Yannick Van Aeken : du Noma (Copenhague) à Humphrey (Bruxelles)
L’ex-sous-chef du Noma, adresse danoise des plus réputées, a ouvert un restaurant au coeur de Bruxelles, avec le sommelier Glen Ramaekers. Le concept d’Humphrey : le « sharing is caring », soit le partage des plats.
« Je choisis volontiers des produits locaux, mais je ne m’en vante pas, sinon je devrais bannir l’avocat ! »
Il n’aura pas dû attendre longtemps pour toucher les étoiles. A peine diplômé de l’école hôtelière Ter Duinen, à Coxyde, Yannick Van Aeken (30 ans) est engagé comme chef de partie au Noma, à Copenhague, un établissement qui se classe parmi les meilleurs au monde. Hormis une interruption d’un an pour officier à l’Etxebarri, une adresse basque connue pour servir les plus savoureuses grillades de la planète, le jeune homme passe six ans aux côtés du maître danois des fourneaux, René Redzepi, dont plus de trois comme sous-chef. Il participe à diverses aventures de tables éphémères – en Irlande, au Japon et même chez nous, à Heist-op-den-Berg – et collabore temporairement avec un groupe d’entrepreneurs pour la réaffectation d’une partie du domaine Hof ter Linden, à Edegem. C’est alors qu’il décide de reprendre son destin en main et de s’installer à son compte, dans notre capitale. Humphrey voit le jour, en collaboration avec son ami et partenaire, le sommelier Glen Ramaekers, et prend place dans les locaux du distributeur de disques Pias.
« Tout tourne autour de la liberté et du partage de la bonne chère, dans une atmosphère décontractée »
» Je suis resté longtemps au Noma car là-bas, tout changeait d’une année à l’autre, tant l’atmosphère que la manière de penser, raconte Yannick. Les innovations étaient incessantes, c’était captivant. De plus, l’ambiance de travail était bonne. René Redzepi est quelqu’un d’amical. Mais ici, nous faisons davantage ce qu’il nous plaît. Tout tourne autour de la liberté et du partage de la bonne chère, dans une atmosphère décontractée. Le concept, accessible à un large public, nous permet de mitonner des produits variés à l’envi.
Je n’ai pas l’intention de cuisiner comme à Copenhague. Ce n’est pas mon style, et de plus, ce n’est pas faisable. Là-bas, ils ont cinquante personnes en coulisses, ce qui leur permet de bosser intensivement et de proposer des menus exceptionnels. » Comme les gens aiment toujours comparer, le chef a l’impression que cette expérience scandinave est plus un handicap qu’un avantage. » Je veux suivre ma propre voie « , lance-t-il. Et de proposer des mets aux influences philippines. Après le tsunami, l’homme s’est en effet rendu trois fois dans ce pays pour des événements caritatifs, mais aussi pour y faire du tourisme. Glen Ramaekers est par ailleurs originaire de là-bas.
Évolution constante
La décoration intérieure, conçue par Frédéric Nicolay, un ami du propriétaire des lieux, se veut elle aussi relax. Un comptoir où l’on peut manger a été installé devant la cuisine ouverte.
De son propre aveu, Yannick a du mal à faire entrer le style culinaire du Humphrey dans une case particulière. » J’opte un maximum pour des produits durables et écologiques, mais il ne s’agit pas d’un restaurant » bio « . Dans la mesure du possible, je privilégie le local, mais je ne m’en vante pas, sinon je devrais bannir l’avocat ! Je veux utiliser les ingrédients qui me plaisent et je rechercherai toujours les fournisseurs adéquats. Mon style continuera aussi à évoluer. Le goût prime mais cela n’exclut en rien les surprises : on peut par exemple présenter quelque chose de classique d’une autre manière, ou promouvoir un produit inconnu. » Aux Philippines, il a découvert le plaisir de partager son repas avec les convives. La table se recouvre de mets et chacun se sert selon ses envies – » Cela crée une atmosphère cool qui me tient à coeur. » C’est pourquoi la carte se compose d’une vingtaine de petites préparations qui arrivent directement sur la table et sont destinées à être mises en commun. Ces propositions sont réparties en cinq profils gustatifs différents. De plus, il y a toujours quatre bières maison, provenant de petites brasseries en exclusivité pour l’endroit.
