Edgar Kosma
C’est quand le futur?
Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.
J’ai toujours trouvé bizarre ce moment où, pour la première fois, je dois écrire une nouvelle année. Cette fois-ci, c’est arrivé en lisant, approuvant, signant et datant un nouveau contrat: j’ai écrit le jour, puis le mois et j’ai ensuite dû me concentrer plus fort pour sortir ce 2, ce 0, ce 2 suivi de ce 3.
2023: si ces quatre chiffres mis côte à côte ne vous inspirent pas des images du futur, sincèrement, je ne sais pas ce qu’il vous faut, parce que, l’air de rien, c’est quand même le plus loin où on est jamais allé dans la longue histoire du temps et nous sommes même déjà huit ans après le futur de Retour vers le futur.
Retour vers le passé: quand j’étais enfant, dans les années 80, j’aurais été bien en peine d’imaginer le monde d’aujourd’hui tel qu’il est devenu. Si j’avais été obligé de faire l’exercice, je crois que, comme la plupart de mes camarades, j’aurais dessiné des voitures volantes, des costumes argentés auto-respirants et des robots aide-ménagers aussi courtois qu’efficaces. Quelles analyses en tirer près de quarante ans plus tard? A priori, il nous semble difficile d’imaginer librement le futur, tant nos imaginaires personnel et collectif sont conditionnés par la littérature et les films de science-fiction, eux-mêmes profondément colonisés par le rapport à la technique et aux technologies.
‘Le progrès espéré n’est pas au rendez-vous, du moins pas comme nous l’imaginions.’
2023: force est de constater que les voitures ne volent toujours pas au-dessus de nos villes. Que les villes sont encore chauffées au gaz, quand ce n’est pas carrément un retour au charbon. Et qu’on en est seulement à commencer à interdire les vieux moteurs diesel et à planifier la sortie des autres moteurs thermiques pour la prochaine décennie. La plus grande révolution en matière de mobilité serait peut-être à trouver du côté de l’électrification des moteurs. Pour autant que cette électricité soit verte, car si elle reste produite à partir d’énergies fossiles, n’est-ce pas là un simple transfert d’essence (et je ne parle pas philosophie) qui fait que le futur ressemble de plus en plus au passé?
Même si on entend souvent parler de voiture autonome ou du futur, les véhicules que nous conduisons en 2023, même électriques, restent, pour l’extrême majorité d’entre nous, assez semblables à ceux d’avant: nous devons toujours faire le plein, changer les pneus, faire l’entretien et ils se conduisent encore avec des pédales, un bon vieux levier de vitesse et un volant que certains décorent encore parfois de fourrure.
Le même constat pourrait être dressé pour les avions qui, même si l’on réserve son billet en ligne et plus en agence, volent toujours au kérosène. Ils ne sont d’ailleurs pas plus rapides qu’avant et la seule différence est qu’on ne peut plus fumer à l’intérieur.
Toujours plus haut dans le ciel, nous sommes seulement en passe de retourner sur la Lune avec un vol habité alors que nous y avons déjà été il y a 54 ans. La nuance, c’est que cette fois, ce pourrait être dans l’optique d’une piste de lancement vers Mars. Oh wait, ai-je envie de dire, parce qu’une histoire pareille, ça ressemble assez fort aux mythes futuristes qu’on nous vendait dans les années 80, et on ne m’y reprendra pas deux fois à gober tout et n’importe quoi sans le voir.
Si le monde a connu de réelles transmutations, notamment en ce qui concerne les technologies de l’information, le progrès espéré n’est pas au rendez-vous, du moins pas comme nous l’imaginions: nous travaillons toujours cinq jours par semaine, nous n’avons pas de robot pour nous épauler et la plupart d’entre nous, et certains plus que d’autres, souffrent de charge mentale et de burn-out.
A tel point qu’en 2023, plutôt que de nous déplacer dans des voitures volantes, c’est carrément la confiance dans cette idée de progrès qui s’est érodée. Nous a-t-elle quittés à jamais? Et si c’étaient les intelligences artificielles qui, en écrivant les futurs grands récits de S-F à notre place, parvenaient à nous rendre foi dans l’avenir? Ne bougez pas, je vais demander à l’assistant virtuel ChatGPT comment il voit le monde en 2063 et je vous reviens.
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