Moins de porc et de plus en plus de substituts végétaux dans la cuisine asiatique aussi

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Une pincée de piment, un ersatz de porc et quelques feuilles de basilic jetées dans un wok bouillant: le chef Songpol jure que sa version vegan du « pad kra phao » thaï est à la hauteur de l’original. En Asie du Sud-Est où la viande est reine, les protéines végétales font peu à peu leur apparition dans les assiettes.

« Ça a la texture et la saveur (du porc). Le reste est une question de technique », assure-t-il en officiant dans la cuisine du restaurant You & Mee à Bangkok.

Mais dans un pays aux talents culinaires reconnus et qui font la fierté de ses habitants, le chef admet qu’il sera difficile de convaincre certains clients avec sa recette alternative. « Ils ne s’attendent pas à trouver des substituts d’origine végétale dans des plats thaïlandais. »

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L’industrie agroalimentaire se livre à une compétition mondiale sur le nouveau marché des protéines alternatives, afin de capter des consommateurs de plus en plus nombreux à adopter un régime vegan, pour des raisons écologiques, morales ou sanitaires.

Ce marché pourrait peser 140 milliards de dollars d’ici à 10 ans, selon une étude de la banque Barclay’s. Preuve de l’appétit des investisseurs, l’action du producteur de steaks hachés sans boeuf Beyond Meat, cotée à 65 dollars lors de son introduction à Wall Street en mai dernier, vaut aujourd’hui autour de 150 dollars.

Aux Etats-Unis, des substituts de viande sont proposés dans les fast-foods et les produits laitiers végétaux connaissent un succès grandissant. Mais cette industrie des substituts à base de protéines végétales n’y représente qu’une infime part de l’agro-alimentaire et les groupes du secteur lorgnent désormais sur d’autres marchés de gros mangeurs de viande, comme l’Asie.

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Dans le pad kra phao du chef Songpol, le porc est remplacé par une concoction de petits pois, de champignons shiitake, de riz et de soja, une recette mise au point par un fabricant de Hong-Kong, Green Monday. « C’est conçu dès le départ pour de la cuisine asiatique », a affirmé à l’AFP le PDG David Yeung, même si changer les habitudes « est extrêmement difficile » dans une région où le porc est omniprésent dans les assiettes, accompagné de riz ou de nouilles.

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« Les Thaïs adorent leur viande »

En Thaïlande, deuxième pays d’Asie du Sud-Est où la marque teste ses produits après Singapour, le prix est aussi un frein. A la carte du You & Mee, le faux porc est proposé à 8 dollars l’assiette, riz compris, soit quatre fois plus cher que l’original servi dans les nombreuses cantines de rue de la ville.

Les bienfaits pour la santé de ces produits végétaux, souvent élaborés de façon industrielle, sont également mis en question par certains.

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Mais selon une étude du cabinet de marketing Mintel réalisée en 2018, plus de la moitié des Thaïlandais vivant en milieu urbain sont prêts à réduire leur consommation de viande. Ce potentiel pousse les entreprises asiatiques à « investir sérieusement » dans le secteur, analyse la nutritionniste du cabinet, Michelle Teodoro.

Du Japon aux Philippines, des producteurs de protéines alternatives ont été rachetés jusqu’à plusieurs centaines de millions de dollars, et à Singapour, l’entreprise publique Temasek Holdings a récemment investi dans un fabricant de crème glacée sans lait de vache.

Dans certains restaurants de Hanoï, au Vietnam, on trouve désormais une version au soja du ragoût de porc et d’escargots – une spécialité locale – ainsi que de faux « travers de porc » aigre-doux, à base de patate douce et de pâte de haricots.

Mais difficile de prédire si et quand le sud-est asiatique se mettra réellement à la « fausse » viande.

Pour Diane Piroon, une institutrice de maternelle de Bangkok qui a goûté le plat du chef Songpol, « au goût, on dirait du porc ». Mais « les Thaïs adorent leur viande… c’est un vrai pari de changer les recettes de leur enfance », avertit-t-elle.

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