Nos coups de coeur du Salon du Meuble de Cologne
La foire internationale du meuble de Cologne (IMM) est désormais l’un des événements les plus courus du secteur. Au menu: le centenaire du Bauhaus, les dernières tendances, un tour du côté des Belges et quelques nouveautés remarquées.
La concurrence entre Design Weeks et salons européens n’a sans doute jamais été aussi acharnée, chacun voulant s’attribuer le titre convoité de dauphin de l’intouchable Salone internazionale del mobile de Milan. Et à ce petit jeu, il semblerait que l’IMM Köln ait réussi à tirer son épingle du jeu, en capitalisant sur ses nombreux avantages: rang dans le calendrier, position centrale, accès en Thalys, participants prestigieux, infrastructures et organisation au top, largement de quoi damer le pion à ses rivaux et assurer une visite agréable… N’hésitez pas à juger par vous-même l’an prochain, car il a également la particularité d’être ouvert au grand public, là où la plupart des événements équivalents restent réservés aux pros. Et même si Cologne fait toujours figure de Petit Poucet face à l’ogre milanais, qui se réserve principaux lancements et grandes exclus avec la complicité des éditeurs et designers, difficile de nier sa qualité de « place to be » du début d’année. D’ailleurs, bien qu’une importante partie des primeurs ne soit attendue qu’au printemps, cela n’empêche pas de tirer certains enseignements: si certains labels débarquent en bord de Rhin sans exclusivités dans leurs bagages, c’est parce que l’IMM est devenu un rendez-vous de prestige, où il convient d’occuper le terrain coûte que coûte, face à ses concurrents.
Heureusement, les halls de Kölnmesse regorgaient tout de même de nouveaux produits, finitions ou séries limitées, qui alimentent le présent compte-rendu. A tout « kaizer », tout honneur, nous l’entameront avec les célébrations liées au centième anniversaire de la fondation du Bauhaus, établissement où naquit le célèbre mouvement, parmi l’un des plus influents du siècle dernier. Tête d’affiche des festivités, Thonet fêtait également son propre bicentenaire, et autant dire que la vénérable maison rhénane avait mis les petits plats dans les grands. Dans un espace circulaire appelé Café Thonet, elle célébrait ses vedettes en verre, bois et métal tubulaire, exposant pièces d’archives, modèles classiques ou rééditions exclusives (dont les iconiques 214 ou S 533 F, revues par Studio Besau Marguerre), pour le bonheur de nombreux visiteurs. D’autres éditeurs historiques du Bauhaus, comme Tecta, n’ont pas manqué de capitaliser sur ce glorieux passé, alors que certains fabricants, comme Walter Knoll ou Hülsta, s’en sont abondamment réclamés. Et aux côtés des marques allemandes, on a aussi remarqué la présence de nombreux « cousins germains », comme les Suisses d’Intertime ou la Team 7 autrichienne, accompagnés par d’autres compatriotes que l’on a moins l’habitude de voir lors des manifestations internationales.
Mix and match.
Toutes les combinaisons de matériaux ont sans doute déjà été tentées, mais certaines idées parviennent encore à nous étonner: ainsi, la série Mirto d’Antonio Citterio pour B&B Italia nous revient avec d’autres caractéristiques décoratives, et associe à sa structure en aluminium moulé un plateau en pierre de lave émaillée, orné de motifs inspirés de la dentelle sicilienne. De son côté, la sculpturale Foster 620, de l’architecte Norman Foster pour Walter Knoll, prend des airs de baobab et voit son bois naturel surmonté d’une surface slimline « toucher soie », disponible en trois couleurs: noir, bronze ou cuivre.
Outdoor.
Outre les spécialistes de la discipline, Fermob, Kettal, Royal Botania, Emu ou le régional de l’étape, l’Allemand Dedon – dont les nids suspendus sont toujours aussi spectaculaires -, nombreux sont les éditeurs qui profitent de l’événement pour dévoiler leurs nouveautés d’extérieur. Et à ce petit jeu, c’est Cassina qui a accroché tous les regards avec sa panoplie de couleurs inédites, matériaux et textiles destinés à l’iconique fauteuil LC03 de Le Corbusier, Perriand et Jeanneret.
Polygonie.
Chez MDF Italia, un grand stand minimaliste était dédié au dixième anniversaire de deux best-sellers maison, la table Tense de Piergiorgio et Michele Cazzaniga et la chaise Flow de Jean-Marie Massaud. C’est la première des deux jubilaires qui nous intéresse, et plus particulièrement sa version Intarsa, en marbre reconstruit parcouru de droites sécantes. Géométrie toujours chez Roche Bobois, où la collection Nativ de Raphael Navot fera à coup sûr parler d’elle cette année. Bien en phase avec l’éclectisme proverbial de la griffe française, elle compte quelques étonnantes créations, comme la bibliothèque Primordial, les luminaires Stalagmites et la table Patchwork, singularisée par un remarquable travail de marqueterie.
