Née à Londres d’une mère d’origine nigériane et d’un père italien, Sofia Dati (31 ans) vit à Bruxelles depuis son plus jeune âge. Suite à son stage au WIELS, elle a continué à collaborer avec le centre d’art contemporain de Forest. Elle a ensuite rejoint le Beursschouwburg entre 2021 et 2024 en tant que programmatrice en arts visuels et audiovisuels, pour finalement réintégrer l’équipe de commissaires d’exposition du WIELS l’an dernier
Ma famille élargie
Mes amis font partie de ma famille élargie. En dehors de mes parents, je n’avais pas de famille en Belgique. Cela explique sans doute la valeur que j’accorde à la parenté au sens large. Les amitiés que j’ai nouées depuis l’enfance m’ont apporté un grand sens de la communauté. Elles ont certainement joué un rôle dans mon développement personnel. Je dois à tous ces gens ce que je suis aujourd’hui.
Mon sens de l’esthétique
Je visite les musées bruxellois depuis que je suis en poussette. Mon sens de l’esthétique m’est venu naturellement. Ma mère a étudié l’architecture mais est depuis longtemps active en tant qu’artiste. Mon père possède un magasin de design. L’un de mes tous premiers jobs, c’était de l’aider dans sa boutique.
‘L’intuition est aussi une forme d’intelligence.’
Mes sources d’inspiration
La mixité sociale est vraiment un atout important de Bruxelles. Cette diversité m’a définitivement marquée. Ici, on entre facilement en contact avec des personnes et des cultures différentes. Pour certains, la présence de «l’étrange et de l’inconnu» déclenche malheureusement des sentiments de haine et de peur. Mais personnellement, comme beaucoup, j’apprécie surtout le sens de la communauté et l’interaction que cette diversité apporte. La richesse de l’offre culturelle de la ville et l’écosystème des petites organisations locales sont des sources d’inspiration constantes.
Suivre mon instinct
Faire confiance à son intuition, ça s’apprend. J’hésite souvent, mais j’essaie de suivre mon instinct lorsque je dois faire des choix. Bien sûr, la réflexion est importante, mais l’accent est peut-être parfois trop mis sur l’intellect. Dans le monde de l’art, on a tout à gagner à laisser l’intuition s’exprimer davantage. Elle ne doit pas s’opposer à la raison. Au contraire, les deux se nourrissent mutuellement. L’intuition est aussi une forme d’intelligence. Il s’agit de connaissances et de souvenirs que nous possédons mais dont nous ne sommes pas conscients. Par exemple, les personnes qui travaillent avec leur corps, comme les danseurs ou celles qui pratiquent les arts martiaux, constatent que ce corps sait spontanément comment réagir aux situations.
Mon enthousiasme
Il faut parfois avoir le courage de dire non. Même si j’ai moi-même du mal à le faire. J’ai appris d’une amie très chère à ne pas répondre trop vite par oui ou par non. Je me connais: je me laisse parfois emporter par mon enthousiasme. C’est un trait positif en soi, mais on peut parfois le regretter. Il ne faut pas se laisser entraîner dans une direction qui n’est pas la sienne. Prôner cette retenue n’est pourtant pas évident dans mon secteur, car les occasions sont plutôt rares.
Mes inquiétudes
La réaction plutôt tiède à la montée mondiale de l’extrême droite m’inquiète. Je suis à moitié italienne et j’observe donc avec méfiance non seulement ce qui se passe sous le gouvernement Meloni, mais aussi dans le reste de l’Europe et du monde. Je me demande également comment l’art peut continuer à contribuer à la société en ces temps difficiles, dans un monde où la culture est confrontée à la censure. L’artiste américaine Elizabeth A. Povinelli, également professeure d’anthropologie et d’études de genre à l’université de Columbia, qui a vu ses subventions réduites par l’administration Trump, en est un bel exemple. Lors de la conférence qu’elle a donnée récemment à l’occasion de la remise d’un doctorat honoris causa à l’université d’Anvers, elle s’est montrée admirablement inspirée et combative. Elle participe à notre nouvelle exposition Réalisme magique.
Nous ne sommes pas seuls
Pour s’attaquer à un problème, il faut une stratégie. Il convient d’oser faire un zoom arrière et analyser avant d’agir. Il est également important de trouver des alliés. Savoir que l’on n’est pas seul réconforte dans les moments difficiles. La société individualiste dans laquelle nous vivons aujourd’hui ne nous fait pas vraiment avancer. Cela ne veut pas dire qu’une approche collective est forcément facile. On ne peut pas simplement gommer toutes les divergences d’opinion. Mais si vous parvenez à vous soutenir mutuellement malgré vos différences, vous disposez d’un puissant levier.
L’exposition Réalisme magique se poursuit jusqu’au 28 septembre au WIELS. wiels.org