Déco et design sans complexes et selon les envies

Un coin lecture, By Madeleine © Frédéric Raevens

Les temps changent, nos intérieurs aussi – et à une telle vitesse qu’il devient difficile de suivre le mouvement. Qu’à cela ne tienne, on vous propose justement d’oublier un moment les modes, tabous et prescriptions diverses pour suivre votre instinct et vos envies.

L’époque où les jeunes couples se faisaient offrir salon et salle à manger dans la foulée de leurs noces est bien révolue. Finis, les ensembles homogènes et bien assortis, has been aussi, le total look jusqu’à la nausée et les ambiances policées où la moindre intervention perso relève de la transgression. Bienvenue dans l’ère du mix and match, la faute à un tas de facteurs qui vont de l’essor de la seconde main à l’inépuisable vitalité du vintage, des enjeux environnementaux à la crise économique, sans oublier le désir bien légitime d’exprimer certains aspects de sa personnalité à travers ses habitudes de consommation, et donc l’agencement de son foyer.

CouleurCouleur
CouleurCouleur© Frédéric Raevens

Parfaitement intégrée par les jeunes générations, amenées à faire preuve d’inventivité avec peu de moyens, cette nouvelle donne suit aussi leurs parcours de vie, moins linéaires qu’auparavant, et se reflète dans le pêle-mêle 3D qui prédomine actuellement dans les séjours : mobilier de famille, récup’ et trouvailles chinées côtoient avec bonheur des pièces nettement plus design, voire aussi des oeuvres d’art ou l’une ou l’autre folie – trop chère, trop flashy, trop politiquement incorrect – sur lesquelles on aurait craqué. Et si cela peut ressembler parfois à un joyeux fourre-tout, tant pis. Ou tant mieux, peu importe : l’objectif n’est pas de verser dans le n’importe quoi par mépris pour la pondération ou le bon goût, mais juste à assumer ses préférences, à une époque où tout revient à la mode ou se ringardise en un clin d’oeil.

By Madeleine
By Madeleine© Frédéric Raevens

Si d’aventure l’envie vous prend de faire de l’aménagement intérieur un exercice plus personnel, commencez par éviter le ronron des visites aux grandes enseignes, un réflexe qui surgit trop souvent dès que l’on identifie un besoin labellisé « maison ». Restez curieux, ouvrez les yeux (et scrutez le Net !), des solutions existent et pourront faire vivre des créateurs pleins de talent, et ce tout près de chez nous. La preuve en trois temps, avec ce triple portrait regroupant des profils complémentaires mais très différents. Avec en prime, trois intérieurs décoincés, et le shopping qui va avec, pour vous inspirer !

Déco et design sans complexes et selon les envies
© Frédéric Raevens

Barbara Calonger: designer surcycleur

« C’est parti d’une envie de beauté, d’originalité et d’unicité. Je désirais arrêter ce postulat des meubles en série. » Voilà trois ans que Barbara Calonger, 28 ans, récupère du mobilier d’après-guerre pour le customiser.

Avant cela, elle suivait, le soir, des cours d’archi d’intérieur à Saint-Luc. La journée, elle imaginait des décors pour le cinéma. « Pendant trois ans, j’ai appris la gestion de l’espace et, en même temps, je me familiarisais aux aspects pratiques du grand écran. Je m’occupais de projets avec peu de budget et je me débrouillais avec des bouts de ficelle. Petit à petit, j’ai commencé à travailler la couleur, à remarquer des éléments d’ameublement qui traînaient. »

Depuis, elle ne s’est plus arrêtée et s’amuse à rendre singulières des pièces produites à la chaîne dans les années 50 et 60. Elle les restaure, les peint à la bombe et les agrémente de formes géométriques, préférant l’abstrait – « plus sensible et plus honnête » – au figuratif.

Et l’artiste, originaire de Charleroi, a trouvé une thérapie dans son activité. « Je n’avais pas du tout confiance en moi. Pour les premières réalisations, c’était la panique. Je craignais que les gens n’aiment pas et voient les défauts. Progressivement, avec le retour des clients, j’ai persévéré. »

Barbara vend ses créations sous l’enseigne By Madeleine, hommage à Proust. Nostalgique d’une époque qu’elle n’a pas connue, elle s’efforce d’intégrer le passé dans notre quotidien. Une manière de sensibiliser à la surconsommation : « On prend, on jette et on n’a plus du tout cet attachement aux objets. »

Son souhait ? Déplacer son atelier bruxellois à la campagne. Mais ce qui compte pour la jeune femme, c’est qu’elle soit en accord avec elle-même et avec ses valeurs. Que ce soit au coeur de la verdure ou du béton.

www.bymadeleine.be

Y.B.