Contraste.
On s’est presque étonné de rencontrer tant de scénographies laissant autant de place au blanc, avec le retour de meubles aux surfaces vierges et de canapés garnis de tissus ou de cuir immaculés, notamment chez Muuto ou Meridiani. Une finition qui permet en outre d’augmenter le contraste avec les matériaux plus foncés – voir la table Creek de Jean-Marie Massaud pour Poliform. Sans trop de surprise, le duo noir et blanc a encore de beaux jours devant lui en déco. Vitra, venu avec ses dernières collections d’accessoires signés Alexander Girard sous le bras, l’a bien compris.
Sombres et lumières.
Les teintes profondes ont toujours la cote: le bleu fait de la résistance, notamment chez Minotti ou Poliform où il colore les velours et les marbres, mais ne résorbe pas son retard sur les verts soutenus, aperçus en de maints endroits du salon colonais. Alliées de prédilection des couleurs sombres, les touches de lumière se manifestent souvent sous la forme de métaux dorés ou de jaunes curry, comme l’a très bien démontré le stand &tradition, marque en pleine renaissance, après des débuts tonitruants en 2010 et des dernières années plus difficiles.
Camaïeu.
La grande gagnante de la bataille chromatique fut sans conteste la famille des rouges, au sens très large. Partout où le regard pouvait se poser, rouille, framboise, brique, bordeau, terracota, associés, opposés ou dégradés – et c’est là que l’on se rappelle la couleur de l’année 2018 des peintures Levis, ce « rose chaleureux » dénommé heart wood, ou, un peu plus loin, le marsala de Pantone en 2015. Notons toutefois que le phénomène touche avant tout les assises, en témoignent les sofas ou fauteuils (et leurs coussins), comme on l’a vu chez Artifort, Soft Line, MDF, e15, avec l’Avalanche Love chair de Cor ou encore la série Tearoom de Nick Ross chez Menu.
Nos compatriotes étaient bien entendu présents à Cologne mais, bien que le textile (Limited Edition, Thibault Van Renne) ou les revêtements muraux (Arte) aient eux aussi été de la partie, on se focalisera ici sur les éditeurs de meubles, venus en nombre cette année.
Jori, qui présente un trio de nouveautés avec Sophia, canapé aux courbes généreuses; Daydreamer, accueillant relax à la silhouette courbée (photo); et enfin Fuga, fauteuil compact associant cuir et tissus.
Wildspirit, griffe haut de gamme dont c’est la première participation à l’IMM, après pas mal d’années passées à exposer à Paris, et ses variations autour de la chaise Ink (photo).
Vincent Sheppard, le canapé Anton, base en teck, dossier tissé et tons rouge-orangé, et les cache-pots Vivi (photo), nouvelle adjonction à la collection en rotin du même nom.
Durlet, qui dévoilait la famille agrandie du sofa Dune de Sylvain Willenz (photo), déjà aperçue par le public de la dernière Biennale Interieur de Courtrai, et sa nouvelle étoffe mélangée Fuzzy, rappelant au passage que le label a commencé dans le commerce textile.
Et enfin Ethnicraft, spécialiste du luxe bohème en bois massif, qui effectuait un tir groupé de tables: Facettes, avec son piétement géométrique noir; Profil, tout en simplicité raffinée et en chêne naturel; Nexus, aux lignes organiques (photo); ou encore Mikado, qui évoque une version boisée de la Big Table de notre Alain Gilles national.
On peut encore pointer les finitions en Claylime, revêtement à base d’argile aux composants garantis naturels et non toxiques, exposés sur le stand d’Interni Editions. Très polyvalent, le procédé aurait fait ses preuves depuis une dizaine d’années mais commence seulement à connaître des développements avec un éditeur de mobilier. A suivre, donc.
Courte sélection de pièces qui, par leur nature, leur élégance ou leur brin de folie, ont trusté l’attention des amateurs de design sur leurs stands respectifs…
En guise de conclusion, on quitte enfin les halls de Kölnmesse pour découvrir la dernière folie de Nendo à l’hôtel The Circle. Pour sa nouvelle collaboration avec WonderGlass, expert du verre vénitien, Oki Sato, fondateur et tête pensante du célèbre studio japonais, a voulu mener une sorte d’expérience: plutôt que de faire appel aux maîtres verriers pour souffler sa nouvelle création, il a préféré laisser à la matière le soin de se donner forme à elle-même, grâce à l’action de la gravité. Polie par les artisans de WonderGlass, l’arche ainsi obtenue est ensuite fixée sur une structure pour constituer une chaise entièrement transparente, première pièce de la future collection Melt (« fonte » en anglais). La suite sera dévoilée lors de la prochaine Design Week de Milan, en avril prochain, au sein d’une installation à travers laquelle Nendo et WonderGlass entendent bien démontrer que le verre peut servir de matériau principal lors de la fabrication de mobilier. On ne demande qu’à être convaincu.
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