Paz Levinson, sommelière hors pair, passée des lettres aux grands crus

Paz Levinson a abandonné l'enseignement des lettres pour la restauration en 2003, et s'est formée pour devenir sommelière. © AFP

L’Argentine Paz Levinson sillonne les continents pour dénicher les grands crus servis dans les restaurants de la cheffe Anne-Sophie Pic, un « rêve » pour cette ex-professeure de lettres, unique femme sommelière d’un trois étoiles en France.

Voilà cinq ans qu’elle a quitté Buenos Aires pour Paris et six mois qu’elle est entrée dans le tourbillon de la vie d’Anne-Sophie Pic, en devenant chef sommelière exécutive du groupe éponyme. « Avec elle, je découvre des mondes. Notre curiosité nous rapproche » dit Paz Levinson de sa patronne, dans un entretien à l’AFP.

Elle navigue entre quatre tables, concoctant la carte des vins du restaurant de Valence (Drôme) trois étoiles au Guide Michelin mais aussi celles de Paris, Lausanne et Londres. S’y ajoutera bientôt Singapour, dont l’hôtel Raffles accueillera une « Dame de Pic » début 2019.

« C’est très riche, mon travail me confronte à des situations variées, au côté d’équipes différentes. Chaque restaurant a ses besoins, ses clients ». « Aujourd’hui un trois étoiles est à la fois ancré dans un lieu et ouvert sur le monde entier: les gens ont envie de découvrir de nouvelles choses, un piment de Madagascar, un saké du Japon », dit-elle.

La carte des vins comprend 400 à 1.500 références et débute par des crus de la vallée du Rhône, dans le sud-est de la France d’où est originaire Anne-Sophie Pic, et se poursuit par des vins du monde qui « dialoguent » avec ceux-ci. Chaque bouteille « agrège un arôme différent » et la carte, très française à Paris et plus cosmopolite à Londres, doit « avoir la même complexité, être à la hauteur » des plats d’Anne-Sophie Pic, souligne Paz Levinson.

Cette femme de 40 ans aux airs juvéniles dont la modestie et les manières feutrées rappellent celles de la cheffe étoilée, fait aussi découvrir cocktails, sakés, thés et cafés. « Toutes les boissons, de chaque culture, de chaque pays, sont intéressantes » dit-elle.

– Succès fulgurant –

Originaire de Bariloche en Patagonie, Paz Levinson a abandonné l’enseignement des lettres pour la restauration en 2003, et s’est formée auprès de María Barrutia, qui a créé la première école de sommellerie du pays.

Avec un succès fulgurant: à deux reprises, en 2010 et 2014, elle décrochera le titre de meilleure sommelière d’Argentine.

En 2015, elle devient meilleure sommelière des Amériques, un an après avoir intégré le restaurant Epicure à l’hôtel Bristol à Paris, au côté du chef sommelier Marco Pelletier.

La carte des vins comprend 400 à 1.500 références.
La carte des vins comprend 400 à 1.500 références.© AFP

« Ce que je suis allée chercher chez Paz c’est son ouverture d’esprit, une certaine humilité, et une vision féminine du vin », dit Anne-Sophie Pic. « Dans le travail qu’elle fait au niveau des accords mets-vins, je sens la même intention que je peux avoir dans mon travail culinaire, une même recherche de perfection ».

Ces derniers mois, elle a visité des vignobles au Portugal, en Autriche, en Suisse, en Italie et en Argentine dont elle a rapporté un vin blanc « aromatique, complexe » de l’oenologue Susana Balbo, qui a « beaucoup plu ».

Si Paz Levinson fait découvrir des « vins du Nouveau monde », elle affiche aussi un goût certain pour les « Madeira: les Verdelho, les Sercial ». « Elle est très Riesling aussi, elle cherche beaucoup l’acidité, la fraîcheur, sur les vins », dit Anne-Sophie Pic.

Les deux complices se sont rencontrées en collaborant au documentaire « A la recherche des femmes chefs » de Vérane Frédiani, sorti en salles en juillet 2017. Six mois plus tard, Anne-Sophie Pic créait son poste au sein d’un groupe qui fait 17 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 250 salariés, à 85% des femmes.

Il est arrivé que des clients, surpris de voir « une femme étrangère leur vendre un vin français », réclament un homme, dit-elle en souriant, sans trace d’amertume.

Dans un monde encore très masculin, elle a terminé quatrième au concours 2016 de meilleur sommelier du monde, où il n’y avait que quatre femmes sur 61 participants, « mais trois dans le Top 5 », se réjouit-elle. « Je pense qu’une femme gagnera un jour ».

Si elle ne tentera pas sa chance l’an prochain en Belgique, peut-être gagnera-t-elle en 2022.

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