Invités au sein du jury de la plateforme de design For The Now, nous y avons repéré les débuts prometteurs de cinq créatrices belges. Attention, talents à suivre!
Véronique Leysen et ses multiples casquettes
Cette entrepreneuse dans l’âme de 39 ans a porté de nombreuses casquettes: actrice, mannequin, maquilleuse, influenceuse, créatrice de mode et restauratrice. Depuis juin, elle a ajouté un diplôme d’architecture d’intérieur et de design de mobilier.

Jongler entre formation et famille
« Enfant, je passais mon temps à bricoler des décors et des costumes en carton et en papier alu. Créer une ambiance, c’était mon truc, mais j’avais envie d’aller plus loin. Entre ma deuxième et ma troisième grossesse, j’ai entamé une formation dans l’enseignement supérieur ouvert chez Thomas More. Je pensais apprendre la couleur et le stylisme, mais le programme s’est révélé étonnamment technique: chaque semaine, il fallait rendre des maquettes et des projets. Pendant cinq ans, entre le travail et la famille, je n’ai quasiment pas eu de vie sociale!
Ce fut donc tout sauf une période facile. Le nom de mon studio, Effortless Studio, fait référence à ma signature en maquillage: un brin de nonchalance, sans jamais forcer. Je n’aime pas les visages plâtrés, mais bien ceux qui dégagent du caractère et de l’authenticité. »
Redonner vie à la coiffeuse
« Il allait donc de soi que mes premiers designs auraient un lien avec le maquillage. J’ai toujours eu un faible pour les coiffeuses. Autrefois très en vogue, elles étaient pourtant un désastre ergonomique, et loin d’être pratiques: miroir trop éloigné, peu de rangements et impossibilité de croiser les jambes en s’asseyant, ce que je trouvais frustrant. Ces meubles étaient certes conçus pour les femmes, mais manifestement pas par elles. J’ai donc voulu créer une coiffeuse contemporaine. Car soyons honnêtes: qui, aujourd’hui, a encore le temps de se maquiller assise, en sirotant un café, à côté d’une bougie parfumée?
La plupart des coiffeuses ont un aspect arrondi ou délicat. Moi, je voulais leur donner du caractère, un côté plus affirmé, soit un design pour les femmes qui s’imposent. D’où le choix de l’aluminium, cette alliance de lignes nettes et de plis arrondis, et cette touche de rouge. Sous certains angles, la console paraît imposante; sous d’autres, sa finition laquée rouge lui confère une féminité assumée. Ce rouge, d’ailleurs, s’inspire de la teinte de mon rouge à lèvres préféré, Mat 75 de Dries Van Noten. En langage RAL, on l’appelle «rouge trafic». Quand je le porte, tous les regards se posent sur mes lèvres. Avec une telle couleur, on ne peut et on ne veut pas passer inaperçue. C’est un statement.
J’ai aussi imaginé un bar à maquillage mobile, composé de quatre modules et d’un miroir de table dont la forme s’inspire d’un rouge à lèvres. Je suis actuellement en discussion avec DeKnudt Mirrors pour développer une version grand format de l’un de mes miroirs autoportants. Cela dit, mes créations ne tourneront pas toutes autour du maquillage. Je vais bientôt rénover entièrement ma maison, et j’ambitionne d’y remplacer chaque meuble par l’une de mes propres créations. J’ai déjà des idées pour une table à manger modulaire! »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Coiffeuse Manhattan en aluminium, 4.450 euros, et chaise assortie Silhouette, 750 euros. effortlessstudio.eu
Debora Vancayzeele, ses couleurs et ses formes
À 32 ans, la jeune artiste est partie en quête de ce qui suscite l’émerveillement et la joie chez l’être humain. De là est née CO, sa première collection, qui marie couleurs, formes géométriques et symétrie.

