Dans cet appartement, la symétrie est ici essentielle. La table a été conçue par les architectes Linsen et Van Diest. © Jan Verlinde

A Anvers, un appartement Art déco pensé comme une galerie d’exposition

Stany Janssen est l’homme qui a rendu Versace célèbre en Belgique. Dans son appartement d’inspiration Art déco à Anvers, il vit au milieu d’arts africain et moderne, dans un ensemble épuré qui a peu de choses à voir avec la marque italienne.

22 juillet 1997. Ce mardi-là, les funérailles de Gianni Versace entrent dans l’histoire de la mode. Le Dôme de Milan est bondé de membres de la famille, de têtes couronnées, de mannequins et de célébrités, dont Naomi Campbell, Sting et Elton John. Stany Janssen et son mari Jan Verschuere, importateurs de Versace et, jusqu’en 1999, propriétaires de toutes les boutiques de la griffe en Belgique, sont parmi les rares Belges invités.

«J’étais assis deux rangs derrière Lady Diana, qui allait mourir moins d’un mois plus tard à la suite d’un accident de voiture, raconte notre compatriote. Mon mari et moi connaissions très bien Gianni et son frère Santo, le PDG de la maison.

Stany Janssen © Jan Verlinde

Dans les années 70, nous tenions un magasin multimarque à Anvers, qui vendait des labels italiens pour lesquels Gianni Versace, alors inconnu, créait des vêtements. Nous avons vraiment cru en son talent.»

Versace en Belgique

Aussi, lorsque l’Italien lance sa propre ligne, en 1978, le couple est tout de suite intéressé par l’ouverture d’un magasin à Bruxelles. Le succès est tel que des enseignes sont inaugurées à Anvers, Courtrai et Knokke. «Nous avons assisté à la forte croissance de cette marque, se souvient Stany. Il y avait même une boutique pour Versace Home, la ligne de déco qlancée en 1992 – l’une des toutes premières griffes de mode à le faire. D’un point de vue esthétique, ce n’était pas notre style, c’était trop voyant, mais il y avait un public pour cela chez nous.»

Pour Stany, tout change au cours de l’été 1997. Alors qu’il se trouve au bureau de Versace avec son mari pour acheter les prochaines collections, le téléphone sonne. Gianni n’est pas là, il est dans sa maison de campagne à Miami. C’est sa secrétaire qui décroche. «Elle était dans tous ses états, se remémore notre interlocuteur. C’est ainsi que nous avons appris la nouvelle du meurtre.»

Sur les socles en travertin de l’entrée, les sculptures sont régulièrement changées. © Jan Verlinde

Après l’enterrement, le frère de Gianni garantit que la continuité sera assurée par sa sœur Donatella, en tant que directrice de la création. «Mais pour nous, l’entreprise était trop liée à notre amitié avec Gianni. En 1999, nous avons décidé de vendre les boutiques. Versace les a reprises, y compris le personnel», termine Stany.

Art déco vs art africain

Si le tandem a bien réussi en affaires avec Versace, leurs habitations privées, elles, n’ont toutefois rien de la marque en termes de style. Leur ancienne villa, conçue par l’architecte Claire Bataille, était minimaliste avec des accents Art déco. Et le dernier appartement de Stany, dessiné par Steven Van Diest et Nico Linsen, est lui aussi beaucoup plus Art déco qu’inspiré par la griffe italienne.

Des meubles d’Eric Schmitt, de Lina Bo Bardi et de Serrurier-Bovy dialoguent avec de l’art africain. Une œuvre de Michel Mouffe est accrochée dans l’alcôve. © Jan Verlinde

«Ma collection d’art africain s’avère le point de départ, explique l’habitant. J’ai beaucoup voyagé sur ce continent et j’en ai rapporté masques, bronzes et céramiques. Dans mon ancien appartement, j’avais peu de vitrines pour exposer ces pièces. Ici, je voulais que l’on puisse en voir le plus possible.»

L’âge de pierre

Plus encore, Stany aime vivre avec sa collection de manière dynamique. L’entrée est même spécialement conçue comme une galerie, et non comme un long couloir à traverser le plus rapidement possible – «Des socles accueillent les œuvres que nous changeons régulièrement. C’est ainsi que la collection prend vie.» Du travertin sablé recouvre le sol, par analogie avec la façade de l’immeuble dans lequel Stany a acheté à l’époque son logement casco.

Les architectes ont utilisé du marbre en plinthe et pour la cuisine notamment, en clin d’œil à l’Art déco. © Jan Verlinde

Le marbre donne également le ton dans la cuisine, la salle de bains et le salon, bordant les étagères et recouvrant les plinthes. «Les installateurs de Van Den Weghe ont dû transporter le plan de travail de la cuisine jusqu’ici avec dix hommes, s’amuse le propriétaire. Je ne m’y attendais pas mais c’est l’endroit où mes invités s’installent, lorsque j’organise un dîner.»

La salle de bains en marbre est un chef-d’œuvre de Van Den Weghe. © Jan Verlinde

Table en cuir

Bien que Stany Janssen ait accumulé un grand nombre d’œuvres, de meubles et d’objets au cours des dernières décennies, il souhaitait repartir quasiment de zéro pour décorer son nouvel intérieur. Il n’a ainsi gardé que quelques pièces: deux chaises de Jean-Michel Frank, une table ronde de Gustave Serrurier-Bovy et un tabouret Art déco.

De son ancien intérieur, Stany n’a pas gardé grand-chose, sauf ce tabouret Art déco. © Jan Verlinde

La lampe de table en albâtre, par exemple, il l’a trouvée chez Hervé Van der Straeten, la chaise Lina Bo Bardi chez Boris Vervoordt, les chaises de salle à manger Nelson chez Dries Vanlandschoote et la table basse chez Eric Schmitt. Steven Van Diest et Nico Linsen ont eux conçus la table de salle à manger carrée sur mesure. Le pied et la base sont en bronze, du cuir italien, traité pour résister aux taches, recouvre le plateau.

Ce qui frappe d’emblée dans cet endroit, c’est le haut niveau de finition et la richesse des matériaux. Ce n’est qu’en second lieu que la symétrie attire l’attention. Les architectes ont même ajouté une fausse colonne et une poutre de plafond pour que l’ensemble ait l’air parfaitement orthogonal.

Afin d’alterner intimité et ouverture, des panneaux pivotants séparent la bibliothèque de la chambre à coucher. © Jan Verlinde

«Grâce à ce pilier supplémentaire, le coin salon est visuellement mieux séparé de la salle à manger. Ma chambre à coucher possède également une cloison symétrique de ce type, mais avec des panneaux pivotants que je peux ouvrir ou fermer. L’appartement se veut en fait une grande suite d’hôtel pour moi et ma collection», conclut-il.


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