Déco et design sans complexes et selon les envies
© Frédéric Raevens

Lucien Gilson: noir vif

Il n’est pas graffeur, il le précise d’entrée de jeu. Lucien Gilson est « peintre muraliste ». A la sortie du secondaire, il s’inscrit en graphisme à Saint-Luc, parce qu’il a envie « de faire quelque chose d’artistique ». Il y découvre le fusain, mais aussi la peinture… au point de décider de glisser dans cette section dont il sort diplômé en 2012.

Une première fresque pour le Coming Soon Shop, un magasin branché de Liège, et le voilà lancé – « Je suis entré dans la boutique et je leur ai proposé mes services, ce fut le point de départ… » Son frère le soutient en coulisses, il prend un pseudo, Noir, « pour se construire un univers » et, de bouche à oreille, réalise diverses oeuvres sur les parois de sa ville, dans des maisons un peu partout en Belgique, et même à Varsovie.

Ses créations sont imaginées sur mesure, après rencontre du client, mais toujours en noir et blanc – « Je n’exclus pas d’un jour intégrer quelques touches de doré ou d’une couleur, mais j’ai appris à dessiner avec un crayon graphite, j’ai découvert les dégradés que l’on pouvait faire et j’aime cette pureté. »

Chaque projet prend trois à six jours pour être finalisé et s’inspire des mangas, du street art mais aussi du baroque. « Les gens font appel à moi pour l’expérience d’abord, celle de voir un artiste faire naître une oeuvre chez soi, en live. Et ça donne un autre cachet que le papier peint ! »

Début 2016, il achève, à Bruxelles, une fresque dédiée à David Bowie, commanditée par Sony pour la sortie de son album. Et ce la veille de la mort du chanteur… Cette rentrée, il signe les étiquettes de la Black {C}, une bière brassée dans la Cité ardente, et exposera des dessins sur le thème de Disney à la galerie Mazel à Bruxelles, dès le 18 novembre prochain.

Son ambition : trouver un galeriste qui le représente aux Etats-Unis et en Asie.

www.noir-artist.com

F.BY.

Déco et design sans complexes et selon les envies
© Frédéric Raevens

Julie Hemelrijck: colour power

L’histoire est aussi inhabituelle que réjouissante : il y a trois ans, Julie Hemelrijck n’avait absolument jamais pratiqué l’activité dont elle vit à présent. Fraîchement installée à Bruxelles et assez peu pourvue en mobilier, elle reçoit un jour des sièges en mauvais état, qu’elle remet à neuf. Encouragée par le résultat, « pas mal, mais pas très pro », elle se prend au jeu, s’inscrit à des cours du soir, et cultive ce don inopiné pour le garnissage.

Une première chaise en appellant une autre, la famille et les copains se passent le mot tandis que la jeune femme devient indépendante à titre complémentaire puis, en janvier dernier, à temps plein. Au grand désespoir de ses parents, elle quitte son poste de product manager dans une grosse boîte, poursuit sa « passion sortie de nulle part » et se lance sous le nom CouleurCouleur.

Les commandes constituent 70 % de son boulot : il suffit d’une photo envoyée par mail, à laquelle elle répond par un devis gratuit. Aussi simple que ça, même si Julie doit aussi son succès à la qualité du service proposé. « Je préfère me déplacer avec mes échantillons, pour apprécier la lumière ambiante et l’esprit de mes clients. J’essaye de les pousser à faire preuve d’audace. Et ceux qui osent franchir le pas ne le regrettent pas. La technique n’est pas bon marché, donc autant marquer le coup, plutôt que de tout couvrir de beige », professe-t-elle en souriant.

Outre ces demandes particulières – voire très particulières, cabine de bateau, chaises de dentiste ou d’église – elle retape et revend des meubles chinés, pour laisser libre cours à ses envies « avec des tissus spéciaux, plein de couleurs, un peu tape-à-l’oeil. J’ai déjà eu de l’intérêt venant de New York, Londres ou Paris, mais peu de succès ici. Les gens trouvent ça trop flashy ».

www.couleurcouleur.com

M.N.

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