Humphrey, 36-38, rue Saint-Laurent, à 1000 Bruxelles. www.humphreyrestaurant.com
Pour 4 personnes
8 côtes de boeuf copieuses, 1 bouteille de whisky (Johnnie Walker Black Label ou Talisker Storm), 2 l de jus de betterave rouge (bio), 1 anis étoilé, 1 botte d’oseille, un peu de tourbe séchée.
Mariner les côtes de boeuf 12 heures dans le whisky.
Réduire le jus de betterave rouge avec l’anis étoilé jusqu’à 500 ml.
Laver l’oseille.
Au barbecue, colorer et griller à feu doux les côtes marinées. Jeter de temps en temps de la tourbe sur le charbon de bois pour donner un goût fumé à la viande. Retirer la viande du gril lorsqu’elle est sur le point de se détacher de l’os. Laquer les côtes avec le jus de betterave réduit. Servir avec une touffe d’oseille.
Le « casual dining » est très tendance en ce moment : on va au restaurant, mais sans s’embarrasser de l’étiquette, et on ose par exemple faire tourner les assiettes. Le partage de la nourriture suscite des sentiments d’intimité et de confiance propices au resserrement des liens. Dans les sociétés orientales, une tradition séculaire veut que les mets préparés soient placés au milieu de la table pour être goûtés par le plus grand nombre de convives. Chez nous aussi, de jeunes chefs optent de plus en plus pour cette formule. Parmi eux, ceux du Vos à Gand (www.vos.gent) ou encore du Racines (www.racinesbruxelles.com) et du Crab Club à Bruxelles (www.facebook.com/pages/Crab-club-Bruxelles). p>
Pour 4 personnes
600 g de choux de Bruxelles, 12 huîtres, 2 échalotes bananes, 1 botte de persil plat, vinaigre de pomme, 800 g de moelle fumée (ou 8 tranches de lard de Colonnata), huile, sel.
Laver les choux de Bruxelles, retirer 4 à 6 feuilles extérieures et réserver. Couper les choux en deux dans le sens de la longueur.
Eplucher les échalotes et les couper en morceaux de 2 à 3 mm. Effeuiller le persil, le laver, le sécher et le hacher finement.
Ouvrir les huîtres sur un plat pour ne pas perdre leur jus. Filtrer le jus et le réserver au réfrigérateur. Rincer les huîtres et les mettre dans un bol.
Dorer brièvement les moitiés de choux de Bruxelles dans une poêle préchauffée avec un peu d’huile jusqu’à ce qu’elles soient al dente. Saler.
Chauffer le jus d’huître à 80-85 °C dans un poêlon. Couper les huîtres en trois et les pocher 25 à 30 secondes dans leur jus. Finir avec l’échalote et le persil émincés et assaisonner de vinaigre de pomme.
Mettre les choux cuits dans un saladier. Les napper de sauce avec les huîtres pochées par-dessus et garnir de feuilles de choux de Bruxelles crues. Finir avec la moelle chaude ou quelques tranches de lard.
Pour 4 personnes
2 homards crus de 450 g, 200 g de crème fraîche, 1 bergamote, 50 g de thé au jasmin en vrac, fleurs de jasmin, jus de citron, sel marin.
Porter à ébullition 4 l d’eau avec 40 g de thé au jasmin. Y faire cuire les queues de homard 20 secondes, les retirer du thé, les plonger dans de l’eau glacée pendant 5 minutes pour les refroidir. Retirer la carapace et le tube digestif. Déposer les queues de homard sur un plat et laisser au congélateur pendant 8 à 10 heures pour briser toutes les fibres.
Râper le zeste de bergamote et réserver. En presser le jus.
Mélanger la crème fraîche au reste de feuilles de thé au jasmin. Assaisonner de 1 à 2 c à c de jus de citron et de sel.
Laisser décongeler les queues à moitié, les couper en deux dans le sens de la longueur. Déposer les morceaux entre deux feuilles de papier sulfurisé et abaisser jusqu’à 3 à 4 mm d’épaisseur avec le fond d’un poêlon. Placer les queues de homard crue aplaties dans un récipient rond ou sur une feuille de bananier. Assaisonner d’un peu de sel marin, de zeste de bergamote et d’un filet de jus. Napper de crème au jasmin onctueuse et garnir de fleurs de jasmin.
(*) Le kinilaw est un plat philippin à base de poisson ou de viande crue, à l’image du ceviche d’Amérique latine.
Par Pieter Van Doveren / Photos : Kris Vlegels.
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