Visite d’un pavillon près de Knokke où l’art règne en maître

pavillon knokke art
Le projet est atypique, avec deux toits de chaume et des auvents en surplomb. Entre les toits, se trouve L’Homme qui mesure les nuages de l’artiste Jan Fabre. © Tijs Vervecken

Pourquoi se contenter de les regarder quand on peut littéralement habiter entouré de chefs-d’œuvre? Dans cet élégant pavillon bordé par un magnifique jardin, l’art règne en maître.

Une architecture à la fois puissante et sobre, un intérieur chaleureux sans être banal, et un jardin à vivre: tel était le cahier des charges du maître d’ouvrage de cette maison ouest-flandrienne. Avec un élément essentiel souligné: les œuvres d’art devaient constituer la pièce maîtresse. Une sacrée mission pour l’architecte Hans Christian Demyttenaere, l’architecte d’intérieur Arjaan De Feyter et le paysagiste Dominique Eeman. C’est précisément en raison de cette singularité que le trio se remémore le projet avec enthousiasme. «Le propriétaire a grandi entouré d’art, avance Dominique Eeman. Pour lui, les chefs-d’œuvre font partie du quotidien. Il était donc primordial que nos conceptions n’occupent pas tout l’espace afin de laisser les œuvres primer.»

Les œuvres de Karel Appel et Gustaaf De Smet sont joliment encadrées dans l’armoire murale en chêne. Au premier plan, la Rainbow Table de Stijn D’Hondt et la chaise Basket Lounge de Gubi © Tijs Vervecken

De père en fils

Il y a quelques années, le maître d’ouvrage – qui souhaite rester anonyme – a eu l’opportunité d’acquérir le terrain adjacent à son domicile, près de Knokke. Un lieu que l’architecte Hans Christian Demyttenaere connaît très bien: «A la fin des années 1960, mon père y a construit notre maison familiale. Artiste constructiviste, il en avait fait une sorte d’œuvre d’art totale. C’était une demeure très spéciale, avec sept étages, entièrement ouverte de haut en bas. Elle n’était pas très fonctionnelle, il n’y avait aucune intimité, mais ce fut un cadre unique pour grandir. Mes parents y ont vécu toute leur vie. Mais même si c’était son œuvre ultime, mon père comprenait qu’elle n’avait plus d’avenir. Quand il est décédé à 93 ans, avec sa bénédiction, on a démoli la maison et vendu le terrain.»

Le nouveau projet fut en lien direct avec le passé du maître d’ouvrage. Son père était un collectionneur passionné, qui recevait régulièrement des artistes chez lui et possédait un vaste pavillon d’art dans son jardin. Le concept devait s’inscrire dans cette lignée: un lieu inspirant pour accueillir des invités, travailler ou simplement profiter de longues soirées à table, au bar ou près de la cheminée, le tout entouré d’œuvres magnifiques.

Le bar forme un rideau ondulant en pierre naturelle, une technique réalisée en collaboration avec Potier Stone et répétée sur l’un des murs. L’intérieur du bar est en Inox. © Tijs Vervecken

Une conception atypique

Le premier projet de l’architecte Hans Christian Demyttenaere a été immédiatement approuvé, à quelques détails près. «A ma grande surprise et pour mon plus grand bonheur, car il s’agit d’un design atypique, s’amuse l’architecte. Depuis au moins dix ans, j’avais en tête l’idée d’associer un toit de chaume à des auvents en porte-à-faux. Un élément visuel de caractère, mais coûteux. Toute la façade est par ailleurs revêtue de pierre naturelle.» La forme du bâtiment est tout aussi insolite: à gauche, un volume avec toiture, et à droite, une construction similaire perpendiculaire. Ces deux parties ont été volontairement séparées, ce qui crée un jeu de lignes intéressant mais réduit l’espace disponible.

La table en mousse d’aluminium est signée Stijn D’Hondt, les chaises sont de Cassina

Arjaan De Feyter a intégré l’architecture dans un concept global. Comme les fonctions des espaces n’étaient pas clairement délimitées, il a opté pour des formes arrondies, avec un bar occupant une place centrale. Les murs, réalisés en collaboration avec Potier Stone, forment une sorte de rideau ondulé en pierre naturelle. Autre pièce maîtresse: l’impressionnant escalier en acier bleu, qui s’enroule telle une sculpture. «Le propriétaire désirait une atmosphère intime plutôt qu’un cadre muséal, explique l’architecte d’intérieur. Le pavillon fait office de refuge après une longue journée. Les formes organiques permettent de délimiter les espaces en douceur. Bien que les différentes zones s’enchaînent, elles offrent un véritable sentiment de cocon.»

