En images: une maison d’artistes au coeur de Bruges

Une telle habitation nécessitait une déco colorée faite d'éléments dénichés de seconde main, mais aussi de pièces exclusives, comme la lampe de Jos Devriendt et la verrerie de Venini. © JAN VERLINDE

Voici vingt ans, le duo d’artistes Jacqy duVal jetait son dévolu sur une maison, au centre de Bruges, qui serait à la fois un lieu d’habitation et une source de créativité. Dans cet immeuble des années 40, le couple fait naître des surfaces géométriques colorées qui irradient grâce à la lumière du jour.

On ne peut pas dire que ce fut le coup de foudre. Entre eux oui, mais pas pour la maison. Boiseries en chêne massif, portes voûtées, volutes et bois sculpté: tout cela était aux antipodes du minimalisme, qui était en vogue à l’époque. Pourtant, Jacqueline Dehond et son mari, Koenraad Uyttendaele, ont été séduits par la taille de ce bâtiment des années 40 et la lumière abondante qui y pénétrait. « En fait, je connaissais déjà les lieux, raconte la propriétaire. Lorsque j’étais adolescente, j’ai souvent posé mon vélo contre cette façade. Une de mes amies habitait ici, mais à cet âge-là, on a d’autres préoccupations. J’ai donc vraiment dû redécouvrir la maison. Dans mes souvenirs, elle était plus petite. En tant que créatifs, nous recherchions un tel espace. Nous avons craqué pour la luminosité, et ce, en plein centre de Bruges. Mais nous avions aussi des réserves, car au milieu des années 90, tout le monde voulait du sobre. Nous, ce style Hollywood Regency (NDLR: allusions au style de l’âge d’or du cinéma hollywoodien) nous intriguait. »

Optimisme sur toile

Finalement, les artistes n’ont apporté que très peu de modifications à la demeure, pour la simple et bonne raison qu’ils n’en avaient pas les moyens. Jacqueline Dehond confie: « Maintenant, nous nous disons souvent: heureusement que nous n’avions pas l’argent à ce moment-là, car nous aurions peut-être dénaturé beaucoup d’éléments, notamment le hall d’entrée, que je trouvais démesuré. Initialement, nous voulions même supprimer la voûte beige du living qui reposait sur des piliers en chêne. Mais la maison nous faisait aussi fantasmer: une oeuvre d’art majestueuse, par exemple, offrirait un effet tout différent à cet immense vestibule. »

Le hall d'entrée spacieux, que le duo trouvait trop grand au début, l'a inspiré pour créer cette belle oeuvre d'art colorée.
Le hall d’entrée spacieux, que le duo trouvait trop grand au début, l’a inspiré pour créer cette belle oeuvre d’art colorée.© JAN VERLINDE

L’habitante rêvait d’une réalisation colorée signée Ellsworth Kelly. Faute de budget, son mari et elle se lancent dans la confection d’une oeuvre imposante, chargée d’optimisme. En 2010, ils décident de se produire en tant que duo d’artistes qu’ils baptisent « Jacqy duVal ». Leur première création est une commande de l’antiquaire Jean-Philippe Demeyer. Depuis lors, le couple s’est constitué un beau portfolio et compte parmi sa clientèle quelques grands noms qu’il tient secrets. Outre ses fresques murales, notamment pour le musée Dhondt-Dhaenens, la galerie Esther Verhaeghe et la Ville de Knokke, le tandem s’illustre surtout par ses peintures abstraites, géométriques et colorées.

Pour ses oeuvres géométriques, le couple utilise des pigments et des techniques anciens, afin d'obtenir des couleurs crayeuses qui semblent éclabousser la toile.
Pour ses oeuvres géométriques, le couple utilise des pigments et des techniques anciens, afin d’obtenir des couleurs crayeuses qui semblent éclabousser la toile.© JAN VERLINDE

« Aujourd’hui, de nombreuses oeuvres d’art expriment l’agitation psychique, avance la quinqua. Nos créations optimistes y sont diamétralement opposées. Ce choix n’est pas anodin. Koenraad et moi sommes férus d’art ancien, et cette passion se traduit en contemporanéité. Il nous tient à coeur d’injecter une part de sacralité dans chaque réalisation, notamment par le biais de la technique. En tant que restaurateur, mon époux a longtemps travaillé dans des bâtiments historiques où il a appris de nombreuses techniques anciennes. Comme nous voulons conférer un aspect mat et crayeux à nos créations, nous recourons à des pigments et à des méthodes permettant d’obtenir des couleurs qui semblent jaillir du tableau. De plus, nous préparons chaque toile à l’instar des maîtres du XVIe siècle. C’est un processus laborieux, mais j’aime l’idée que chaque oeuvre demande un grand respect des matériaux et de la technique, ainsi qu’une application particulière. »