Rendre visible ce qui n’est pas perceptible
« Je veux rendre visible l’invisible. Autrement dit, j’aime transformer quelque chose d’abstrait – un sentiment, une émotion – en quelque chose de concret, que les gens peuvent saisir. Je ne conçois donc pas un objet à partir d’une forme ou d’une couleur que je trouve simplement intéressante, mais toujours avec une intention. En ce sens, je me rapproche peut-être davantage de l’art que du design de produit. Même si je tiens à ce que mes créations puissent vraiment être utilisées.
Pour cette collection, j’ai étudié ce qui procure de la joie aux gens. Grâce à des entretiens avec des psychologues et des psychiatres, dont le Belge Dirk De Wachter, je suis tombée sur une conférence TED d’Ingrid Fetell Lee, designer de la plateforme The Aesthetics of Joy. Elle y explique pourquoi certaines couleurs, formes et proportions nous rendent heureux. Que nous préférions instinctivement les formes arrondies aux formes anguleuses, ou que nous soyons attirés par certaines teintes, tout cela s’explique par la psychologie évolutionniste. »
Deux formes pour une seule pièce
« Chaque pièce de ma collection se compose de deux formes géométriques mises en équilibre, qui ne trouvent leur fonction que lorsqu’elles sont associées. Ces formes symbolisent l’adulte et l’enfant intérieur; leur équilibre illustre la relation entre les deux. J’ai choisi les couleurs de manière intuitive. Elles me rappellent mon enfance, les étés d’autrefois. C’est une manière de revisiter le passé, sans pour autant tomber dans la nostalgie.
Cela peut paraître banal ou naïf, mais j’espère que mes meubles pourront être une douce réminiscence de cette légèreté et de cette joie enfantine; une invitation au jeu, à l’émerveillement. Car plus on vieillit, plus on perd cette capacité. Et c’est justement ce qui manque cruellement aujourd’hui. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Tables d’appoint Pivot, table basse/banquette Delta et chaise longue Vertex, à partir de 2.600 euros. À découvrir également à la galerie Imaginair à Bruxelles. deboravancayzeele.com
Anouk Meurice et sa méthode de design
L’architecte Anouk Meurice (25 ans) n’a pas imaginé un meuble, mais une méthode de design, baptisée Resitu. Son objectif: transformer la mémoire de bâtiments démolis en objets porteurs de sens.

Transformer la mémoire en réel
« J’ai imaginé Resitu quand j’ai appris que la piscine de mon village natal allait être détruite. Rien ne devait être conservé, et avec le bâtiment disparaîtraient aussi mes souvenirs, ceux de ma famille, de mes amis et de tous les habitants qui y avaient appris à nager. Cette idée m’a profondément attristée. J’ai donc convaincu la commune de me laisser récupérer quelques éléments pour en faire des objets destinés au parc qui devait être aménagé à la place. À partir du plongeoir et des plots de départ, j’ai conçu du mobilier d’extérieur qui sera installé au printemps.
Ma méthode repose sur trois étapes: conserver, raconter et relier. Je commence par sauvegarder des éléments matériels issus du bâtiment destiné à disparaître, puis je recueille les souvenirs qui y sont associés, avant de fusionner le tout dans un objet restitué à la communauté. »
L’upcycling au centre
« Cette lampe et ce miroir triptyque sont le fruit d’un deuxième projet, mené cette fois avec la bibliothèque publique de Deinze. Le miroir fait référence à la petite maison en jouet qu’une artiste avait offerte lors de l’inauguration de l’institution, dans les années 1970. Il a été fabriqué à partir des lattes de plafond réfléchissantes récupérées sur place. La lampe, elle, est réalisée à partir de la rampe d’escalier rouge si emblématique du bâtiment. La première bibliothécaire vouait une passion pour le rouge: elle avait commandé à l’époque toutes les étagères dans cette teinte. Ceux qui ont connu l’ancienne bibliothèque reconnaîtront ces clins d’œil, mais même sans cela, les objets conservent leur force esthétique. Ce ne sont pas des souvenirs figés, mais des objets d’usage.
Resitu parle de réemploi, de transmission et de mémoire. Le concept ne s’adresse pas seulement aux communes, mais aussi à des particuliers dont, par exemple, la maison familiale est en voie de démolition ou de rénovation. Je n’ai pas l’ambition de produire à grande échelle: la matière que je récupère est limitée, et c’est très bien ainsi. Je ne suis pas une designer de produits, mais une architecte qui aime simplement fabriquer des meubles. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
De plus petites versions de la lampe sur pied sont présentées à For The Now. Dès 720 euros. @_resitu
Liesbet Braeckman, entre art et design
Liesbet Braeckman (51 ans) a redécouvert la couture quand elle a dû fermer temporairement son service traiteur pendant la pandémie. Ses objets muraux acoustiques se situent à la croisée de l’art et du design.