Les formes organiques permettent de délimiter les espaces en douceur. Bien que les différentes zones s’enchaînent, elles offrent un véritable sentiment de cocon.

Pour renforcer cette atmosphère, Arjaan De Feyter a opté pour des tons sombres: «Je ne voulais pas un énième intérieur beige crème. Dans les foires d’art, on observe souvent des espaces sombres pour mettre en valeur les œuvres. Cela m’a inspiré. De plus, l’association du brun foncé et du bleu nuit, combinée à une multitude de textures, crée une ambiance mystique, presque dramatique.»

Intérieur Black Luxe
Le projet est atypique, avec deux toits de chaume et des auvents en surplomb. Entre les toits, se trouve L’Homme qui mesure les nuages de l’artiste Jan Fabre. La sculpture Un mot en appelle un autre, elle, est signée Henk Visch. © Tijs Vervecken

L’architecture du plaisir

On pourrait être tenté de qualifier cet espace de «man cave» de luxe. «J’ai du mal avec ce terme, rétorque Arjaan De Feyter. C’est justement intéressant quand différentes identités s’y rencontrent, et dans la pratique, c’est cela qu’il se passe.» Hans Christian Demyttenaere renchérit: «En réalité, le mot «folly» convient mieux. Il qualifie une construction non conventionnelle ayant une fonction exclusivement décorative ou artistique. On parle parfois d’architecture du plaisir.» 

L’architecte de jardin Eeman a placé une douzaine de sculptures dans une scénographie captivante. Derrière les fauteuils Costela de Tacchini, on peut voir Open arms, une œuvre de Henk Visch.

Le plaisir réside notamment dans une impressionnante sélection d’artistes: Karel Appel, Arne Quinze, Bram Bogart, Roger Raveel, Constant Permeke, pour n’en citer que quelques-uns. Le propriétaire cherchait une approche plus contemporaine de l’art: il ne s’agissait pas seulement de l’observer, mais d’y vivre. A l’intérieur, bien sûr, mais surtout à l’extérieur. Le paysagiste Dominique Eeman a ainsi reçu une liste d’une dizaine de sculptures contemporaines, notamment de Rik Poot, Jean-Michel Folon et Henk Visch, et devait les intégrer dans une scénographie captivante. Malgré la notoriété des artistes et l’ampleur des œuvres, le maître d’ouvrage tenait à éviter toute ostentation. Le relief du jardin s’est révélé être un atout. «Ces différences de hauteur ont été déterminantes. Elles permettent une découverte progressive des œuvres.»

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Faire preuve de sobriété

La maison est entièrement construite en pierre naturelle couleur sable, y compris les terrasses et les sols intérieurs. Pour apporter du contraste, le paysagiste a misé sur des pavés de basalte noir pour les allées: «Je tenais à mettre en valeur l’architecture. Le noir tranche avec la pierre naturelle, et j’ai volontairement laissé les pavés se faufiler librement à travers le jardin et autour des sculptures. J’ai aussi opté pour une végétation sobre, avec principalement des graminées, des haies mixtes et quelques touches florales. C’est une sorte de toile de fond verte et discrète qui enveloppe le pavillon et les œuvres.»

Le chemin en pavés de basalte serpente entre les sculptures. La végétation se fait discrète afin que l’art et le pavillon retiennent toute l’attention. 

L’harmonie entre les créations du trio est totale. Le jardin sublime l’architecture, et chaque fenêtre cadre un tableau vivant. Rien n’est tapageur. Si les œuvres semblent presque cachées ou disposées de manière asymétrique, elles vous happent naturellement. Une interaction singulière qui n’est possible que si chaque élément est pensé comme un prolongement des autres. Ici, la frontière entre l’art et l’architecture est ténue. «Souvent, l’accent est mis sur la fonctionnalité et l’esthétique, conclut Arjaan De Feyter. Dans ce cas-ci, les limites sont plus floues. Les propriétaires, qui baignent dans le milieu artistique, comprennent l’importance d’un concept global. Cela aboutit à un résultat des plus épurés. Et il faut clairement du courage pour accorder une telle confiance.»

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