Biarritz: la légendaire villa Magnan
Après près de quatre-vingts ans passés dans l’oubli, une villa aux couleurs pastel se réveille d’un profond sommeil. Enfant, la défunte reine Fabiola en a parcouru les jardins. Aujourd’hui, il est possible d’y passer des vacances dans un cadre enchanteur qui fait fondre Instagram.
Si l’on ne sait pas ce qui se cache derrière le portail envahi par la végétation, l’on pourrait facilement passer à côté de cette merveille. Un camouflage qui explique peut-être pourquoi la Villa Magnan est restée si longtemps le secret le mieux gardé de Biarritz. En trompant les passants, elle a réussi à préserver ses trésors Art déco pendant quatre-vingts ans. Mais est-ce vraiment un hasard? « Les plans de l’architecte, qui se trouvaient dans le grenier, comprenaient une aquarelle du portail, conçu comme une fausse ruine », raconte Anne Israël, qui y vit aujourd’hui avec Jérôme, son compagnon. Ensemble, ils y ont créé une pension de famille, comme ils préfèrent l’appeler. « Je pense même que les pierres ont été récupérées autre part pour arriver à ce résultat. »
Le contraste ne fait que contribuer à l’effet de surprise. Car une fois les portes en bois franchies, un petit paradis estival vous accueille. Bien caché entre un lac et l’océan Atlantique, un parc de trois hectares avec des arbres centenaires, dans lequel divers animaux se promènent librement, s’ouvre à vous. Le territoire de Popo le poney, Hector l’âne, Johnny le bélier, Oona le chien et d’un groupe de poules et d’oies. Ces hôtes aiment rendre visite aux habitants de la maison, y compris aux invités, pour le plus grand bonheur d’Instagram. « Ils font partie intégrante de la Villa Magnan. Les terrains sont si grands que nous avons besoin de leur aide pour les entretenir. C’est quand même mieux qu’un troupeau de tondeuses, non? »
Comme Eugénie
Au milieu du parc s’élève une villa de 1 400 m2 qu’Anne appelle affectueusement La Princesse. Deux escaliers en pierre à l’allure impériale mènent à une terrasse sur laquelle donnent des fenêtres paradisiaques, enrichissant le parc de dizaines de tableaux vivants.
Biarritz regorge de belles demeures. Avant que la ville ne devienne le repaire des surfeurs, l’impératrice Eugénie en avait fait sa destination de vacances préférée, entraînant dans son sillage l’élite française du XIXe siècle, qui prenait plaisir à construire de splendides maisons de vacances. « Jusqu’aux années 60, c’était le lieu de rencontre estival par excellence des artistes, des intellectuels et des couturiers. Mais ce morceau d’histoire semble avoir été effacé de la mémoire collective », explique Anne. La Parisienne, qui a passé de nombreux étés à Biarritz, s’est donné une mission: « Recréer un peu de cette atmosphère de conte de fées. »
Je voulais créer une ambiance familiale, comme dans la maison de ma grand-mère. Artistique, libre et chic à la fois.
La recherche de la propriété a toutefois été compliquée. Découragée par les nombreux endroits décevants qu’elle a visités, elle a même jeté l’éponge. Jusqu’à ce que, deux ans plus tard, elle reçoive l’appel d’un agent immobilier qui lui avait déjà fait visiter une propriété. Il avait une pépite pouvant correspondre à ses exigences.
Un peu d’aristocratie
« J’ai été littéralement époustouflée », se souvient Anne à propos de sa première visite de la villa. Pendant des années, son travail de styliste et de décoratrice de plateau de cinéma l’a conduite dans des endroits impressionnants. « Mais là, c’était différent. J’avais l’impression d’avoir été transportée à une autre époque. Visconti aurait pu y tourner un film. » Avec son compagnon Jérôme, elle a tout quitté – ses biens à Paris, ses enfants déjà adultes, ses amis, sa famille et son travail – pour acheter la Villa Magnan au neveu de la défunte reine Fabiola. Les parents de celle-ci, le marquis de Casa Riera et son épouse Blanca de Aragon y Carrillo de Albornoz, l’avaient fait construire entre 1927 et 1931 comme maison de vacances, dessinée par l’architecte Louis Amédée Aragon. Ils y ont finalement trouvé refuge avec leurs enfants pendant cinq ans, alors que la tension politique montait dans leur pays d’origine, l’Espagne.
Son cachet raffiné et aristocratique n’a pas changé, malgré des décennies à l’abandon. Un miracle que La Princesse doit à sa structure en béton, une première à l’époque. Les salles de bains avec mosaïque Art déco sont restées pratiquement intactes, tout comme les parquets à chevrons et les murs rose poudré du hall d’entrée et de la grande salle. Anne attribue la palette de tons pastel bleus, verts, jaunes et orange – comme les couleurs du ciel tout au long de la journée – au créateur Cristobal Balenciaga. « Il était proche de la marquise de Casa Riera, qui l’a soutenu financièrement. L’actuel musée Balenciaga appartenait également à la famille. Selon moi, ces tons témoignent de leur respect mutuel et de leur élégance. »
Secret bien gardé
Plus loin dans le parc se trouvent trois résidences de style néo-basque, auparavant réservées au personnel, dont les six chambres peuvent accueillir les invités. La conciergerie, la maison du chauffeur et celle du jardinier. « Ces bâtiments nous ont donné du fil à retordre, explique la propriétaire. Les toits, les fenêtres, tout tombait en ruine. » Les archives de l’architecte, dans lesquelles étaient conservés des croquis, des codes de couleur, des échantillons de tissus et d’autres matériaux, ont servi de base à la reconstruction, qui a duré un an et demi. Anne a meublé les pièces de la même manière qu’elle a imaginé les décors de films pour le lauréat de la Palme d’or Michael Haneke, en parcourant les marchés aux puces et les magasins d’antiquités. Selon ses envies, sans style particulier, en mélangeant objets intrigants et oeuvres d’art. « Je voulais créer une ambiance familiale, comme dans la maison de ma grand-mère. Artistique, libre et chic à la fois. Hors du temps, de la ville, de la norme… »
Bien que la Villa Magnan ouvre de temps en temps ses portes au monde extérieur lors de petits événements artistiques tels que des spectacles de danse et des soirées cinéma en plein air, elle conserve sa part de mystère. L’adresse exacte ne vous sera communiquée que si vous réservez un séjour. La Villa Magnan n’est ni une maison de vacances ni un hôtel, mais avant tout un lieu de rêve qu’Anne et Jérôme Israël ont réussi à créer pour eux et une poignée de chanceux.
La durée minimum d’un séjour à la Villa Magnan est de deux nuitées. Les prix varient entre 250 et 380 euros par nuit, petit-déjeuner dans la grande cuisine ou sur la terrasse de La Princesse inclus. Réservation uniquement par Instagram @villamagnan.
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