Le vin rosé: jadis « piquette », aujourd’hui vin à succès

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Longtemps décrié, considéré comme un rouge dénaturé, le vin rosé reprend des couleurs. Gagnant en complexité, s’offrant pour certains le luxe de bien vieillir, et plébiscité dans le monde entier, il joue dorénavant dans la cour des grands.

Vilipendé, jadis qualifié de « petit vin de soif tout juste bon à siroter l’été avec des glaçons », le rosé a acquis ses lettres de noblesse. Certains, parmi ses plus virulents détracteurs, l’apprécient aujourd’hui comme un « vrai vin » n’hésitant pas à utiliser les termes élégance, finesse, suavité, rondeur ou complexité pour décrire ses vertus organoleptiques. Véritable vin de gastronomie, le rosé, cru estival par excellence, se boit désormais en toute saison et peut escorter tout un repas. Devenu très tendance (en vingt ans, sa consommation a presque triplé en France), il accompagne l’émergence de nouveaux styles de vie et rime avec convivialité, légèreté et découverte. Jouant la carte de la simplicité, il fait le bonheur des néophytes. Car, à l’inverse des rouges et des blancs, c’est un vin de plaisir qui n’exige aucune culture particulière pour être apprécié.

Dégustation mode d’emploi

Si le rosé se boit frais – entre 8 et 10 ° -, l’ajout de glaçons constitue un crime de lèse-majesté. Pour autant, il n’est pas interdit de rafraîchir une bouteille à l’aide d’un seau rempli de glace. Si certains rosés se savourent à l’apéritif avec quelques amuse-bouches, d’autres peuvent accompagner des mets plus élaborés, un fromage, voire un dessert. Aussi, se renseigner avant de choisir son vin, n’est-il pas superflu.(1) De par leur typicité et leur grande diversité aromatique, les rosés suggèrent quantité d’associations gourmandes. Un vin épicé et parfumé se boira avec des coquillages et des fruits de mer, sur des noix de saint-jacques aux agrumes ou un râble de lapin à la sauge. Un rosé vif et fruité se mariera divinement avec un foie gras, un bar grillé au fenouil ou une épaule d’agneau au thym. Tandis qu’un vin puissant et corsé sera idéal avec une soupe de poissons, une brouillade d’oursins, des filets de rougets marinés ou une bouillabaisse. Enfin, le rosé reste un partenaire de choix pour salades composées, charcuteries fines et grillades. Sans oublier son évidente complicité avec de très nombreuses spécialités orientales ou asiatiques.

Au-delà du phénomène de mode, la couleur doit son nouveau statut, en partie aux efforts accomplis par les vignerons des régions productrices. En matière de viticulture d’abord, avec une sélection parcellaire très rigoureuse, un encépagement mieux adapté, une salutaire limitation des rendements et bien sûr, une qualité sanitaire irréprochable de la vendange. Impérieuse nécessité pour prétendre élaborer de grands vins. Ces progrès sont également notables en cave, avec un pressurage haut de gamme, une excellente climatisation des chais ainsi qu’une maîtrise parfaite des températures de fermentation et d’élevage.

Le chant des sirènes du Dieu Rosé

Devant l’engouement planétaire qu’il suscite (sur trois bouteilles de rosé produites en France une est destinée à l’export), de nombreuses régions viticoles françaises se sont progressivement mises à l’heure du rosé. Qui n’est plus seulement l’apanage de la Provence, toujours leader dans l’Hexagone avec 90 % de ses volumes vinifiés en cette couleur et pas moins de 185 millions de bouteilles commercialisées l’an dernier. Outre la Loire, deuxième région fournisseur de rosé AOP (18 % de la production totale), la vallée du Rhône (12 %), le Bordelais (10 %), le Languedoc-Roussillon (9 %), et dans une moindre mesure, le Sud-Ouest et la Corse (2 % de la production totale chacun), ont, tour à tour, cédé au doux chant des sirènes. Avec succès comme l’attestent les derniers chiffres, éloquents, des ventes à l’export. Selon une enquête réalisée par le cabinet Wine Intelligence, la consommation mondiale s’élevait, en 2014, à près de 25 millions d’hectolitres, soit une hausse d’environ 20 % en douze ans. Aux États-Unis, premier pays importateur de rosé, on recense près de cent millions d’aficionados. La Belgique en compterait déjà plus de cinq millions. En France, 30 % des vins dégustés sont des rosés. Trois fois plus qu’en 1990. Enfin, ladite étude révèle que les femmes consommeraient plus de rosé – mais toujours avec modération – que la gent masculine. Preuve de l’incontestable pouvoir de séduction dudit breuvage !

(1) Lire Les Instants du rosé de Provence, paru chez Hachette Pratique. Un captivant recueil de recettes et de conseils prodigués par François Millo, directeur général du Conseil interprofessionnel des vins de Provence.

