Alexandre Mazzia, l’ancien basketteur élevé au Congo devenu chef triplement étoilé
Il fourre le chocolat d’anguille fumée et relève le sorbet de framboise à l’harissa: le nouveau chef triple étoilé Alexandre Mazzia bouleverse les papilles avec sa cuisine aux associations improbables entre les produits du terroir marseillais et les saveurs d’Afrique de son enfance.
En attendant la réouverture avec 3 macarons Michelin de son restaurant AM, on peut accéder à l’univers du chef, l’un des plus actifs et créatifs pendant la crise sanitaire, via son food truck à Marseille où il se voit comme « un marchand de bijoux culinaires » avec un panier repas à 24 euros.
Cet ancien basketteur de 44 ans, en veste de cuisine noire, connaît une ascension fulgurante dès l’ouverture en 2014 du AM, caché dans un quartier résidentiel du sud de Marseille, 22 couverts avec un décor minimaliste et ouvert sur les cuisines.
Auréolé d’une étoile Michelin, il est consacré cuisinier de l’année 2019 par Gault et Millau pour ses assiettes audacieuses: les oeufs de truite sont servis dans du lait fumé avec des noisettes torréfiées, la semoule à la fleur d’oranger est relevée avec du wasabi et les petits pains au charbon se mangent avec du beurre au combava. Avant de passer au dessert, on avale une cuillerée de framboise-harissa pour nettoyer les papilles. Une deuxième étoile Michelin suit dans la foulée, et il est le seul chef à rejoindre en 2021 le club des triple étoilés, la plus prestigieuse distinction.
« C’est une table qui vous transporte, elle est très singulière et se distingue par beaucoup d’aspects » commente pour l’AFP Gwendal Poullennec, directeur du guide Michelin.
« On ne sort pas indemne de chez Alexandre Mazzia: 10% pleurent d’émotion, 10% détestent, 80% aiment ou adorent », résumait il y a quelques années à l’AFP Côme de Chérisey, à l’époque président du Gault&Millau, qui a récompensé le chef.
Cagette et camionnette
Quand tombe le premier confinement, Alexandre Mazzia endosse son rôle de père de famille et cuisine pour ses deux enfants des plats simples mais avec son inimitable twist qui change tout – en rajoutant par exemple du café et du kumquat dans les lentilles- et partage ses recettes.
« L’idée c’est de ne pas subir ce confinement, de garder la tête hors de l’eau, d’entretenir la passion, comme un entraînement, même si le match est différent »
Très vite, il revient aux fourneaux de son restaurant pour remonter le moral à son équipe et ses fournisseurs et « retrouver une certaine dynamique physique et intellectuelle qu’on n’a pas à la maison ».
Il prépare des « cagettes » de 65 à 105 euros mixant des produits bruts et des créations réalisées avec les arrivages de la semaine, rillettes de denti au poivre et fenouil ou tiramisu au curry, fraises et sarrasin.
Vient ensuite le food-truck « Michel » en hommage à son grand père, pêcheur de l’île de Ré. Le succès et immédiat.
« L’idée c’est de ne pas subir ce confinement, de garder la tête hors de l’eau, d’entretenir la passion, comme un entraînement, même si le match est différent », insiste Alexandre Mazzia qui promet de garder cette formule après la réouverture du AM.
Son restaurant, il le dirige aussi comme « un capitaine d’équipe » sportive qu’il avait été et dont le rôle est d' »être proche de ses joueurs, à l’écoute, encourager à se dépasser soi-même ».
Enfance en Afrique
Alexandre Mazzia est né et a grandi à Pointe-Noire au Congo avant de faire le tour du monde, puis se poser à Marseille, dont il dit que « la luminosité » est indispensable à ses créations, qui font exploser les couleurs à l’image de sa biscotte à fleurs. De ses 15 ans au Congo, il retient « les épices et le piment, colonne vertébrale » de sa cuisine qui viennent apporter du peps à la douceur du lait et aux textures délicates évoquant les saveurs d’enfance.
« J’avais des propositions de palaces, mais il y avait toujours un compromis à faire « fais pas ci, fais pas ça, c’est trop minimaliste, tu vas trop loin ». Cela allait à l’encontre de ce que je voulais donner », a-t-il raconté à l’AFP.
Il n’y a presque pas de viande, les plats sont peu salés mais assaisonnés avec plus de 200 épices, comme le poivre de Sarawak ou la baie de goji. Le chef travaille avec des maraîchers en permaculture ou des pêcheurs qui tuent le poisson avec la technique japonaise de l’ikejime qui sublime le goût.
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