Visite d’un ancien atelier bruxellois transformé en maison lumineuse
A Bruxelles, cette ancienne fabrique, en intérieur d’îlot, a été transformée en une lumineuse maison pour une famille nombreuse. Les matériaux trouvés sur place ont servi de terreau fertile pour faire germer les idées de Bertrand, Eloïse et leur bureau d’architectes K2A.
En se baladant dans nos villes le nez en l’air, on repère bien souvent des pépites d’architecture, tant contemporaines que patrimoniales. Mais lorsqu’on s’immisce au cœur des îlots urbains, complètement cachés par les maisons des alentours, on découvre encore bien plus de merveilles. C’est en visitant pour ses beaux-parents un bien à Ixelles que Bertrand est ainsi tombé par hasard sur cette ancienne fabrique de moulure de cadres en bois, encore encombrée de ses machines séculaires. « Nous visitions le bâtiment mitoyen, se souvient-il. Et du jardin, nous avons aperçu cet atelier désaffecté. La personne âgée qui y avait travaillé habitait toujours devant et un jour, j’ai frappé chez elle. On m’a d’abord signifié que l’endroit n’était pas à vendre. Mais un peu plus tard, on me recontactait… »
Déjà rôdé à ce type de réaffectation, puisqu’habitant alors dans une ancienne parfumerie dissimulée au cœur du bâti bruxellois, Bertrand et son épouse Eloïse ont sauté sur l’occasion. « Nous adorons ce type d’implantation car c’est la campagne en ville. Le bruit des voitures ne nous atteint pas, nous sommes protégés de l’agitation. Et l’état désaffecté de l’endroit nous excitait plus qu’il ne nous rebutait. On aime ce genre de défi », explique le propriétaire.
Récup’ à tous les étages
Une fois ce lieu acquis, il ne restait plus qu’à redonner un souffle neuf à l’édifice industriel, sans gommer ce qui avait fait sa superbe dans le passé. C’est ainsi qu’une scieuse s’expose dans le jardin et qu’un tableau électrique a été conservé. Bertrand a ensuite répertorié et photographié tous les matériaux encore utilisables dans la friche et les a faits démonter et stocker sur place. La plupart des châssis et portes ont ainsi été gardés et replacés à l’intérieur, pour séparer les pièces. L’ancien comptoir du magasin de la fabrique fait, lui, office de dressoir dans le séjour. Et une vieille planche en bois a été upcyclée pour créer le bar côté cuisine. Des lampes ont aussi été réutilisées, tout comme les superbes vitraux, un héritage du grand-père du mouleur de cadre, spécialisé lui dans cet artisanat.
« Nous détestons jeter, nous essayons toujours de ne pas mettre dans un container de beaux matériaux que nous trouvons. Nous voulions travailler dans un esprit récup’ », insiste notre hôte. Et sa femme, qui adore chiner et passe le plus clair de son temps libre au marché aux puces de la place du Jeu de Balle, de compléter : «J’aime qu’il y ait une patine, une histoire. Ce n’est pas mon métier mais j’adore ramener des choses de brocante et les laisser dans leur jus. Je ne suis pas super bricoleuse, je prends des objets en état correct mais si les couleurs d’un tableau me plaisent mais qu’il est déchiré je le laisse comme ça. C’est pour moi une question d’esthétique. J’ai rarement, dans un magasin de déco, un flash sur des choses neuves. »
C’est d’ailleurs cette fan de seconde main qui a trouvé un jour une dizaine de portes en bois avec moulures, dans un container de chantier, à deux rues de chez eux, et qui a eu l’idée de les utiliser pour l’étage des chambres d’enfants. Pour compléter ce tableau vintage, le tandem, aidé de Federico Alegria du bureau d’architecture K2A, a néanmoins ajouté quelques éléments neufs, mais toujours dans ce registre rétro.
« Dès le départ, il y a eu un souci de maintenir l’âme de ce lieu qui était le travail de toute une vie de cet artisan, précise le concepteur. Les interventions ont été méticuleuses et on a essayé de travailler au maximum avec l’existant. Mais on a également réinjecté de nouveaux matériaux dans cette idée de ‘petite industrie en intérieur d’un îlot bruxellois’. » Des exemples ? Les sols en granito de la Maison Bernardin, spécialiste liégeois travaillant à l’ancienne, ou le parquet du salon, fait de planches de diverses tailles déjà patinées. Mais également la cuisine sur mesure, d’inspiration Cubex, et son plan de travail en étain. « Ce matériau se patine contrairement à l’Inox qui se griffe. Ça crée des nuages, si bien que ce plan de travail vit. C’est l’esprit du comptoir en zinc mais en non-nocif pour la santé », s’enthousiasme Bertrand.
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Ambiance loft
Côté programmation, le rez-de-chaussée de l’ancien atelier est cerné par un jardin de part et d’autre, et est occupé par les pièces de vie, divisées en diverses zones. «On est dans un style loft, avec l’idée de faire circuler au maximum la lumière et les flux d’une pièce à l’autre. Mais il y a plein de petits coins », résume Bertrand. Son épouse poursuit : « On vit beaucoup autour de la cuisine car pendant que l’un mange dans le coin déjeuner arrondi qu’on a aménagé, l’autre fait ses devoirs sur la table de salle à manger, un troisième regarde son téléphone vautré dans le divan ou cuisine tout simplement… »
Côté salon aussi, les habitants peuvent choisir entre celui des invités, qui bénéficient d’un agréable banc aux courbes douces en Mortex, ou le coin télé tout aussi cocon.Le premier étage est réservé, lui, aux trois enfants et le dernier aux parents, sous la charpente laissée apparente. L’escalier qui relie ces différents niveaux est lui aussi remarquable avec son garde-corps aux lignes organiques – un travail pas évident pour le menuisier qui l’a réalisé – et son puits de lumière qui apporte le soleil au centre du logis.
« Ce qui est délicat en intérieur d’îlot, c’est de réussir à avoir de la lumière tout en maintenant une certaine privacité, analyse Federico Alegria. Ici, on a joué avec des prises de lumière zénithales et un patio intérieur, autrefois couvert, qui permet d’avoir des espaces lumineux. » La blancheur des murs renforce cette sensation de soleil à l’intérieur. Et des touches de couleurs provenant du mobilier et d’œuvres d’art apportent, elles, de la gaieté. Une jolie renaissance.
EN BREF: K2A
Stéphane Kervyn et Federico Alegria se sont rencontrés lors d’un Erasmus à Barcelone. Ils ont tous deux été diplômés en 1998, l’un de l’Institut Victor Horta, l’autre de La Cambre.
Stéphane est parti à New York pour suivre un masters et son ami l’a suivi pour y travailler.
De retour en Belgique, ils ont fondé ensemble, en 2001, leur bureau d’architecture, K2A.
Leur studio, qui compte six collaborateurs, est aujourd’hui spécialisé essentiellement dans le résidentiel privé à Bruxelles.
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