A Schilde, visite d’une maison hollywoodienne aux accents postmodernes
L’œuvre de l’artiste Koen van den Broek est indéniablement liée aux longs-métrages hollywoodiens et aux lumières de Los Angeles. Elle transparaît aussi dans sa maison, une villa d’architecte postmoderne située à Schilde.
Dans l’allée, la voiture de collection Mustang rouge avec deux larges bandes noires sur le capot attend son chauffeur. Lorsque nous sonnons à la porte, Koen van den Broek apparaît, avec son chien, l’air détendu. Peut-être est-ce dû au film de Charles Bronson qu’il vient de regarder. «Dans cette maison d’architecte se rencontrent les atmosphères de David Lynch et de Quentin Tarantino», résumera plus tard ce cinéphile averti.
De la part d’un artiste célèbre dont les œuvres figurent dans les collections des musées de Los Angeles et de Séoul, ainsi que dans la chambre d’Elton John, on ne s’attendrait pas à ce qu’il choisisse Schilde comme base opérationnelle. «Mon ami, l’artiste américain John Baldessari (NDLR: avec lequel il a collaboré), disait toujours: «Il faut être au bon endroit, au bon moment.» C’était le cas quand j’ai commencé, avant la digitalisation de notre société. Depuis, le monde a tellement changé qu’aujourd’hui, l’endroit où l’on vit n’a plus d’importance. Et si vous trouvez une maison comme celle-ci, il ne faut pas hésiter», justifie-t-il en écartant les bras.
Dix-huit ans se sont écoulés depuis. Quatre ans plus tôt, il avait déjà repéré la villa que l’architecte anversois Eddy Posson avait conçue à l’origine pour lui-même. Celui-ci est connu à Anvers pour un complexe commercial qu’il a construit avec Jef Fuyen en 1975. «J’ai tout de suite adoré l’ambiance de cette propriété, raconte notre hôte. Mais à l’époque, c’était au-dessus de mon budget. Quatre ans plus tard, il s’est avéré qu’elle était toujours à vendre. Une personne aisée préférerait acheter une maison de curé sur la Kasteeldreef plutôt qu’une telle propriété. ça m’a porté chance.»
Lire aussi: A Uccle, une maison aux allures modernistes
Garder l’esprit du lieu
A part la famille Posson, personne n’avait jamais habité ici. Mais il était nécessaire de rénover l’endroit. Le béton était peint couleur saumon. Il y avait des peaux de zèbre et de la moquette rose à poils longs accrochées aux murs et du liège au plafond. La mezzanine au-dessus du salon, où l’architecte avait installé son atelier au départ et où l’artiste fait aujourd’hui ses dessins sur papier, avait été fermée pour créer des chambres supplémentaires.
« J’ai dégagé énormément de choses mais je me suis heureusement arrêté à temps. »
La piscine intérieure, dont le toit en verre pouvait être ouvert, était décorée de carreaux jaunes et de motifs de perroquets, et entourée d’un mur plein de casiers et de miroirs. L’ambiance postmoderne des années 70 était dissimulée sous une épaisse couche de glamour à la Miami Vice.
Ce souvenir fait sourire van den Broek. «Les gens qui venaient ici devaient penser qu’il s’agissait du salon porno de Schilde. Ce n’était pas le cas. Les résidents étaient une famille respectable avec cinq enfants, qui jouaient dans un jardin dessiné par le paysagiste Jacques Wirtz. La femme de Posson y enseignait l’aquagym. On l’appelait la Jane Fonda locale.»
Comme il le décrit, la villa aurait tout aussi bien pu servir de décor à Pulp Fiction. Le propriétaire, qui a un temps étudié l’architecture, a fait remettre la maison dans son état d’origine. «Le plafond en pop-corn au-dessus de la piscine était plein d’amiante et le tapis à poils longs du bar, c’était pain bénit pour les archéologues, plaisante van den Broek. J’ai dégagé énormément de choses mais je me suis heureusement arrêté à temps. Les matériaux d’époque sont impayables aujourd’hui.»
Seule de la peinture, aux couleurs saturées telles qu’elles apparaissent dans son œuvre, a donc été appliquée dans la cuisine, la chambre et la salle de bains. «Ces pièces sont vieilles et usées, mais je ne veux pas trop y toucher, poursuit le maître des lieux. Vous vous rendez compte que Jane Fonda – je continue à l’appeler comme ça – a fait passer ces robinets d’Italie dans les valises de ses enfants?»
Des meubles à histoires
Dans le salon, qui dispose d’un fantastique conversation pit, Koen van den Broek pose deux tasses de café sur la table Tulipe d’Eero Saarinen. Toute la pièce est baignée de lumière. L’imposante étagère murale géométrique en laiton brille au soleil. «Eddy Posson a négligé la relation de la maison avec la rue, explique-t-il. Il l’a orientée vers le soleil. Un jour, après le dîner, j’ai vu la lune se refléter ici, à travers le toit de la piscine, sur les huit fenêtres de la salle à manger… J’aime cette énergie des années 60 et 70, la période de la conquête spatiale. Contrairement à aujourd’hui, tout le monde regardait l’avenir avec appétit. Toujours plus loin, toujours plus innovant. De nos jours, tout le monde est tendu parce que le monde est sur le point d’exploser.»
Est-ce pour cela que le propriétaire de cette maison atypique aime s’entourer de créations de cette époque? Outre Saarinen, Joe Colombo est aussi bien représenté. Tous deux ont un lien avec le cinéma. Les Tulip sont visibles dans Orange mécanique de Kubrick, la chaise Elda apparaît dans le film de James Bond L’espion qui m’aimait. «Et puis, il y a les Eames, qui sont au design ce que la pop est à la musique. Mais leur chaise Billy Wilder est moins connue, poursuit l’artiste en la pointant. Cette chaise longue ES106 serait née de la visite des Eames au réalisateur oscarisé Billy Wilder (NDLR: il a réalisé Sunset Boulevard, Certains l’aiment chaud et The Apartment). Ce dernier a suggéré qu’il avait besoin d’un canapé-lit pour faire la sieste. Bien que le fauteuil ne soit apparu que des années plus tard, il a été conçu de sorte que l’on ne puisse s’y reposer qu’avec les mains sur la poitrine. Quand vous vous endormez, vos mains qui s’enfoncent vous réveillent en sursaut. Wilder a donc été l’un des premiers à recevoir un tel fauteuil de la part du duo. J’aime m’entourer de choses qui ont une histoire.»
En Bref
Koen van den Broek
-Il est né en 1973, à Bree.
-Il s’est fait connaître par ses peintures de paysages urbains désolés aux couleurs saturées. Elles sont basées sur des instantanés de ses voyages aux Etats-Unis, ce qui leur confère un aspect très cinématographique.
-On retrouve ses œuvres aux musées SMAK et MHKA en Belgique, au LACMA à Los Angeles et au Busan Museum of Art en Corée entre autres.
-Dans son processus créatif, il a récemment abandonné la photo et privilégie désormais des matériaux bruts tels que le goudron et la peinture de marquage.
-Des expos personnelles sont prévues cet automne.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici