À Bruxelles, un hôtel de maître de 1908 s’est mué en un écrin familial bariolé. Une métamorphose audacieuse et raffinée, menée par l’architecte d’intérieur Kim Verbist, à qui les habitants ont accordé une liberté presque totale.
Dans les rues avoisinant le parc Tenbosch, à Ixelles, se déploie un mélange éclectique de joyaux où les façades raffinées de l’Art nouveau côtoient l’épure du modernisme. Pas étonnant que Kim Verbist soit tombée amoureuse du quartier. Depuis deux décennies, l’architecte d’intérieur y a rénové, et parfois habité, plusieurs perles du patrimoine. Son dernier projet: transformer un imposant hôtel de maître de style beaux-arts en une maison familiale fonctionnelle pour un jeune couple et leurs trois enfants, des propriétaires qui préfèrent rester anonymes.

À notre arrivée, Kim nous attend, accompagnée d’une amie commune des habitants, qui nous ouvre la porte. «Vous allez adorer, nous glisse-t-elle. Tout ce que Kim touche devient merveilleux. C’est une véritable magicienne.»

Plus-qu’imparfait
Bien que l’hôtel de maître fût encore en bon état, il nécessitait une attention particulière. «La priorité, c’était la structure, explique l’intéressée. La maison penchait légèrement, alors après plus de cent ans de tassements, nous avons dû redresser chaque étage.»

Puis vinrent les interventions énergétiques indispensables: nouvelles fenêtres, système de ventilation centralisé… tout en préservant au mieux les éléments d’origine. Lorsque certaines moulures du hall durent disparaître, Kim fit appel à un restaurateur afin d’en réaliser un moule et d’en replacer une réplique exacte. «Je déteste jeter et je tenais à préserver le charme authentique», précise-t-elle. Ainsi, plusieurs sols originaux subsistent, marqués par le temps et l’usage. «J’ai beaucoup apprécié la philosophie des propriétaires, l’essentiel pour eux n’était pas d’atteindre la perfection, mais de laisser transparaître la vie qui habite ces murs. J’adore cette mentalité.»
«Je déteste jeter et je tenais à préserver le charme authentique.»

Une place pour chacun
Les rénovations précédentes avaient rendu la distribution des espaces peu adaptée à une famille. Avec quelque 520 m² répartis sur sept niveaux, Kim devait résoudre une véritable énigme architecturale.

«Malgré son volume, la maison offrait peu d’espace de vie au rez-de-chaussée, ce qui posait problème pour un foyer de cinq personnes et une famille élargie aimant se réunir.» La solution? Métamorphoser l’ancienne cave en un bar convivial prolongé d’un coin salon, relié au séjour par un nouvel escalier.
Pour pallier le plafond en partie abaissé du salon, Kim a opté pour une solution inventive. Elle a substitué la partie inférieure d’un mur du demi-niveau par une cloison vitrée, permettant aux parents, depuis leur bureau vibrant de couleurs, de garder une vue dégagée sur l’ensemble.
La cuisine, quant à elle, a pris place à l’avant de la maison. «La maîtresse de maison adore cuisiner, de préférence entourée de ses enfants. Un îlot elliptique invite à s’y attabler et nous a permis de conserver la cheminée d’origine.» En supprimant l’ancienne porte de la cuisine – transformée en porte-vitrine pour le bar – elle a ouvert l’espace vers la salle à manger centrale.

L’applique murale provient de La Redoute.
«Dans un hôtel de maître, la pièce centrale pose souvent problème: espace de transition, on y installe généralement la table au milieu, contraignant toujours quelqu’un à tourner le dos à la porte, une disposition peu propice à la circulation.» La solution fut d’ajouter une banquette sur mesure, orientée vers l’îlot elliptique. «Avec une table ovale, la convivialité est au rendez-vous: chacun trouve facilement sa place.»
Oser la couleur
Résultat, un jeu d’ouvertures, de perspectives et de connexions, pensé sur mesure pour la famille, le tout baigné de couleurs vives. «À ce titre, c’est sans doute le projet le plus exaltant de ma carrière, se réjouit Kim. J’aime toujours travailler la couleur pour moi-même, mais chez les clients, c’est rare. Ce couple m’a dit d’emblée: «Kim, tout sauf du noir!»
«Il est rare que l’on me laisse jouer avec autant de couleurs. Mais pour cette famille, tout était permis sauf le noir.»

Au rez-de-chaussée, les tons de rose, rouge, bleu et vert s’entrelacent joyeusement, en contraste avec le parquet à chevrons d’originLie. Mais l’escalier recouvert d’un tapis rouge flamboyant mène, au premier étage, à une ambiance plus feutrée: vieux rose et vert émeraude dominent dans le dressing, la chambre et la salle de bains parentale.
«Je voulais y créer une atmosphère différente, intime, presque un cocon, explique Kim. En prolongeant la couleur des murs jusqu’au plafond, on obtient immédiatement une sensation enveloppante. Leur douche, intégralement habillée de zelliges, rappelle l’ambiance d’un hammam.»

Aux étages supérieurs se trouvent encore trois chambres d’enfant, une buanderie, la salle de bains des enfants, un grenier transformé en salle de jeux et une suite d’amis en mezzanine.
«Pour moi, c’est vraiment une maison de Fifi Brindacier, s’amuse Kim en redescendant. Chaque fois qu’on croit avoir tout vu, un nouvel étage apparaît. Repenser tous ces volumes a été un immense plaisir.»
Un hôtel de maître non seulement réhabilité, mais doté d’une nouvelle vie et d’une nouvelle histoire pleine de magie.
En bref: Kim Verbist
– Née à Anvers.
– Elle étudie l’architecture d’intérieur à La Cambre, Bruxelles.
– Elle fait ses débuts chez Saint-Gobain, producteur français de verre.
– Elle jouit d’une longue expérience comme architecte d’intérieur et consultante dans l’hôtellerie, notamment pour Marriott et Wyndham Hotels en Moldavie et au Kazakhstan.
– Elle aménage aussi bien des hôtels que des bureaux et des habitations privées.
@kimverbistinteriors, kim-verbist.com