A Anvers, un projet de rénovation rempli d’amour et de détails malins

Tombés en amour du lieu, Viki et Maxime ont adressé une véritable déclaration au propriétaire de cette maison de rangée moderniste, située à Anvers. Aujourd’hui, c’est la toile de fond de leur vie et de leur collection en constante évolution.

Dans la vie, certains se contraignent à écouter la voix de la raison et à tout 
(sur)penser avant d’agir. D’autres, en revanche, se laissent porter par leur intuition… pour un résultat parfois des plus surprenants.

C’est le cas de Viki Vleugels et son mari Maxime D’Hulst. Personne n’aurait pu prédire, il y a quelques années, que ce couple finirait par s’installer dans cette maison moderniste. Jusqu’en 2019, l’un comme l’autre possédaient à Anvers une boutique de meubles spécialisée dans le design du milieu du siècle. Elle, Die Firma, lui Studio Zoo.

Love story

Leur rencontre, ils la doivent à un lampadaire Ostuni rare que la première a vendu au second. De cette transaction naît une amitié qui se transforme petit à petit en grand amour. Viki rompt des fiançailles pour lui ; Maxime une longue relation.

On les croit alors fous ! Un an plus tard, ils tombent par hasard sur un espace de stockage vacant dans la Kloosterstraat, à Anvers. L’occasion rêvée pour fusionner leurs entreprises en un nouveau magasin, Modern Living. Les changements radicaux, sur un coup de tête ou presque, ne sont pas finis pour autant…

Au cours d’une de ses nombreuses promenades durant le confinement dû au Covid, le couple visite le Tentoonstellingswijk. Ce coin d’Anvers, situé entre Jan Van Rijswijcklaan, Jan de Voslei et le ring, a servi de décor à l’Expo universelle en 1930. Il s’est transformé en une vitrine de l’architecture belge, de l’entre-deux-guerres aux années 60, avec des œuvres de Léon Stynen, Eduard Van Steenbergen et Marc Appel, pour ne citer que quelques ténors.

Coup de foudre pour une maison

Lors de la balade, une maison de rangée attire l’attention du tandem : elle allie simplicité et caractère avec ses formes épurées, ses briques sombres et ses encadrements de fenêtres noirs. « Je m’apprêtais à sonner à la porte, raconte Maxime. Comme par hasard, quelqu’un venait de sortir. Il s’agissait de la petite amie du propriétaire. Nous étions là, masques sur la bouche, sous la pluie, à nous demander si cette maison était à vendre. Nous avons eu de la chance, il avait apparemment commencé à y penser récemment. »

Le soir même, le couple écrit au propriétaire une longue lettre – « dans toutes les langues que nous connaissions, car nous ne savions pas à qui nous nous adressions » – pour lui exprimer son amour pour cette maison dont il n’a vu que la façade. La missive fait mouche d’autant que le destinataire est lui-même collectionneur d’objets anciens.

« Donnez-moi cinq semaines pour y réfléchir et mettre un peu d’ordre », leur répond-il par téléphone à peine vingt-quatre heures plus tard. « Cela nous a paru une éternité, se souvient Viki. Même si nous n’avions pas vu l’intérieur, j’ai annulé toutes les autres visites immobilières que j’avais prévues. »

Une décision intuitive mais aussi évidemment risquée, d’autant que selon le journal ce quartier devenait chaud…

Les détails qui comptent

La suite, on la devine. « Nous avons eu de la chance : nous avons pu voir le bien avant que le propriétaire n’en parle autour de lui. L’habitation n’a jamais été mise en ligne et nous n’avons pas eu à participer à une guerre d’enchères dans laquelle nous aurions probablement perdu », se réjouit aujourd’hui Viki, soulagée.

Car derrière la façade qui les avait séduits se cachait exactement ce qu’ils espéraient : une grande maison familiale moderniste en bon état, quasi intacte et abordable.

Le bâtiment date de 1961 et est l’œuvre de Willem Michiels, élève de Léon Stynen. Comme chez cet architecte, la lumière naturelle joue un rôle important grâce à de grandes fenêtres et à des interventions astucieuses.

« Au lieu de construire le pilier central en briques jusqu’au dessus, l’architecte a opté pour une lucarne verticale qui apporte de la légèreté dans tous les sens du terme. Au-dessus des portes des chambres, des niches permettent à la lumière naturelle de pénétrer de tous les côtés. Ce sont des petits détails qui paraissent anodins mais qui apportent beaucoup à l’espace », observe Maxime.

Rénovation légère

« Le fait que la propriété ne soit pas signée par Stynen lui-même a peut-être été notre plus grande chance », poursuit Viki. Le bâtiment n’est en effet dès lors pas protégé et il a été possible de le remodeler.

La salle de bains du rez-de-chaussée avait été rénovée par l’ancien propriétaire dans une nuance de bleu que les modernistes auraient appréciée. Une couleur reprise aussi dans les armoires de la chambre à coucher qui donne sur le jardin.

Les modifications apportées par le couple ont également été minimes. L’ancien garage est devenu une pièce qui sert aujourd’hui d’atelier de tapisserie à Viki et à l’une de ses filles.

« La cuisine d’origine était toujours là, séparée du salon par un mur en lattes de bois, complète Maxime, qui a opté avec Viki pour un plan plus moderne. Ce qui était important, c’était que cela corresponde à l’esprit de l’époque. Le plan de travail en Mortex fait référence aux matériaux utilisés dans le bâtiment, et pour le bois des armoires de cuisine, nous avons scié l’ancienne cloison. »

Ecrin pour une collection

Après avoir vécu pendant des années dans ces maisons de ville typiquement anversoises, Maxime est heureux d’avoir trouvé cet écrin pour les meubles qu’il collectionne. Désormais, l’architecture du lieu reste stable mais l’intérieur est en constante évolution.

« En tant que marchand de vintage, on n’est pas trop attaché à son mobilier. Par exemple, la commode du salon devrait bientôt être retirée, tout comme la table Mario Bellini de la cuisine. J’étais pourtant convaincue qu’elle serait là pour toujours… », rigole Viki, son intuition lui soufflant qu’un autre objet trouvé sur son chemin conviendrait mieux.

Le carrelage d’origine de la cuisine a été remplacé par le même bois d’afzelia que celui de l’espace de vie, ce qui crée une belle continuité.