Jacqueline et Koenraad ont acheté la maison à la fin des années 90, lorsque le minimalisme était à la mode. A l'époque, leurs proches trouvaient cette voûte, dans le salon, peu attrayante, d'autant qu'elle était peinte en beige et entourée d'armoires en chêne. Mais aujourd'hui, c'est devenu l'un des points forts de cet intérieur.
Jacqueline et Koenraad ont acheté la maison à la fin des années 90, lorsque le minimalisme était à la mode. A l’époque, leurs proches trouvaient cette voûte, dans le salon, peu attrayante, d’autant qu’elle était peinte en beige et entourée d’armoires en chêne. Mais aujourd’hui, c’est devenu l’un des points forts de cet intérieur.© JAN VERLINDE

Un exutoire

Quiconque travaille les pigments avec autant de passion ne rechigne pas à appliquer la couleur chez soi, comme en témoignent la salle à manger bleu mat, la chambre à coucher noire et l’espace télévision bleu électrique. En revanche, certaines pièces sont restées sobres, notamment le salon, dont la somptueuse voûte mérite le détour. La couleur est bien présente sur les murs, le Plexiglas rouge vif, les tentures et le papier peint à fleurs, les affiches bigarrées de Hockney, Warhol et Benoît Van Innis et, bien entendu, toutes les réalisations du couple. De plus, des accessoires et objets sont exposés presque partout dans l’habitation: de nombreux vases, des éléments en verre, des objets d’art oriental, islamique et africain, sans oublier les pièces chinées, dont certaines sont signées, notamment Paolo Venini et Seguso. « Une décoration chamarrée se prête à cette maison, déclare Jacqueline. Depuis que nous nous sommes lancés dans la création artistique, nous avons acheté peu d’oeuvres. Collectionner était notre exutoire. Maintenant que notre propre travail remplit ce rôle, nous sommes moins enclins à acquérir des opus. »

Pour cette salle à manger, Jacqueline a mélangé différents pigments jusqu'à obtenir ce bleu mat et patiné. Les murs et le plafond ont été peints dans cette teinte et offrent un beau contraste avec les sols et les portes authentiques en bois.
Pour cette salle à manger, Jacqueline a mélangé différents pigments jusqu’à obtenir ce bleu mat et patiné. Les murs et le plafond ont été peints dans cette teinte et offrent un beau contraste avec les sols et les portes authentiques en bois.© JAN VERLINDE

Le mobilier de collection est aussi un panachage de trouvailles bon marché et de pièces uniques. « Nous avons choisi chaque élément avec amour, souvent avec un petit budget, explique l’habitante. Un jour, un ami qui vendait des meubles vintage se séparait de son stock. Nous lui avons presque tout acheté. » C’est ainsi qu’ils possèdent des fauteuils imitation Bastiano, par exemple. Dans une ressourcerie, Jacqueline et Koenraad craquent pour un meuble TV qui coûte à peine 7,50 euros. Après quelques recherches, ils découvrent qu’il s’agit d’un Willy Rizzo, photographe de personnalités et designer italien. Mais ils ont aussi déniché quelques pièces particulières, comme des luminaires signés Jos Devriendt, deux tables en métal Maarten Van Severen, un fauteuil Bachelor Verner Panton d’époque, des chaises Eames, Jacobsen, Bertoia et Mies van der Rohe. « En matière d’art, mais aussi de beau mobilier, la règle d’or est la patience. Cela a parfois pour corollaire qu’une pièce reste dénudée. A présent, notre grande maison regorge d’éléments de décoration, mais c’est le fruit de trente ans de recherches. »

La salle de bains des années 40, avec son carrelage vert et ses lavabos typiques, est restée dans son jus. Seul le store fleuri est neuf et apporte du contraste et de la chaleur à la pièce.
La salle de bains des années 40, avec son carrelage vert et ses lavabos typiques, est restée dans son jus. Seul le store fleuri est neuf et apporte du contraste et de la chaleur à la pièce.© JAN VERLINDE

Même l’impressionnant hall d’entrée, que Jacqueline trouvait démesuré, ne semble plus vide, car il est habillé d’une imposante peinture réalisée par le duo: « Dès que le soleil pénètre dans la pièce, l’oeuvre se métamorphose. Selon la lumière, elle devient mystérieuse, joviale, voire intrigante. C’est exactement ce dont cet espace avait besoin. »

En bref: Jacqueline Dehond et Koenraad Uyttendaele

Jacqueline et Koenraad forment depuis 2010 le duo d'artistes Jacqy duVal. En arrière-plan, une partie de leur impressionnante collection de décorations en verre, d'art oriental, islamique et africain.
Jacqueline et Koenraad forment depuis 2010 le duo d’artistes Jacqy duVal. En arrière-plan, une partie de leur impressionnante collection de décorations en verre, d’art oriental, islamique et africain.© JAN VERLINDE

Ils se sont rencontrés à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers.

Koenraad (58) a longtemps travaillé en tant que restaurateur d’intérieurs historiques. Designer textile,

Jacqueline (55) a également oeuvré comme architecte d’intérieur.

Depuis 2010, ils forment le duo d’artistes Jacqy duVal, qui s’illustre par ses peintures abstraites géométriques colorées.

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