Qu’ont en commun des douilles en cuivre et une chute dans la poudreuse ? Le S22, nom officiel du chandelier Stoff Nagel. Cette icône du design des sixties s’est muée en un objet irrésistible, prisé par toutes les générations. On vous raconte sa petite histoire.
En 2024, le site d’enchères Catawiki notait une hausse remarquable du nombre de recherches. Par rapport à l’année précédente, les requêtes concernant le S22 ont bondi de 433 %. Chez Whoppah, 2ememain et les revendeurs de vintage, le chandelier part tout aussi vite : quand on repère un exemplaire abordable, mieux vaut éviter d’hésiter.
L’explication ? Le grand retour, dans nos intérieurs et sur nos tables, de tout ce qui brille : aluminium, acier chromé, cuivre argenté. Le S22 s’inscrit parfaitement dans cette tendance, même s’il n’a en réalité jamais tout à fait disparu. Son système modulaire permet d’empiler les éléments à l’infini pour créer, presque comme avec des Lego, sa propre sculpture. De quoi expliquer comment, décennie après décennie, le chandelier est resté un chouchou des férus d’art et de design.

Récolte de douilles
Le chandelier tripode, si reconnaissable, est lancé pour la première fois dans le Cologne des années 1960. Il assoit la réputation de la famille Nagel du jour au lendemain – une tournure inattendue pour un foyer qui, vingt ans plus tôt, a tout perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur ville natale n’est plus que ruines. Pour se reconstruire, les jeunes Hans Nagel et ses frères sont envoyés la nuit ramasser des douilles vides. Leur père transforme ce cuivre en cendriers, vases et chandeliers. Pas de doute: la fascination de Hans Nagel pour les beaux objets de table était inscrite dans les étoiles…
Une ambiance très Space Age
Au milieu des années 1960, Hans, alors âgé de 35 ans, dirige l’atelier de métal de son père. Il appartient à la scène design effervescente de Cologne, où se prépare aussi la première foire d’art au monde, la Kunstmarkt Köln. C’est là qu’il rencontre l’architecte Werner Stoff. Le courant passe immédiatement. Tous deux partagent une prédilection pour l’innovation et l’expérimentation. Ils échangent des idées, notamment une inspiration survenue à Nagel lors d’un séjour au ski.

« Il est tombé à la renverse, a amorti sa chute avec la main et a vu apparaître trois empreintes digitales parfaites dans la neige. Dans cette forme, il a vu un chandelier », raconte-t-on. Stoff traduit alors l’idée en un dessin : trois pieds, trois cavités, trois sphères. L’objet a quelque chose de futuriste, comme une mini-station spatiale… qui rappelle justement l’ambiance Space Age des sixties, pile au moment où le chandelier connaît ses débuts remarqués.

Fidèle à l’original
La production se poursuit jusqu’aux années 1980. En 2015, l’objet est relancé par la Danoise Bine Lind, qui fonde la marque de design Stoff Nagel. Elle reste fidèle au modèle original, permettant aux nouvelles versions de se combiner sans effort avec les pièces vintage. À une minuscule nuance près : dans les années 1960, une jointure visible traverse les éléments sphériques du chandelier. À l’époque, l’éliminer coûte trop cher. « Nous polissons la jointure, explique Lind. Ainsi, la réédition se rapproche en réalité encore davantage du design originel de Stoff et Nagel. »