Les merveilles du design belge
Dix-huit mois après son ouverture, l’Art & Design Atomium Museum se penche pour la première fois sur notre production nationale avec Panorama, A History of Modern Design in Belgium, rétrospective retraçant un siècle de création dans notre petit pays.
« La Belgique n’est pas d’emblée associée au design ; pourtant, celui-ci est intimement lié à l’histoire du pays « , nous adresse-t-on en préambule. Quiconque en douterait n’a qu’à penser à l’Expo 58 ou à l’Art nouveau pour s’en persuader. C’est d’ailleurs ce dernier qui ouvre Panorama, histoire de rappeler son importance en matière » d’identité culturelle » de la nation naissante et sa reconnaissance, plus tard, auprès du grand public en tant que » style Congo « .
Parmi les pièces présentées en ce début de parcours, le visiteur remarquera une chaise de Paul Hankar ou un bureau en sycomore jaune signé Victor Horta et présenté à Turin en 1902. Au tournant du xxe siècle, débute le règne de l’Art déco et ses merveilles géométriques – en témoigne un service à thé et café en argent et bois de rose de Delheid Frères – avant que le modernisme ne le supplante, au cours des années 20, sous l’impulsion du visionnaire Henry van de Velde.
Si elle demeure rythmée par les événements organisés à l’étranger – biennales, expos et salons qui donnent au savoir-faire belge un retentissement international -, la suite est mieux connue. Les chapitres consacrés au design vu comme la » panacée économique » dans l’après-guerre ou à l’appel d’air provoqué par la première Biennale Interieur, à Courtrai en 1968, côtoient certains épisodes oubliés.
Ainsi de l’épopée De Coene, qui vit un fabricant de chez nous produire et diffuser, dans toute l’Europe, des best-sellers Knoll International, dessinés par Eero Saarinen, Isamu Noguchi ou Mies van der Rohe mais » made in Belgium « . Entamé à la moitié du xixe, le tour d’horizon du secteur s’achève à la mort de Josine des Cressonnières (lire par ailleurs), directrice du Design Centre, dernière institution fédérale du genre, qui ne lui a pas survécu et a disparu au cours des années 80.
Mémoire d’un foisonnement ininterrompu, oscillant entre sagacité commerciale et expérimentation, Panorama rappelle en outre que le design s’étend au-delà du mobilier, en convoquant nombre de fleurons bien de chez nous – manufactures, institutions, acteurs ou publications diverses : Serrurier-Bovy, Val Saint-Lambert ou Royal Boch, La Cambre ou 7 Arts, les cuisines Cubex ou le métro de la STIB. Persiste alors une question : une fois parcouru ce siècle d’histoire industrielle, le visiteur s’est-il fait une idée précise de ce qu’est le design belge ? Sûrement pas, et c’est tant mieux, l’absence d’identité précise s’imposant même comme sa principale caractéristique.
Ou, pour citer le critique d’architecture et de design Geert Bekaert, en guise d’épilogue : » Si nous pouvons qualifier quelque chose de belge, c’est la conscience quasi innée de l’identité en tant que limitation. » Une observation qui embrasse assurément les trésors observés lors de la visite, et reste valable aujourd’hui.
Panorama, ADAM, 1, place de Belgique, à 1020 Bruxelles. www.adamuseum.be
Jusqu’au 7 janvier 2018.
« Papesse du design »
« La fermeture du Design Centre est l’événement pivot du design belge de l’après-guerre », affirme Arnaud Bozzini, directeur des expositions et co-curateur de Panorama. Inauguré en 1964 dans la galerie Ravenstein, bijou moderniste du patrimoine architectural bruxellois, le Design Centre fut inspiré par les initiatives semblables, menées avec succès en Italie, en Allemagne ou en Scandinavie. Il visait la promotion du design national par la mise à l’honneur permanente de produits du cru et via des expositions temporaires, conférences et concours. « Il était situé en plein centre et préfigurait toutes les institutions que l’on connaît aujourd’hui, Design Vlaanderen, MaD ou WBDM, poursuit Arnaud Bozzini. De grands noms de l’époque s’y succédaient et y travaillaient, et l’institution était portée par une femme incroyable, Josine des Cressonnières. C’est vraiment la papesse du design de l’après-guerre, pour reprendre l’expression de Thierry Belenger, co-curateur de l’expo. » D’abord concentré sur la promotion d’un design « industriel, rationnel et technique » et influencé par l’école d’Ulm – héritière du Bauhaus -, le Design Centre répercuta sur ses activités les aspirations sociétales du moment au cours des années 70, mais dut finalement fermer ses portes au milieu de la décennie suivante, suite au décès de son âme et cheville ouvrière.
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