Une méthode de fabrication ancienne comme base
« J’utilise dans mon travail la technique du faux chenille, qui consiste à superposer plusieurs couches de tissu, à les coudre à intervalles d’un centimètre, puis à les inciser en partie avant de les brosser pour faire ressortir les fibres. C’est ce qui crée cette texture vibrante si caractéristique. Il s’agit d’une méthode très laborieuse, c’est peut-être pour cela qu’elle a presque disparu aujourd’hui.
Pendant la pandémie, j’ai commencé à expérimenter avec les vieux vêtements de mes enfants. Aujourd’hui, je travaille avec des deadstocks de tissus d’ameublement ou de rideaux provenant de fabricants de Flandre-Occidentale. L’organisation Fedustria m’a aidée à établir ces contacts. Étonnamment, ma demande a d’abord été refusée. Il est sans doute plus simple de tout jeter d’un coup que de laisser quelqu’un fouiller dans vos réserves.
Les étoffes que j’utilise présentent presque toujours un défaut. Elles sont décolorées par le soleil, tachées par l’eau ou portent un motif jugé démodé. Je privilégie le lin et la laine, mais j’intègre parfois des fibres synthétiques pour créer un effet filaire. Je compose mes pièces selon la couleur, la texture et l’épaisseur des tissus. Ensuite, j’applique la technique du faux chenille. La dernière étape consiste à fixer le tout sur un panneau de MDF, parfois avec une mousse pour plus de volume. Pour une grande pièce, je peux y consacrer une semaine entière. »
Au centre du projet: la durabilité
« Comme j’utilise des matériaux de récupération, mes œuvres ont d’abord trouvé leur place dans un espace de coworking à Malines, géré par des architectes sensibles aux questions de durabilité. J’ai ensuite exposé dans des galeries d’art comme Imaginair et Arthus Gallery à Bruxelles, et je participe actuellement à une exposition collective à Rotterdam. En expérimentant les formats et les formes, j’ai découvert que mes objets muraux ne sont pas seulement artistiques, ils possèdent aussi de remarquables propriétés acoustiques.
Art ou design? Difficile à dire. C’est un équilibre subtil entre les deux. Pour certains, c’est une solution acoustique qui se rapproche d’une œuvre d’art; pour d’autres, un objet artistique doté de qualités acoustiques. Dans tous les cas, on peut les toucher! »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Entre 1.800 et 4.500 euros. liesbetbraeckman.com
Lotte Cobbaert et son assise pour tous
Lotte Cobbaert (24 ans) a conçu une chaise sur laquelle on peut se balancer sans danger. Un design pensé aussi bien pour ceux qui veulent une assise dynamique que pour ceux qui cherchent à mieux se concentrer.

Se balancer en toute sécurité
« La TOPPLEchair a été imaginée pour les personnes, surtout les enfants, qui se balancent sur leur chaise. Je le fais parfois, et un ami atteint de TDAH le fait en permanence. On croit souvent qu’il essaie ainsi d’évacuer son trop-plein d’énergie, mais en réalité, ce mouvement de balancement l’aide à mieux filtrer les stimuli. Cela améliore sa concentration. On berce les bébés pour les apaiser, mais on oublie que les enfants et même les adultes en retirent les mêmes bienfaits.
Se balancer sur une chaise ordinaire, en revanche, abîme le parquet et comporte le risque de tomber. De quoi stresser les parents, les enseignants ou les collègues. Née de ce constat, ma chaise est devenue un modèle universel, destiné à tous ceux qui aiment une assise dynamique. Quand on se balance sur le point d’équilibre, les jambes sont constamment en mouvement, ce qui stimule la circulation sanguine. Le dossier étroit permet de bouger librement les bras, mais aussi de s’asseoir à l’envers ou de changer de position. »
La TOPPLEchair se décline à l’infini
« Je voulais qu’elle soit à la fois légère, robuste et transportable, c’est pourquoi j’ai choisi le pin. La structure est entièrement collée à froid, sans vis ni boulons, ce qui la rend plus facilement recyclable. Malgré son apparence massive, elle est creuse à l’intérieur et empilable.
À terme, j’aimerais produire la TOPPLEchair à plus grande échelle, par exemple en plastique recyclé. Cela la rendrait encore plus légère, plus abordable et plus facile à entretenir, utilisable aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elle deviendrait ainsi accessible aux écoles, bureaux et entreprises. En attendant, je fabrique et ponce chaque chaise à la main dans mon atelier. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
TOPPLEchair, dès 349 euros. En bois naturel ou en couleur. @studioloc.o
Plus d’infos: forthenow.be