Pour concevoir sa maison de vacances au cœur de la forêt ibizienne, l’architecte d’intérieur Rodrigo Izquierdo a opéré un retour à l’essentiel, «où tout est évident».
En plein cœur d’Ibiza, quelque part entre Santa Gertrudis et San Rafael, une maison récemment rénovée scintille discrètement sous les frondaisons ondoyantes de la forêt alentour. Oubliez le cliché de la maison de vacances typique. C’est tout ce que Rodrigo Izquierdo voulait précisément éviter. Cet architecte d’intérieur originaire de Barcelone, installé à Milan depuis près de vingt ans, a travaillé pendant de longues années comme directeur artistique auprès de Patricia Urquiola, avant de fonder son propre studio en 2016. «On s’attend généralement à ce qu’une maison de vacances sur une île donne sur la mer. Ici, on est entouré d’arbres», explique-t-il. Sa passion pour Ibiza s’est nourrie d’années de séjours, à la fois personnels et professionnels. Lorsque, avec son partenaire, il a décidé d’y investir, il a immédiatement perçu la force du lieu. «Vous le voyez aussi? Les espaces ici baignent dans une lumière particulière.»
La Côte d’Azur version sixties
La rénovation, à première vue, semble discrète. La façade extérieure et les murs intérieurs d’origine ont été conservés, mais tout a été remis à neuf d’un point de vue technique: isolation, canalisations, électricité. Ce n’est qu’une fois l’intérieur complètement vidé qu’ils ont ressenti, de manière intuitive, ce dont la maison avait besoin. «Nous l’avons écoutée. Construite dans les années 1980, elle n’avait pas besoin de verser dans le cliché de la finca rustique d’Ibiza. Nous avons voulu aborder le projet comme l’auraient fait les architectes modernistes des années 1950 et 1960, en partant de la fonction comme essence.»
La maison n’étant pas située en bord de mer, ils ont également trouvé inapproprié d’utiliser les textures brutes et bohèmes souvent associées au littoral. Ici, à l’intérieur des terres, ils ont souhaité raconter une autre histoire, évoquant davantage l’élégance intemporelle de la côte ligure ou de la Côte d’Azur des sixties. Lumineux, géométrique, avec une palette typiquement méditerranéenne. «Ces couleurs primaires, nous les avons choisies en toute conscience. Pour nous, les vacances, c’est un retour à l’essentiel, à un lieu où tout est évident: un lit est un lit, un salon est un salon. Chaque chose a une fonction bien définie.»
La lumière par petites touches
Nichée dans une vallée, la maison est orientée au nord, avec ses côtés les plus longs tournés vers l’est et l’ouest. «La lumière naturelle est très importante pour moi. C’est pourquoi nous avons adapté certaines fenêtres et ouvertures afin d’en tirer le meilleur parti, précise Rodrigo. Mais ce qui rend cette maison vraiment spéciale, c’est le jeu d’ombres et de lumière filtrant à travers les arbres.
Dans le jardin, tout est mouvement. Je voulais prolonger cette sensation à l’intérieur. Les fenêtres laissent entrer cette variabilité extérieure: les ombres, les nuages, les frondaisons. L’orientation nord nous semblait d’abord un inconvénient, mais nous en avons fait un atout. Aujourd’hui, cette ambiance intérieure sublime l’expérience d’habitation.»
L’ossature architecturale est stricte et épurée, avec des volumes rectangulaires et des pièces fonctionnelles. Pour y insuffler chaleur et âme, Rodrigo a choisi comme revêtement de sol la pietra compattata, un matériau rustique italien. Des poutres en bois habillent les plafonds. Dans les salles de bains, des carreaux dans des tons caramel doux rappellent subtilement les années 1950 et 1960.
Tout est une question d’équilibre
Concevoir sa propre maison de vacances, un jeu d’enfant? «Au contraire, répond Rodrigo. Mais je suis satisfait. J’ai réussi à équilibrer budget, conscience et essence — les trois ingrédients d’un bon séjour. Je voulais m’entourer de belles choses, sans qu’elles ne s’imposent à moi. Et surtout, la maison nous ressemble. Beaucoup de couleurs et d’éléments décoratifs viennent de Milan, nous les avons simplement emportés avec nous. Il y a beaucoup de design, oui, mais sans aucune prétention. Tout est naturel.»
Refuge précieux pour prendre le temps
L’un des plus grands atouts d’une maison à la campagne, c’est qu’on peut en profiter toute l’année. En hiver, le feu de cheminée réchauffe les conversations avec les amis. L’été, quand l’île se mue en une vaste scène festive, elle devient un refuge précieux, un cocon intime sous les arbres.
Le coin lounge sur la terrasse est sans doute l’un des endroits préférés de Rodrigo. Les canapés en demi-lune invitent à la paresse. On s’y attarde des heures avec un livre, un verre ou simplement les mains vides. «Des amis s’y sont déjà endormis vers 11 heures du matin, bien avant l’heure du déjeuner, sourit Rodrigo. N’est-ce pas cela, les vraies vacances? Quand quelqu’un s’assoupit spontanément, sans même qu’il y ait eu de fête la veille, on sait qu’il est profondément détendu. Et ça, c’est le plus beau des compliments.»
EN BREF
Rodrigo Izquierdo
Architecte d’intérieur, il travaille depuis plus de vingt ans dans les domaines de l’accueil, du commerce et du résidentiel.
Diplômé de l’Eina à Barcelone, il a fait ses premières armes dans le studio de Sandra Tarruella et Isabel Lopez.
Il a travaillé douze ans comme directeur artistique auprès de Patricia Urquiola en Italie, supervisant de grands projets hôteliers pour Four Seasons et W Hotels.
Il dirige son propre studio depuis 2017, avec lequel il conçoit des intérieurs chaleureux et épurés, où le détail, la matière et l’expérience sont centraux.
rodrigoizquierdo.com @rodrigo_izquierdo_studio
Rodrigo Izquierdo
Valentina Sommariva / Living Inside
Texte: Anna Bisazza, Photos: Valentina Sommariva / Living Inside, Stylisme: Giulia Taglialatela