Si elle baigne depuis toujours dans la mode, son cœur bat aussi pour le design. Carolina Castiglioni, héritière de Marni, lance une collection déco pour Serax.
N’essayez pas de la cantonner au seul univers de la mode: «Le week-end, vous me trouverez plus souvent sur un marché aux puces ou dans une foire d’art que dans les boutiques», lâche-t-elle dès le début de notre entretien. Fille des fondateurs de Marni, Carolina Castiglioni vient d’une lignée qui a travaillé avec les plus grands en Italie. Son arrière-grand-mère dirigeait Ciwifurs, un atelier de cuir et de fourrure qui avait pour clients Prada et Moschino.
Comme bon sang ne saurait mentir, après treize ans passés dans la maison familiale, où elle dessina notamment des collections enfant, elle fonde en 2018 sa propre marque: Plan C. Une aventure à laquelle participent son père et son frère, pendant que sa mère profite d’une «retraite bien méritée».
Les collections Plan C sont à la fois ludiques et avant-gardistes, masculines et féminines, avec des couleurs expressives, des volumes sculpturaux et des coupes oversize. «Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas les couleurs ou les formes prises séparément, mais la manière de les associer. La magie naît du mélange, et plus c’est inattendu, plus c’est réussi.»
Entre le Memphis et le Bauhaus
On se retrouve dans son appartement milanais qu’elle partage avec ses adolescents Filippo et Margherita. Là aussi, elle décline sa philosophie éclectique. Les pièces aux couleurs vives regorgent de trésors vintage. «Comme je vous l’ai dit, j’adore chiner, s’enthousiasme-t-elle. Mercanteinfiera, la célèbre foire aux antiquaires de Parme, est mon rendez-vous favori. J’achète souvent des vases et de la vaisselle, mais récemment, j’ai craqué pour le fauteuil Oriolo de Claudio Salocchi, en velours brique. En ce moment, je suis obsédée par les années 1970 et 1980.»
S’y sont ajoutés quelques éléments plus récents: chandeliers, vases et bougies parfumées qu’elle a dessinés pour la maison belge Serax. «La mode est mon métier, mais l’intérieur et le design sont mes passions, insiste-t-elle. J’aime être chez moi et j’éprouve un vrai plaisir à aménager mon espace.» Elle n’a donc pas hésité longtemps quand Serax l’a sollicitée. Elle planche même déjà sur une seconde collection – d’assiettes et de verres – prévue pour l’an prochain.
La magie naît du mélange, et plus c’est inattendu, plus c’est réussi.
Carolina Castiglioni
«Cette première ligne s’inspire de la forme des réservoirs d’eau industriels que j’avais remarqués en Islande lors de vacances en camping-car avec ma famille, précise la créatrice. J’y voyais une esthétique très Bauhaus.» La collection porte le nom de Silos. «Mais il n’y a jamais qu’une seule source d’inspiration, renchérit-elle. Ici, j’ai mêlé les tanks industriels avec l’esprit du mouvement Memphis.»
Cette collection colorée n’est pas la première incursion de Carolina Castiglioni dans le design. Chez Marni, elle s’occupait déjà des projets spéciaux. En 2012, elle avait présenté au Salone del Mobile une collection de chaises flashy en PVC recyclé, fabriquées par d’anciens détenus colombiens: un succès. Pour Plan C, elle a aussi créé des tapis en collaboration avec la marque française Trame Paris.
«Dès le départ, j’ai pensé Plan C comme un label lifestyle, avec un spectre plus large que celui de la mode. Nous avons donc tout de suite développé des chaussures et des sacs. Cette saison, nous ajouterons des bijoux et les objets Serax. Avec les bougies parfumées, je propose même une playlist Spotify, afin que ce soit une expérience complète.»
Une question de genre
La collection sera disponible dès mi-octobre, mais a été proposée en avant-première à Milan dans Plan C Frame, la première boutique physique de la marque, qui a ouvert récemment via Manzoni. «Plan C y occupe le devant de la scène, mais nous y proposons aussi d’autres marques de vêtements, les bijoux Aliita de ma belle-sœur, des magazines pointus… Chaque espace a sa propre atmosphère, ce qui permet d’offrir à chaque label une vitrine. Je m’étais promis de ne jamais ouvrir de boutiques, mais sous la forme d’un concept store, cela colle avec l’esprit de la marque.»
L’approche résume bien la personnalité de Castiglioni: tout est mené de façon personnelle et intime. «Tout ce que je crée pour Serax, je voudrais l’avoir chez moi, sourit-elle. Pareil pour mes collections: je ne peux pas concevoir quelque chose que je ne porterais pas. C’est ce qui a rendu si difficile le lancement d’une ligne homme. J’ai longtemps repoussé, mais la demande du marché japonais, crucial pour nous, a fini par me faire céder. J’ai trouvé une solution qui me convenait: transformer nos pièces féminines en vêtements masculins, en conservant tissus et coupes.»
Les Castiglioni n’ont plus aucun lien avec Marni depuis 2015, année où la maison a été rachetée par le groupe OTB de Renzo Rosso (Diesel). Mais on continue pourtant à les y associer. «Je comprends, concède-t-elle. Même pour Serax, le parallèle est tentant: la marque belge avait déjà collaboré avec Marni sur une ligne d’arts de la table et de vases.» Qui sait si, un jour, on ne mangera pas dans une assiette signée Meryll Rogge, l’actuelle directrice artistique – belge – de Marni.
Dès mi-octobre. De 40 à 165 euros. serax.com