«Une villa moderniste des années 1970 qui a besoin d’un peu d’amour»… Séduisant sur le papier. Mais ajoutez-y une piscine intérieure défraîchie, et l’annonce risque de stagner des mois sur les sites immobiliers. C’est pourtant ainsi que l’habitante, une artiste limbourgeoise, a trouvé, d’un coup, sa maison rêvée… et son atelier.
Derniers virages avant d’arriver chez Ellen Vrijsen, dans le sud de la Campine. Ruelle sinueuse, chant d’oiseaux, acacias qui s’inclinent doucement au bord de l’allée… Un sentiment de sérénité s’empare de nous. «Lors de notre première visite, nous avons immédiatement eu cette sensation de retour à la maison», raconte notre hôte.
Depuis 2020, elle vit là avec son mari Jasper, directeur de production, et Eddie, leur braque hongrois de 11 ans. Le couple, passionné d’architecture moderniste, rêvait depuis longtemps de posséder une demeure au vert. Mais l’épreuve d’un désir d’enfant resté sans suite les avait poussés, ces dernières années, à chercher un refuge.
«Nous voulions une retraite, une sorte de forteresse rien qu’à nous, confie Ellen. Quand nous sommes arrivés ici et que nous avons découvert cette vue sur la nature, ce fut une évidence. Même si beaucoup de travaux nous attendaient, nous avons immédiatement perçu le potentiel de cette maison.»
Construit en 1977, le bungalow en briques rouges avait besoin d’une rénovation en profondeur. «Au départ, nous espérions conserver un maximum d’éléments d’origine, car nous aimons l’esprit seventies. Mais ils étaient malheureusement trop abîmés», raconte la propriétaire.
Pour redonner ses lettres de noblesse à l’habitation, le duo a fait appel à une amie architecte, Mieke Goris. «Notre moodboard regorgeait de Léon Stynen et de Le Corbusier. Mieke a tout de suite compris ce que nous voulions et y a vu aussi une touche de modernisme japonais.»
Un exercice d’équilibriste
Rafraîchir une construction des années 1970 aux standards actuels, tout en respectant son style, s’est révélé un exercice d’équilibriste. «Nous avons tout fait pour rendre la maison la plus économe possible en énergie, mais on ne peut évidemment pas transformer une ancienne bâtisse en maison passive», explique l’habitante. Ainsi, la toiture, les fenêtres et le système de chauffage ont été entièrement remplacés. Mais quand l’expert en énergie leur a conseillé de couvrir l’atrium d’origine, l’esthétique a primé. «Avoir un si beau jardin intérieur et y mettre une bulle en plastique? Très peu pour nous, sourit Ellen. Il faut voir quand il neige… Cette petite perte énergétique en vaut largement la peine.»
Difficile de lui donner tort: l’atrium du hall d’entrée constitue le cœur battant de la maison. Les autres pièces s’articulent autour et s’ouvrent sur lui grâce à de larges baies vitrées, inondant l’habitation de lumière naturelle. «Cette conception respire le calme, explique notre hôte. On ne construit plus de maisons comme celle-ci.» Pour conserver l’atmosphère seventies, place aux boiseries sombres, au carrelage et bien sûr à la moquette épaisse.
Les couleurs, elles, sont inspirées de la nature. «J’ai souvent tendance à me tourner vers le vert, même dans mes toiles. Cela procure immédiatement de la sérénité», confie Ellen. Mais pas n’importe quel vert! «J’ai fait réaliser énormément d’échantillons, surtout pour le sol coulé. Je voulais exactement la même teinte que la lentille d’eau d’un étang. L’expert m’a regardée bizarrement, mais Mieke a tout de suite suivi. Enfin elle pouvait travailler sur autre chose que du greige!»
Quand une piscine devient atelier
La singularité de la maison réside dans son extension de 1992: une piscine intérieure, que l’habitante a transformée en atelier. Lors de la vente, cet élément rebutait la plupart des candidats acheteurs. Pour Ellen, ce fut le coup de foudre. «Ironiquement, Jasper et moi adorons l’eau, avance-t-elle. Mais nous savions d’emblée que nous ne remplirions pas le bassin. Les coûts étaient trop importants et nous préférons de toute façon nous baigner en plein air.» Au-delà du symbole, l’espace lui a semblé une évidence: «Rien ne vaut la sensation d’être enveloppée par l’eau, c’est profondément apaisant. J’ai senti que cet endroit m’était destiné.»
Aujourd’hui, un tapis, quelques cloisons et un escalier plus tard, la piscine s’est muée en atelier. «Au début, nos amis venaient en maillot de bain et repartaient déçus, s’amuse Ellen. Maintenant, ils savent que c’est mon sanctuaire.»
Lors de notre visite, il règne dans le bassin une joyeuse effervescence. L’artiste prépare une expo solo chez (s o o n) gallery. Toiles éparpillées, notes et photos aux murs, fleurs séchées au sol. Au bord du bassin, Eddie, le chien, observe le tout. «Chaque jour, je mesure à quel point cet espace est unique, sourit Ellen. Je ne veux jamais en partir.»
La plupart des travaux sont derrière eux, mais le couple a encore des projets, tels que rénover la façade et les terrasses, et, à terme, offrir à leurs amis l’occasion de ressortir leurs maillots de bain. «Nous rêvons d’un étang de baignade. Mais rien ne presse, conclut l’habitante. Une maison, c’est un projet continu. Il faut toujours garder des rêves.»
Ellen Vrijsen (46 ans)
Artiste et professeure à PXL Mad, à Hasselt.
Études d’illustration à Sint-Lucas Anvers.
Expo solo Reminders, du 27 septembre au 9 novembre, à la (s o o n) gallery, à Anvers.