La sélection rosé de James Huet

Clos des Roses (côtes-de-provence)

La cuvée Dame de coeur a définitivement conquis le nôtre. Dominée par le grenache et additionnée de syrah, elle cumule tout ce qu’on attend d’un grand rosé. Un parfait équilibre entre fraîcheur et gras, beaucoup de fruits, une finesse incomparable et même une légère pointe d’exubérance. Au nez, un bouquet de violette et en bouche, de rafraîchissantes notes de litchi, lime et gariguette. Un régal sur une pissaladière, des linguines au homard ou des côtelettes d’agneau à l’ail doux. 15 euros.

À Fréjus (83370). www.clos-des-roses.com

Château des Estanilles (faugères)

Cet « Impertinent » porte bien son nom, tant il ne ressemble à aucun autre. Le nez révèle, tour à tour, petits fruits rouges, zestes d’orange et épices douces. La bouche, vive et franche, s’ouvre sur l’ananas, la mangue et le citron vert. Un superbe rosé, issu de l’agriculture biologique, à privilégier en apéritif avec quelques tapas puis au cours du repas avec des rillettes de crustacés, une bourride au safran ou un turbot grillé aux herbes. 10 euros.

À Cabrerolles (34804). www.chateau-estanilles.com

Vidal-Fleury (côtes-du-rhône)

Cinsault, syrah et grenache intègrent cet élégant cru rhodanien aux reflets saumon. Au nez, comme en bouche, s’entrecroisent moult parfums de baies rouges. Matière, rondeur et minéralité caractérisent ce vin gourmand et aérien. Idéal en début de repas, il épaulera sans faiblir une escabèche de rougets, des gambas et des pistes, des nems de crabe, une daurade royale en croûte de sel et même une tarte fine aux abricots. 6,35 euros.

À Tupin-et-Semons (69420). www.vidal-fleury.com

Château d’Aquéria (tavel)

Pas moins de sept cépages composent cette cuvée des Esperelles, créée par une des grandes propriétés de la célèbre appellation gardoise, terre de rosé exclusivement. Robe fuchsia, nez de fraise et de groseille, nuances poivrées, bouche alerte et finale légèrement citronnée, ce tavel profond et charnu est à boire sur une tielle sétoise, un gigot d’agneau rôti au four, un poulet tandoori ou à la sauce satay. 9,90 euros.

À Tavel (30126). www.aqueria.com

Château La Tour de By (médoc)

Ce 100 % cabernet-sauvignon ravira les amateurs de rosés de gastronomie. Des crus capables de tenir tout un repas sans renâcler, à l’image de ce vin de saignée, long et fruité, qui présente une belle palette aromatique : mara des bois, griotte, bonbon anglais, pomelo… Sans oublier des notes acidulées et mentholées. Une cuvée qui fera merveille sur un loup grillé à l’unilatéral, un risotto aux fruits de mer ou un clafoutis aux cerises. 6 euros.

À Bégadan (33340).

www.la-tour-de-by-com

Château Bélingard (bergerac)

Cabernet-sauvignon et merlot se complètent en cette cuvée issue pour moitié de jus d’égouttage et d’un pressurage direct, assorti d’une courte macération. Résultat : un vin dont le volume et la rondeur laissent pantois. Le vigneron recommande son rosé – qu’il qualifie de festif – à l’apéritif ou sur des mets assez relevés : langouste au paprika, rougets à la crème d’oursin… Les plats asiatiques seront aussi de solides compagnons de route. 5,85 euros.

À Pomport (24240). www.belingard.com

Patrice Colin (coteaux-du-vendômois)

La robe rose saumonée de ce « gris » Bodin n’est pas le seul attrait de ce vin bio. En effet, sa typicité provient à la fois du pineau d’Aunis, cépage ancien apportant une finesse sans égale, mais aussi des vignes quasi centenaires dont il est issu. D’où cette explosion en bouche avec des effluves d’abricot, de pêche de vigne, de poivre noir et d’épices. À savourer sur une moussaka, des rillons de porc au caramel ou une truite aux amandes. 7 euros.

À Thoré-la-Rochette (41100).

www.patrice-colin.fr

L’élaboration du rosé

Si les anthocyanes, pigments contenus dans la peau des raisins noirs, confèrent à un vin sa couleur, la durée de contact entre jus et pellicules, déterminera son intensité et son caractère. Intimité qu’il est crucial de parfaitement maîtriser. Il existe deux méthodes de vinification du rosé : la saignée et le pressurage direct. La première préconise une macération à froid de huit à vingt-quatre heures, selon la teinte recherchée. Étape des plus délicates, qui demande un réel tour de main. La saignée donne des rosés structurés aux robes soutenues et aux arômes très complexes. La seconde technique consiste à pressurer la vendange sitôt rentrée et à vite placer le jus en fermentation. Les vins qui en résultent sont fins, vifs et fruités.

Le vin rosé: jadis
© Centre de recherche et d’expérimentation du vin rosé

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