lorsqu’il officie en coulisses des défilés, n’aime rien tant que de se mettre au service des créateurs. Ceux de Dior, bien sûr, son ami Raf Simons d’abord, et Maria Grazia Chiuri aujourd’hui, sans oublier Karl Lagerfeld qu’il retrouve toujours, chez Fendi, après l’avoir accompagné pendant sept ans chez Chanel, Dries Van Noten évidemment, qui l’avait repéré lors de son jury, et puis le Britannique Kim Jones, le duo néerlandais Viktor & Rolf, la liste est longue… Ajoutez à tout cela le shooting des campagnes en compagnie des égéries de la maison – inutile de l’interroger, il ne vous dira pas qui de Bella (Hadid), Natalie (Portman) ou Jennifer (Lawrence) est sa préférée -, les réunions avec les chercheurs des labos, qu’il prend plaisir à challenger et les éditoriaux qu’il signe aux quatre coins du monde, un simple regard au fil de son compte Instagram suffit à donner le tournis.
L’audace, la vraie
» Le plus grand risque dans la vie serait à mon sens de ne jamais en prendre, pointe-t-il tout en soulignant, au millimètre près, la ligne déjà parfaite des sourcils de son modèle. De cette manière, vous pouvez être certain qu’il ne vous arrivera jamais rien. Un excès d’audace peut mener parfois à des erreurs de jugement… Mais cela peut aussi devenir le point de départ de quelque chose de magnifique. L’avantage, en maquillage, c’est que tout s’efface en un clin d’oeil, ce n’est pas comme si j’étais tatoueur ! C’est le côté éphémère aussi qui procure du plaisir. Et c’est une bonne chose que cela puisse évoluer : le visage d’une femme change aussi avec le temps qui passe, son maquillage ne doit pas rester figé. »
Comme tous les » artisans » – c’est en ces termes d’ailleurs qu’il parle de son métier -, il se sait techniquement meilleur qu’il y a dix ans. Une dextérité en constante progression qui le rend audacieux, autrement… » Lorsque l’on maîtrise moins, on se réfugie peut-être davantage dans les extrêmes, précise-t-il. Des détails plus fins, plus subtils, comme ces entrelacs de cercles de couleurs que j’ai dessinés aux coins des yeux en écho aux pois sur le foulard qui entoure son visage, je n’avais peut-être pas le coup de main, plus jeune, pour le faire, en tout cas pas pour le faire bien. »
Un peu comme ces mandalas voués à la destruction à peine terminés, il ne reste aujourd’hui de ces trois looks créés pour Le Vif Weekend, puis effacés dans la même journée, que ces images imprimées dans un magazine. Peut-être donneront-elles envie à celle qui le feuillette de s’en inspirer ? Ou simplement de s’émerveiller de la beauté du geste, on est si loin ici des diktats qu’imposent désormais les réseaux sociaux. » La vraie preuve d’audace parfois, c’est de savoir dire non, conclut Peter Philips. C’est essentiel. Savoir aussi que le non d’aujourd’hui, s’il n’est pas amer, peut devenir le oui de demain si l’on en a envie. » On ne peut qu’être ravis d’avoir fait avec lui ce joli bout ce chemin.
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Maquillage et conception : Peter Philips, directeur de la création et de l’image du make-up Dior p>
Production : Rebecca Cuglietta – Stylisme : Pierre Daras p>
Photographe : Pierre Debusschere – Assistant photographe : Sam Hearn p>
Manucure : Eva De Keersmaeker – Assistantes maquillage : Elodie Barrat et Estelle Jaillet p>
Mannequin : Maya @ RebelManagement p>
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