La maison du partage: une villa lasnoise rénovée dans un esprit arty et intemporel
A Lasne, cet élégant corps de logis a retrouvé un nouveau souffle grâce à l’intervention délicate et poétique de la décoratrice Caroline Notté. Un lieu en phase avec son jardin, où l’art occupe aussi une place de choix.
Ces deux-là se connaissent depuis longtemps. Et ça se voit. Quand l’une entame une phrase, l’autre la termine ; et sans arrêt, les deux femmes échangent, tout sourire, des anecdotes. Il y a quelques années, Sandrine Herkens a décidé de « remettre de l’énergie dans sa vie » et de mieux se réapproprier sa maison, celle où elle vit depuis qu’elle est enfant. Elle a donc tout naturellement fait appel à son amie Caroline Notté, architecte et décoratrice se définissant elle-même comme une « magicienne de l’instant décisif ». Ensemble, elles ont commencé à repenser l’intérieur de cette bucolique demeure lasnoise des années 70.
Mais pas question pour les deux complices de faire table rase et de métamorphoser la villa d’un grand geste formel. Les baies ont été conservées, tout comme les volumes et certaines pièces, laissées intactes, à l’instar de la salle de bains garnie de mosaïques. La transformation s’est faite par petites touches au fil des idées du tandem. « J’ai très difficile à me décider, il me faut beaucoup de temps pour changer quelque chose. Alors, quand j’ai une envie, j’envoie un message à Caroline. Contrairement à moi, elle est hyper impulsive et me fait directement plein de propositions. Et moi, je dis » bof « , j’ai besoin de me faire à l’idée. Il faut parfois un an avant que ça se concrétise », rigole la maîtresse des lieux, en prenant sa copine à témoin. « Sandrine est généreuse et douce et son logis lui ressemble, rétorque la conceptrice. Elle hésite tout le temps, c’est ce qui fait son charme mais donne aussi de la force à ses choix. Cela rend également l’ensemble très intemporel car chaque décision est pesée. »
Ainsi, pour la cuisine, l’option a finalement été prise de la rénover complètement, l’ancienne étant très lourde, en chêne foncé et pierre bleue. Mais il a fallu moult projets avant que l’habitante soit convaincue. Finalement, il fut décidé d’ouvrir la pièce sur la salle à manger mais d’y laisser un mur bas, sur lequel est appuyée une table, pour faire la transition entre les deux entités. Le chêne brossé plus clair du mobilier, le plan de travail et les murs blancs, ainsi que la vieille poutre conservée au-dessus du fourneau, apportent un cachet à la fois contemporain et chaleureux.
Un fil rouge artistique
Toute l’habitation recèle dès lors de petites histoires partagées autour des meubles et objets glanés progressivement au cours du temps. Comme ces tables de nuit, des prototypes signés Pol Quadens, que les deux filles adorent; ces coussins soigneusement choisis et fabriqués à la main par des femmes en Birmanie et griffés Mille et Claire; ou ce tapis, dans la salle à manger, qu’elles ont finalement acheté en deux exemplaires, chacune pour son logement.
Mais ce qui frappe au travers de cet intérieur, et qui forme finalement le fil rouge, c’est la présence de très nombreuses sculptures de Marie-Noëlle de La Poype, la mère de Sandrine. Les oeuvres de cette artiste, qui vit aujourd’hui à Paris, sont disséminées partout, et rendent l’espace complètement atypique. Dans le salon notamment, plusieurs de ses créations à partir d’os de cétacés, peints ou laissés bruts, fascinent le regard et dialoguent de façon étonnante avec la vieille cheminée conservée dans son jus et la toile abstraite en cire de José María Sicilia.
Ces oeuvres ont besoin de respirer, c’est pourquoi nous avons privilégié les teintes claires, beaucoup de blanc, de sobriété.
Face à la table de dîner, c’est un ancien vaisselier qui a été débarrassé de ses étagères et portes pour exposer une autre série de réalisations, toujours inspirées du monde marin – « ma maman m’a proposé de faire elle-même de petits promontoires pour mettre ses oeuvres dans ce meuble. Elle les a dessinés et ça met bien l’ensemble en valeur, comme des bijoux. » Dans le hall d’entrée, par contre, ce sont des bas-reliefs d’un tout autre genre – toujours conçus par celle qui fit jadis construire cette maison – qui éclaboussent de couleurs le couloir. Ceux-ci ont été façonnés, en résine, à l’aide de moules en bois sculptés et d’une presse servant à la fabrication des voitures Méhari! « Toutes ces oeuvres ont besoin de respirer, analyse Caroline Notté. Nous avons donc privilégié des teintes claires, beaucoup de blanc, de sobriété, d’autant que la nature environnante et le très beau jardin demandent eux aussi à être mis en évidence et à « entrer » dans le logis, en toute saison. »
Une réflexion collégiale
Dans d’autres parties de la propriété, l’épure relative laisse néanmoins place à plus d’audace, preuve que l’endroit a été façonné au gré des désirs, et pas guidé par un quelconque dogme stylistique. La chambre principale bénéficie ainsi de tonalités plus soutenues et le dressing attenant est carrément décoré d’un papier peint au motif végétal chargé. Ce dernier contrastant avec les petits bureaux en bois achetés en brocante et surtout le lustre en verre vénitien pendu au plafond.
Dans un même ordre d’idées, la zone des kids, qui occupe l’appartement des anciens concierges, à l’étage, a été aménagée en fonction de leurs goûts, dans un esprit graphique et coloré. « Je me sens trop bien chez moi, c’est plein de petites atmosphères différentes… Et mes trois enfants ont aussi beaucoup participé et donné leur avis », se réjouit Sandrine. « C’est la maison du partage, récapitule Caroline. Ce projet, c’est avant tout une histoire d’amitié. Rien n’est calculé, tout est aimé. » N’est-ce pas l’essentiel?
Caroline Notté (à gauche sur la photo, en compagnie de Sandrine Herkens) est née en 1977 et a étudié l’architecture à La Cambre et à l’Instituto Universitario de Arquitectura de Séville. Elle a complété ses études par une formation au New York Institute of Photography.
Avant de lancer son propre studio en 2005, elle a collaboré avec les architectes belges Marc Corbiau et Lionel Jadot.
Se définissant comme une « touche-à-tout sur le vif », elle réalise de nombreux projets aux frontières de l’architecture et de la décoration. Elle a notamment travaillé pour le joaillier Leysen pour ses stands à la Brafa Art Fair, a dessiné les espaces VIP pour Degroof Petercam et décoré le restaurant étoilé Bon-Bon, à Bruxelles.
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