GASTRONOMIE | Les grands restaurants d’Europe en mode survie
Institution madrilène connue pour ses pommes de terre soufflées, le Zalacain n’a pas survécu à la pandémie, illustration d’une haute gastronomie qui souffre partout en Europe et fait tout pour éviter le pire.
« On a fait l’impossible » mais cela n’a pas suffi, déplore Carmen Gonzalez, directrice du Zalacain. Premier restaurant à avoir obtenu trois étoiles Michelin en Espagne avant de les perdre en 2015, le restaurant a définitivement éteint ses fourneaux en novembre après près d’un demi-siècle d’existence. Une issue similaire à celle d’autres grands restaurants en Europe comme les deux étoiles The Greenhouse et The Ledbury à Londres qui ont fermé en juin après le premier confinement.
Et « si (la crise sanitaire) continue en 2021, il sera très difficile pour le secteur de survivre », a récemment mis en garde dans un entretien à l’AFP Mauro Colagreco, le célèbre chef argentin triplement étoilé du Mirazur à Menton (sud-est de la France), qui comme les autres chefs en France ne pourra rouvrir son restaurant que le 20 janvier au plus tôt.
Un grand restaurant « est souvent le projet d’une vie », reconnaît le directeur des guides Michelin, Gwendal Poullennec, selon qui seulement 15% à 20% des restaurants gastronomiques sont ouverts actuellement en Europe en raison des restrictions ou des difficultés économiques. Le nombre de fermetures définitives en 2020 reste en revanche pour le moment « comparable aux années précédentes », assure-t-il, tout en soulignant que les restaurants européens, très dépendants des touristes internationaux, ont été bien plus touchés que ceux d’Asie par exemple, où « la clientèle locale porte la restauration ».
« La crise est énorme »
Barbe et cheveux poivre et sel, le chef madrilène Paco Roncero travaille des palourdes auxquelles il ajoute « une touche de café » dans les cuisines de sa « Terraza del Casino », deux étoiles dominant le centre de la capitale espagnole.
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« Nous sommes une profession super importante pour la survie d’un pays comme le nôtre qui est en premier lieu touristique. Si nous mourons tous, que restera-t-il ? », souligne le chef de 51 ans, qui a dû supprimer plusieurs menus pour sauver sa trésorerie face à une activité réduite de 70% par rapport à l’an dernier.
Cette crise révèle également une « bulle » de la haute gastronomie: « Quand vous voyez comment l’offre s’est agrandie sur les 15 dernières années, je ne crois pas que le nombre de gourmets ait autant grandi ».
Resté fermé de longs mois, Claude Bosi, chef français du Bibendum, deux étoiles londonien, estime pour sa part avoir eu la chance que son propriétaire accepte de baisser le loyer du restaurant et que les banques acceptent de l’aider.
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Mais « cette année, malheureusement, va être une année perdue, on va relancer la machine et avec un peu de chance, on va faire une belle année l’année prochaine », espère-t-il.
Comme la plupart de ses confrères en Europe, Cristina Bowerman, cheffe du Glass Hostaria (une étoile) à Rome, a dû se résoudre à mettre une partie de son équipes au chômage technique. « Pour moi, la crise est énorme. Je gagnerai cette année environ 75% de moins », insiste cette cheffe de 54 ans aux cheveux teints en rose.
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Livraison de luxe
Alors, comme d’autres, elle s’est lancée dans les paniers repas pour tenter de limiter les pertes. Une « livraison de luxe » à 90 euros par personne, qui constitue une petite révolution pour la haute gastronomie. Paco Roncero s’y est mis aussi depuis septembre et estime que cela va « perdurer ». Mais pour sa consoeur espagnole Pepa Muñoz, présidente de la Fédération des associations de cuisiniers et pâtissiers d’Espagne (Facyre), cette formule « ne résout rien » car il y a déjà trop d’offre depuis le premier confinement.
En France, de grands chefs de Marseille (sud) ont même adopté le camion de restauration comme Alexandre Mazzia, doublement étoilé.
Ces tentatives pourraient aussi permettre à ces grands restaurants de séduire une clientèle plus locale.
Car selon l’expert gastronomique allemand Jörg Zipprick, la pandémie souligne l’erreur de certains chefs « qui à un moment donné se sont dit « (la clientèle locale) ne paie pas ce que nous demandons, on va miser sur le tourisme international » ».
Et cette crise, ajoute-t-il, révèle également une « bulle » de la haute gastronomie « comparable à la bulle immobilière de 2008 » : « quand vous voyez comment l’offre s’est agrandie sur les 15 dernières années, je ne crois pas que le nombre de gourmets ait autant grandi ».
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